Dans le Jura et le Doubs, l’entreprise Bonglet spécialisée dans le bâtiment permet à ses salariés de travailler avec un exosquelette pour limiter la pénibilité du travail sur les chantiers. Alors que le gouvernement vient de repousser l’âge de départ en retraite à 64 ans dès 2030, ces ouvriers ont du mal à encaisser la nouvelle.
C’est un chantier comme il y en a des dizaines de milliers en France. Des hommes qui travaillent par tous les temps, canicule, vague de froid.
La réforme des retraites va toucher ces personnels. Certains espèrent pouvoir partir plus tôt et bénéficier du facteur pénibilité, mais pour l’instant, tout est flou. L’horizon de leur départ en retraite s’est éloigné avec les annonces de la Premier ministre Elisabeth Borne. L'âge légal de départ à la retraite, c'est-à-dire l'âge à partir duquel un travailleur peut théoriquement prendre sa retraite, va progressivement passer de 62 à 64 ans, à raison d'un trimestre supplémentaire par génération. Les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 seront les premières concernées par la réforme et pourront prétendre à un départ à la retraite à compter de 62 ans et trois mois. En 2030, l'âge légal atteindra ainsi 64 ans.
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“Je suis déjà à moitié cassé. À 64 ans, je serai peut-être dans une charrette, je profiterai de ma retraite avec des béquilles ?!”
Un ouvrier du bâtiment
Dans le bâtiment, il raconte le froid, le chaud l’été, les charges lourdes, les échafaudages qu’on grimpe. “Dans le bâtiment, qu’est ce qui n’est pas pénible ? Mais, on n’a pas le choix”. Cet ouvrier travaille ce 11 janvier dans le Jura sur son chantier avec un système d’exosquelette qui limite les pressions sur les articulations et les muscles. "Ça m'aide, certes l’exosquelette, mais l’usure est là, le dos, les épaules” constate-t-il. “Moi, ça ne me fait rien de travailler jusqu’à 64 ans, si je suis bien, si j’arrive en retraite dans un état de santé qui me permette d’en profiter” confie-t-il à notre journaliste Florence Cicolella.
"Que les politiciens viennent voir notre métier, quand il fait 60 degrés sur une façade !"
Sur le même chantier, un ouvrier plus jeune, 47 ans, sait lui aussi qu’il devra travailler plus longtemps. “A 47 ans, je commence à avoir deux tendinites aux bras. C’est pour cela que l’exosquelette, il faudrait le mettre déjà bien plus jeune. Moi, je ne me vois pas arriver en retraite dans le bâtiment à 64 ans. Que les politiciens viennent voir notre métier, quand il fait 60 degrés sur une façade, - 5 à -10 degrés dehors. Et qu'ils ne viennent pas seulement une journée, mais une semaine entière !”. Cet ouvrier envisage déjà une reconversion pour changer de métier, et pouvoir profiter de la retraite quand l’heure viendra.
Pénibilité : que prévoit la future réforme des retraites ?
Le volet pénibilité de la réforme des retraites comprendra pour les métiers à risque une "visite médicale obligatoire et systématique" à 61 ans auprès de la médecine du travail, rendant "possible" un départ anticipé, assure le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.
"Désormais, grâce à un avis médical, il sera possible de partir plus tôt", a déclaré le ministre sur franceinfo. Une première visite était déjà effectuée à 45 ans. Face à la pénurie de médecins du travail, il n'a pas exclu, le cas échéant, que le médecin traitant soit chargé de ce diagnostic.
Un fonds d'investissement d'un milliard d'euros sera crée d'ici 2027, notamment pour financer des outils limitant la pénibilité du travail. Olivier Véran a ainsi cité les lève-malades pour les hôpitaux ou les Ehpad. Ce fonds devrait servir également aux aides à la formation et à la reconversion en cours de carrière vers des métiers moins pénibles.
La pénibilité sera prise en compte dans la future réforme. Elle a revu un certain nombre de critères. Il faudra désormais travailler 100 nuits par an et non 120 (30 nuits par an au lieu de 50 quand on est en 3X8) pour acquérir des points ouvrant droit à une retraite anticipée.
Enfin, "il y aura sans doute des carrières, des métiers, des situations qui justifieront une forme d'automaticité" d'acquisition de points, a assuré le porte-parole du gouvernement.
Les branches professionnelles doivent recenser "les métiers les plus exposés aux facteurs de risques ergonomiques qui causent 9 maladies professionnelles sur 10 : les postures pénibles, le port de charges lourdes et les vibrations mécaniques".
avec AFP
Revoir le reportage de F. Cicollela, D. Martin, Y. Bultel