En 1995, la visite du prince Philip dans la vallée du Doubs n'était pas passée inaperçue. Défenseur de l'environnement, l'époux de la reine d'Angleterre venait apporter un soutien à peine voilé aux Francs-Comtois qui s'opposaient au projet de canal à grand gabarit Rhin-Rhône.
Le prince Philip, décédé ce 9 avril 2021, était connu pour son franc-parler. Parfois à la limite de la gaffe. L'époux de la reine d'Angleterre était aussi un homme engagé dans la défense de l'environnement et de la cause animale. Il était d'ailleurs le président du WWF, le fonds mondial pour la nature.
C'est à ce titre qu'au printemps 1995, il avait été invité par la branche française de l'organisation internationale.
Un poisson rouge en colère, symbole des opposants
Souvenez-vous. Dans les années 1990, la vallée du Doubs est au centre d'une vive polémique entre les partisans et les opposants au projet de construction d'un canal à grand gabarit Rhin-Rhône.
Le projet vise à agrandir le canal existant, dit "Fressynet", afin de permettre le passage de péniches de grandes dimensions. Une liaison considérée comme manquante entre la mer du Nord et le bassin méditerranéen.
Pour les opposants, le projet est une absurdité. Il risque de détruire la vallée du Doubs, sa faune et sa flore.
Un peu partout dans le Doubs, et au-delà dans toute la France, on voit fleurir le logo d'un poisson rouge pas content du tout. En colère même, contre le grand canal.
La colère, ce n'est visiblement pas dans les habitudes du prince Philip. Ce printemps 1995, il est donc à bord d'un bateau, en croisière sur le Doubs. Et quand il prend la parole, en français, c'est avec un langage très diplomatique :
"La décision finale appartient au gouvernemenet et au peuple du pays concerné", précise le prince Philip, "tout ce que je voudrais faire c’est encourager le peuple à s'assurer d’avoir absolument pris en considération tous les impacts".
Derrière les mots choisis, le soutien aux opposants du canal à grand gabarit est évident.
Le projet de grand canal Rhin-Rhône est abandonné
Peu de temps après cette visite, le projet de canal à grand gabarit Rhin-Rhône est abandonné. C'est une décision de la nouvelle majorité de la gauche plurielle, arrivée au pouvoir en 1997, après la dissolution de l'Assemblée Nationale par le président de la République, Jacques Chirac.
Le nouveau gouvernement compte alors une ministre de l'environnement jurassienne, Dominique Voynet. A la tête des Verts, elle était une opposante au projet de grand canal.
L'ouverture de la ligne ferroviaire à grande vitesse Rhin-Rhône, en 2011, conforte sans doute le caractère définitif de l'abandon du projet de grand canal.