La naissance réjouit les amoureux de la nature. Début mai, un petit aiglon est enfin né en Bourgogne-Franche-Comté. L’espèce persécutée par l’homme, avait disparu du massif du Jura.
Il est encore dans son nid. Quelque part dans le secteur de Saint-Claude sur une falaise inaccessible. Le petit aigle royal est né vers le 8 mai. Il a deux mois aujourd’hui. “Il est encore couvert de duvet, tout blanc. Les plumes commencent à pousser : des plumes très noires” explique Pierre Durlet, en charge de la biodiversité au Parc Naturel Régional du Haut-Jura. “Ce jeune aigle ne s’envolera pas du nid avant la fin juillet” estime le spécialiste qui va de temps en temps observer le nid depuis un point très éloigné pour ne pas déranger la famille de rapaces.
Les naissances sont précieuses. Dame aigle pond entre deux et quatre oeufs. "Il y a très rarement plus de deux éclosions, et souvent un seul oisillon qui arrivera jusqu'à l'envol, du fait des difficultes à nourrir les poussins" ajoute Pierre Durlet.
L’aigle royal ne se reproduisait plus dans le département du Jura depuis près de deux siècles
Ce carnet rose ne doit pas faire oublier l’histoire. “Cette naissance est exceptionnelle pour nous humains. L’aigle royal avait disparu du massif du Jura suite aux persécutions subies pendant le XXe siècle, jusqu’à sa protection dans les années 70. Il avait été éradiqué par l’homme” détaille Pierre Durlet. Les habitants craignaient alors pour leurs bêtes. On disait aussi que l’aigle royal venait voler les enfants dans les couffins.
Les derniers écrits portant traces de naissances d’aigles royaux dans le Jura remontent à 1867. Frère Ogérien, un moine érudit raconte dans un ouvrage que les aigles se reproduisaient encore dans ce secteur dans les années 1850.
Une lente reconquête du territoire
Détruit, chassé, mis en difficulté, les aigles ont fini par recoloniser le pourtour des Alpes. “En 1994, un couple est revenu dans le massif jurassien, il nichait dans la haute chaîne dans le secteur de Bellegarde dans l’Ain. En 2004, un second couple se reproduit toujours dans l’Ain” raconte Pierre Durlet. “C’est une reconquête des territoires qui est très lente, il faut 10 ans pour qu’un couple s’installe, il ne peut se reproduire qu’à partir de l’âge de 5 ans” complète le spécialiste.
“L’aigle est protégé depuis 1972, il revient seulement 50 ans après nicher dans le Jura”
La naissance de cet aiglon royal au-delà de son symbole géographique, est une bonne nouvelle pour la faune. “Ce qui est rassurant, et c’est vrai pour l’ensemble des prédateurs, c’est que quand on arrête de les persécuter, les chasser, les populations peuvent se reconstituer” se félicite Pierre Durlet.
Aujourd’hui, le massif du Jura au sens large, compte 7 couples d’aigles royaux seulement. Quatre dans le département de l’Ain, deux côté suisse, et un désormais dans le Jura. Au niveau national, les effectifs d’aigles royaux sont estimés en 2009-2012 à 450-500 couples reproducteurs (contre 274-285 couples en 1985-1989) avec une présence répartie entre les Alpes, les Pyrénées, le sud du Massif Central, la montagne corse, en gagnant progressivement les piémonts et le massif jurassien.
Dans le Haut-Jura, les habitants sont invités à laisser ce petit aiglon et ses parents tranquilles. Les pratiquants d’escalade et de parapente ont été sensibilisés, et vont éviter le secteur. Le parc travaille sur la protection de l’oiseau avec la LPO, la ligue de protection des oiseaux et l’Office français de la biodiversité (OFB). L’aiglon devrait rester jusqu’à cet hiver sur ce territoire du Haut-Jura avant de voguer vers d’autres territoires. Adulte, l’animal aura une envergure de 1,88 à 2,27 m. Il peut mesurer jusqu’à 95 cm de haut.