Dans un monde de plus en plus virtuel et dématérialisé, le documentaire " Les choses des autres " nous interroge sur la place et le rôle des objets dans nos vies. Sont-ils de simples choses que l'on peut jeter ou garder ou nous emmènent-ils au plus profond de nous-même ?
J’ai acheté des plumiers et des tas d’autres choses dont personne ne voulait à l’époque. J’ai fait mes racines avec eux.
Qui ne s’est pas retrouvé un jour devant un objet oublié, assailli par des souvenirs, bons ou mauvais ? Qui ne s’est pas retrouvé un jour devant un tas d’objets à trier, à se demander ce qu’il faut garder, jeter ou donner ? Qui ne s’est pas retrouvé un jour sur un vide grenier, face à un objet inconnu qui soudain prend vie et nous entraine dans un passé, une histoire qui n’est pas la nôtre, mais pourrait le devenir ?
Les objets ne sont pas anodins, ils ne sont pas que des choses, ils sont plus que cela. Ils peuvent se transformer en véritables vecteurs de mémoire, d’images et d’émotions. Certains d’entre nous ont du mal à s’en détacher, et parfois les accumulent, d’autres au contraire ne pensent qu’à s’en débarrasser, s’en détacher.
Le documentaire "Les choses des autres", nous interroge sur la place et le rôle des objets dans notre vie.
Sa réalisatrice, Delphine Ziegler est originaire d’une famille nombreuse où il fallait prendre soin des nombreux objets qui habitaient son univers. Un jour, il a fallu les trier et choisir lesquels jeter et lesquels garder. Alors, les questions sont venues. Pour essayer d’y répondre, elle est allée voir plusieurs personnes, entourées d’objets. En nous emmenant dans l’histoire et l’intimité que chacun d’entre eux entretient avec les objets, elle nous permet aussi de trouver nos propres réponses.
♦ Alain, le nostalgique, vide le grenier de ses parents
Alain se trouve à un passage important de sa vie. Celui où il doit vider la maison de son enfance car ses parents âgés ont dû la quitter pour aller en maison de retraite.
Dans le grenier, telle une madeleine de Proust, tous les objets lui parlent de cette enfance et lui disent que le temps est passé. Désormais, c’est à lui de se poser la question de savoir ce qu’il veut garder et transmettre. Un moment d’émotions intenses.
Je l’avais oublié et en le retrouvant je ne maitrise pas ce que cela me fait…Il faut que je fasse du rangement car il y a une transmission et je ne peux pas imposer les choses aux gens.
En ouvrant des cartons, Alain retrouve les objets qui ont ponctué sa vie. Tout d’abord, le matériel de dessin industriel qu’il utilisait lorsqu’il avait environ 16 ans. Cette découverte ramène à la surface un passé enfoui et oublié. Il retrouve les gestes oubliés, la tête de son prof de dessin ainsi que celles de ses copains de l’époque.
Il y a des gens qui disent que cela ne sert à rien de conserver, que c’est fétichiste et qu’on n’est pas capable de prendre de la distance devant les choses, qu’on ne s’occupe pas du présent. Je ne suis pas sûr que les objets ce ne soit que du passé.
Mais cela n’est pas fini ! Entre le service en porcelaine de la tante Cécile et les chaussures du grand-père, Alain tombe sur d’autres trésors qui le relient à sa mère. D’abord le premier dictionnaire qu’elle lui a acheté sur un marché, puis une carte qu’elle lui a donné pour l’accompagner le jour de son CAP.
♦ Jean-Philippe, brocanteur et passeur d’objets
C’est sur un vide grenier que l’on fait la connaissance de Jean-Philippe, le brocanteur. Ce professionnel des objets a su se construire un univers très personnel avec les objets des autres.
J’ai été marqué par la sensualité des matières, c’est ça qui m’a imprégné et qui a construit un goût dans mon regard.
Jean-Philippe est un passeur. Il fait ce métier pour mettre les choses en circulation, et ainsi éviter de les accumuler, pour ne pas les faire stagner. Une démarche à l’opposé de Jean-Louis, un autre personnage du film, collectionneur d’outils, attaché à ses objets qu’il range soigneusement dans des tiroirs.
Sur le vide grenier, l’étal de Jean-Philippe est différent. Les objets y sont mis en scène et attirent le regard des connaisseurs. Pour Jean-Philippe, c’est le regard qui donne de la valeur à l’objet.
Le plus beau trésor au fond des mers n’a aucune valeur si on ignore son existence. Alors que voilà, une petite trouvaille sur un marché aux puces devient tout à coup un trésor parce qu’on va le montrer et, dans l’enthousiasme, communiquer à travers lui.
♦ Patrick, l’accumulateur, à la recherche de jouets ravivant l’enfance
Chez Patrick, les objets sont omniprésents, ils occupent le moindre recoin de sa maison. Ce plasticien, poète, a été inspiré par la « Fabuloserie », une maison musée qui se trouve à Dicy dans l’Yonne.
Certaines personnes qui viennent chez moi doivent sortir car elles ne supportent pas, elles trouvent cela étouffant.
Patrick se dit accumulateur et non collectionneur. Il glane de nombreux objets, la plupart du temps des objets "de rien", sans valeur. Il les range dans des caisses qu’il étiquette pour les faire revivre en fabriquant d’autres objets : sculptures et bestiaires imaginaires. La passion de Patrick c’est l’enfance et les jouets.
Nos émotions, à travers les objets, réactivent la mémoire et la mémoire c’est toujours l’enfance.
Ces objets ont une telle importance dans la vie de Patrick qu’il est capable de leur dire "je t’aime", comme il le ferait avec une personne. Il partage sa passion en ouvrant les portes de son univers aux visiteurs : "l’atelier du quai" à l’Isle-sur-le-Doubs.
♦ Florence, une chineuse dans l’âme
Enfant, Florence vivait dans un HLM et n’avait pas de grenier. Elle a adoré aller fouiner dans celui de ses grands-parents.
Dès qu’elle a pu, elle est allé sur les brocantes et y a acheté énormément d’objets. Même s’ils ont appartenu à d’autres histoires, elle les a fait entrer dans la sienne.
J’ai acheté des plumiers et des tas d’autres choses dont personne ne voulait à l’époque. J’ai fait mes racines avec eux.
Contrairement à Patrick, Florence reconnait que lorsqu’il y a trop d’objets, cela peut devenir étouffant. Aussi, chez elle, les objets sont dans des cartons étiquetés "divers bordels" ou dans des tiroirs. Des objets qu’elle cache et qu’elle ressort pour retrouver la vivacité de l’émotion qu’ils lui procurent.
Mais, quand elle arrive dans une maison où il y a très peu d’objets, elle est étonnée et se demande toujours où est la "boite à objet".
Aujourd’hui, le temps de la transmission est venu pour elle aussi. Elle doit déménager, et malgré sa passion, elle projette de faire don ou de vendre une partie de ses trésors.
Dans ce documentaire, la psychanalyste est une présence invisible dont la voix nous accompagne tout au long du film. Delphine Ziegler la nomme "la voix drone". Cette voix décortique la relation aux objets de chacun des personnages et crée une passerelle entre eux, comme s’ils se connaissaient. Elle interpelle également chacun d’entre nous, nous obligeant à nous poser et nous questionner sur la signification des objets dans nos vies.
"Les choses des autres", un film réalisée par Delphine Zielgler
Coproduction : Vie des Hauts production & France Télévisions
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