Comment lutter contre la prolifération de campagnols ? Ce petit rongeur fait des ravages dans les parcelles agricoles, En Bourgogne Franche-Comté sa présence est étroitement surveillée et contrôlée grâce à des actions préventives précoces et innovantes.
Comme les taupes, les campagnols creusent des galeries et se nourrissent des racines de végétaux. Un désastre, particulièrement dans les zones d'élevage en Bourgogne Franche-Comté.
Depuis 1999, dans le Doubs, les scientifiques et des agriculteurs volontaires travaillent ensemble dans une Zone expérimentale de Lutte Anti Campagnol (ZELAC) pour mettre au point des méthodes de lutte alternatives. Le bromadiolone, un raticide utilisé pendant des années contre les campagnols, a été retiré du marché en 2020.
Les essais de lutte raisonnée (contrôle écologique) organisé par la Fédération Nationale de Défense contre les Organismes Nuisibles (FREDON) de Bourgogne Franche-Comté, le Laboratoire Chrono-environnement de l’Université de Besançon et le CNRS ont commencé, au début, sur 300 hectares. Aujourd'hui la ZELAC s'étend sur 1000 hectares.
Les recherches ont conduit à comprendre les causes principales des pullulations, et à mettre au point, avec les éleveurs, une réponse basée sur la prévention et l’intervention précoce, que chacun peut adapter aux configurations de son exploitation.
Les zones d'élevage particulièrement surveillées
Basé à Besançon, Geoffroy Couval est le référent technique spécialisé de la FREDON au niveau national. Un "monsieur campagnol " qui intervient partout en France, en mission d'appui, pour le ministère de l'agriculture.
C'est dire s'il connaît bien la situation. Particulièrement préoccupante actuellement en Occitanie, elle l'est aussi en Auvergne, dans les zones d'élevage.
"En Bourgogne Franche-Comté, c'est dans les départements du Doubs et du Jura que le campagnol terrestre fait le plus de dégâts. En Bourgogne, on a eu quelques pullulations en 2010/2011 sur une partie du Morvan, précisément une grande partie du Charollais, mais rien depuis qu'on a mis en place un suivi".
La zone A.O.P Comté particulièrement touchée
Le campagnol terrestre pullule dans 582 communes réparties sur le Doubs et le Jura. Toute l'aire géographique de l'Apellation d'Origine Protégée Comté est concernée.
D'où l'intérêt de mettre en oeuvre des méthodes de lutte raisonnée afin de limiter les pertes de production fourragère.
"Lorsque 80% à 100% de surface agricole est herbagère, la menace est particulièrement importante. C'est le type de terrain favorable aux campagnols", explique Geoffroy Couval.
Des moyens d'action pour favoriser les prédateurs
"La stratégie mise en place consiste à modifier le paysage . Elle est basée sur des changements de pratique pour rendre la vie impossible aux campagnols et attirer au maximum les prédateurs", dit Geoffroy Couval. Il s'agit par exemple de labourer une partie des terres dans les prairies pour détruire les galeries taupières.
Plusieurs méthodes sont mises en places :
- culture de céréales sur une partie de la surface agricole utile des prairies
- gestion de bandes enherbées (favorisant la prédation des campagnols)
- installation de perchoirs à rapaces
- entretien de haies (afin d'attirer plus d'oiseaux prédateurs naturels des campagnols)
Les prédateurs les plus efficaces
Une autre étude a été menée pour identifier les prédateurs de campagnols. Parmi les oiseaux, la corneille noire représente à elle seule plus d'un quart à 60% des prédateurs observés.
Les buses, les milans royaux, mais aussi les chats domestiques (dans un rayon de 500 mètres autour des villages) sont également de grands prédateurs de campagnols.
Il faut compter avec le renard qui peut dévorer 3 000 à 5 500 rongeurs par an. Mais chaque année des milliers de renard roux sont pourchassés et tués.
De plus en plus de voix s'élèvent pour défendre sa cause et son utilité dans la faune sauvage pour limiter la prolifération de campagnols .
Le renard, nettoyeur des prairies
Le collectif Renard Doubs qui regroupe 39 associations, milite pour la protection du renard. Selon le collectif, le renard participe à la régulation des populations de rongeurs.
Un véritable "nettoyeur des prairies" qui en prélevant des campagnols infectés de tiques limite aussi la propagation de la maladie de Lyme.
"Mais, explique Geoffroy Cauval, on ne dispose d'aucune donnée objective pour départager les pour et les anti renard". C'est pourquoi le programme CARELI a été lancé dans le Doubs et le Haut-Doubs.
"Il s'agit d'une expérimentation qui va permettre de mesurer objectivement les effets de la protection du renard ". Elle a commencé en 2021 et doit durer 10 ans.
Concrètement deux zones sont étudiées. Chacune d'entre elle est divisée en deux parties : l'une où le renard est protégé, l'autre où il ne l'est pas.
Cette expérimentation permettra de mesurer l'impact du renard sur les populations de campagnols, mais aussi sur les autres prédateurs, notamment nocturnes.
Elle prendra en compte les éventuelles attaques d'élevage avicoles et l'incidence sur la propagation de l'échinococcose alvéolaire, une maladie transmissible à l'espèce humaine par un parasite du renard.