L'élevage du Mangalica, un porc laineux originaire de Hongrie, se développe en France sous l'oeil vigilant de Thomas Dunoyer. Installé à La-Celle-en-Morvan en Saône-et-Loire, il signera un partenariat avec la Hongrie mercredi 23 juin pour gérer le registre généalogique français de la race.
Au bord d'une petite route qui mène à la Ferme du Mont, exploitation située à La-Celle-en-Morvan, un parc de plusieurs hectares s'étend. Il s'agit de la demeure actuelle d'une cinquantaine de porcs Mangalica, une race d'origine hongroise. Quelques ballons sont dispersés dans le terrain, leur permettant même de jouer au foot. Mais pas de sélection en Équipe de France pour eux. Le seul qui les déloge de l'ombre des arbres sous lesquels ils sont étendus, c'est Thomas Dunoyer. Exploitant d'une quarantaine d'années, il est avant tout un passionné.
"On a notre propre langage", sourit-il, après avoir attiré ses cochons à grand renfort de cris... et de nourriture. Tout en leur lançant des seaux de grain, il raconte que ce sont des animaux très dociles. L'un des facteurs qui a motivé son choix d'élever cette race plutôt qu'une autre. "J'ai des enfants, qui sont pour certains très intéressés par l'activité agricole. Alors je ne voulais pas prendre des bêtes agressives. Parfois, ils tentent même de faire du rodéo avec eux !"
C'est au terme de maints voyages en Europe, pour déterminer quels cochons il veut élever, que Thomas Dunoyer découvre cette race de porcs. Les terres agricoles qu'il a récupérées dans le centre de la Bourgogne lui permettent de profiter de la renommée du jambon du Morvan. "Mais il reste très peu d'éleveurs de cochons dans le coin", s'attriste-t-il. L'occasion, pour lui, de relancer un secteur en perte de vitesse.
Une espèce sauvée de la disparation
Peu connu dans l'hexagone, le "Manga", comme le surnomme l'éleveur morvandiau, a été sauvé de la disparition par Peter Thöt. Il s'agit du détenteur du herd-book hongrois, c'est-à-dire le registre généalogique d'une espèce ou race d'animaux. Le pays d'Europe de l'Est compte désormais plus de 200 élevages.
Le développement du Mangalica en France s'effectue main dans la main avec l'éleveur hongrois. C'est avec lui que Thomas Dunoyer va officiellement signer un partenariat pour gérer le herd-book français mercredi 23 juin, en compagnie d'ambassadeurs de la Hongrie. L'aboutissement d'une partie d'un travail démarré cinq ans plus tôt. "Quand je me suis lancé dans ce projet, mon premier objectif était de réaliser un état des lieux du Mangalica en France", raconte-t-il. "Très peu de spécimens y sont élevés, et ce ne sont pas des "pure race" mais des croisements. Moi, à terme, je veux reconstituer la pure race dans le pays."
Cette entreprise semble pour l'instant bien engagée. L'association Mangalica France, dont le siège se situe à la Ferme du Mont, est attachée à deux autres exploitations bourguignonnes qui élèvent ces "pata negra hongrois", en référence au prestigieux porc espagnol. Environ 150 bêtes se situent sur ces trois sites agricoles, dont 90 à La-Celle-en-Morvan.
Des cochons servis à la table de chefs étoilés
"Papa, on y va !", s'écrient deux des enfants de Thomas Dunoyer. "Vous livrez bien Joy Astrid !", leur répond-il, tandis que lui et son associé Cyril profitent d'une pause bien méritée à l'ombre. Joy Astrid, c'est l'une des deux chefs du restaurant "Chez Camille" situé à Arnay-le-Duc, en Côte-d'Or. Celui-ci fait partie des quelques établissements à bénéficier de la viande de Mangalica produite dans le Morvan. "Je ne livre que des restaurants étoilés", plaisante l'éleveur. Parmi ses prestigieux clients, il compte notamment le restaurant Bernard Loiseau à Saulieu, ou Maison Doucet à Charolles.
Plus que son aspect laineux, la principale caractéristique du Mangalica est son gras. Là où un porc classique dispose d'une épaisseur de gras de trois ou quatre centimètres sous ses poils, la race hongroise en possède pas moins de sept centimètres. Une caractéristique qui fait partie intégrante de l'identité de sa viande. "Aussi, la viande est très rouge, ça n'a rien à avoir avec ce qu'on a l'habitude de manger", précise Thomas Dunoyer. "Le Manga, c'est un cochon de qualité premium. C'est un produit nouveau pour les chefs, donc ça les intéresse beaucoup." Et le prix, cinq fois plus élevé que pour du porc habituel, est loin de les freiner.
Cette différence de tarif est dûe à la difficulté inhérente à l'élevage de porcs Mangalica. Pour un porc blanc, il faut compter 6 mois entre la naissance et l'abattage, tandis que le laineux hongrois a besoin de 24 mois pour être envoyé à l'abattoir. Cette période s'effectue intégralement en extérieur, car ces cochons ne supportent pas la vie en intérieur. A cela s'ajoutent 24 mois supplémentaires d'affinage pour le jambon.
La production actuelle de la Ferme du Mont ne permet pas à son propriétaire de vendre aux particuliers. Il n'en vit d'ailleurs pas encore, à cause de l'investissement d'argent qu'il a dû injecter dans ce projet. Mais avant tout, Thomas Dunoyer cherche à faire reconnaître cette race si particulière en France. Car pour lui, "ce n'est pas du cochon, c'est du Mangalica."