La découverte d'un charnier de renards sur les rives de la Lemme dans le Jura a provoqué une vive émotion ce lundi 11 mars. La préfecture a annoncé qu'elle suspendait l'agrément d'un louvetier.
Les images sont choquantes, et elles ont fait massivement réagir : deux jours après la découverte d'un charnier de renards en bord d'une rivière dans le Jura, une piste semble se dessiner. La préfecture a annoncé le mardi 12 mars qu'elle avait suspendu l'agrément d'un louvetier.
De quoi parle-t-on ?
C'est un pêcheur du Jura, qui, alors qu'il remontait le long de la rivière de la Lemme, a fait cette macabre découverte: dans un coin de pêche qu'il affectionne, des dizaines de cadavres de renards, dont certains dans un état de décomposition avancée, abandonnés sur les rives. Choqué et indigné, il a partagé ces images, rapidement reprises par des associations de défense de la nature.
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Dans ce lieu reculé et difficile d'accès, plus d'une vingtaine de dépouilles de renards, et des ossements, jonchait le long des rives. Un randonneur rencontré non loin de là par France 3 Franche-Comté dit se souvenir avoir vu des dépouilles à "au même endroit", il y a plusieurs années : "c'était il y a quatre ou cinq ans en arrière, j'étais surpris de voir trois ou quatre renards, allongés sur le bord de la Lemme".
Par ailleurs, à une dizaine de kilomètres, devant la déchetterie du Haut-Jura, à Morbier, des poubelles permettent aux chasseurs de déposer les cadavres d'animaux.
Peut-on tuer des renards ?
Le renard n'est pas une espèce protégée. Au contraire, il fait partie des animaux qui peuvent être classés comme "espèce susceptible d'occasionner des dégâts", autrement dit comme nuisible, par arrêté ministériel. C'est le cas en Franche-Comté.
Il peut être tué par tir pendant la période de chasse, du 1er juin à la fin février, et dans certaines circonstances à d'autres périodes, notamment sur un arrêté préfectoral ou arrêté municipal. Il peut également être piégé en tout lieu, et déterré sous certaines circonstances. Dans le Doubs, une expérimentation a cependant mis entre parenthèse ce statut dans 117 des communes du département. Les renards ne peuvent y être piégés, mais la chasse est possible pendant la période officielle. La chasse est par ailleurs interdite dans deux zones du département. Il s'agit d'un dispositif d'étude de la régulation du renard.
Dans le cas présent, un communiqué de la préfecture du Jura précise que ""un arrêté municipal autorisant le prélèvement de renards (espèce susceptible d'occasionner des dégâts) a été pris le 9 janvier 2024 par la commune de Fort-du-Plasne, pour une durée de 3 mois, au regard notamment d'attaques répétées de poulaillers". Le louvetier, agréé par la préfecture, du secteur avait donc été missionné pour ces "prélèvements".
"On a accusé les chasseurs à tort" a commenté Christian Lagalice, président de la Fédération départementale des chasseurs du Jura.
Une enquête pour "abandon de cadavres d'animaux"
Au delà de la question de la mort de ces renards, se pose celle de l'accumulation de leurs dépouilles, qui plus est au bord d'une rivière.
Une enquête a été ouverte par le parquet régional environnemental, sous l'autorité du procureur de Besançon, Etienne Manteaux, et confiée aux services de l'Office Français de la Biodiversité, pour "abandon de cadavres d'animaux".
En effet, ces cadavres sont considérés comme des "déchets". "Un cadavre seul, il a des vertus de fertilisation s'il est isolé" explique Gilles Moyne, directeur du Centre Athenas, centre de soin de la faune sauvage, "dès l'instant où on les regroupe, il y a des risques pathogènes, une surcharge pour la rivière et les poissons, et des risques pour l'eau de consommation". Il dénonce "des actes inqualifiables".
Un louvetier suspendu
La préfecture du Jura a annoncé que le préfet avait demandé "le retrait conservatoire de l'agrément" d'un louvetier. Il s'agit du louvetier qui avait été missionné par arrêté municipal. Le communiqué de la préfecture précise que cette mesure a été prise "sans préjuger des conclusions de la procédure judiciaire et en accord avec les services de l'OFB en charge de l'enquête".
La préfecture a également "demandé l'évacuation des cadavres et leur prise en charge par une filière d'équarrissage habilitée". Ce mardi midi, la plupart des cadavres du charnier avaient en effet disparu du site. Ne restaient que trois dépouilles et des ossements.
Plusieurs questions restent désormais en suspens : l'arrêté municipal était-il conforme à la réglementation ? Combien de renards ordonnait-il de prélever ? Les renards retrouvés dans ce charnier sont-ils ceux dont le prélèvement avait été demandé ? Si c'est le cas, pourquoi les avoir déposés dans cet endroit difficile d'accès et non pas dans un lieu dédié ?
Le parquet ne s'est pour le moment pas exprimé sur l'enquête en cours. Sollicité, le maire de Fort-du-Plasne n'a pas répondu à France 3 Franche-Comté.