En 2023, l'Agence nationale de la sécurité du médicament a enregistré une augmentation d'environ 31 % des signalements de ruptures ou de risque de ruptures de stock sur ces produits. Exemple dans la Nièvre, où de nombreuses pharmacies sont touchées par ce phénomène.
"Hélas, nous sommes toujours en rupture de nombreux médicaments. Nous avons même l'impression que c'est de plus en plus le cas." Selon Alain Delgutte, membre du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens et praticien à Nevers (Nièvre), la pénurie de médicaments ne s'améliore pas.
Son impression est confirmée par l'Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM). En 2023, elle a enregistré une augmentation d'environ 31 % des signalements de ruptures ou de risque de ruptures de stock sur ces produits. 4 925 déclarations ont été réalisées cette année-là, contre 3 761 en 2022 et 2 160 un an avant.
"Tous les médicaments sont touchés. Il y a beaucoup d'antibiotiques. Mais, même les produits pour le diabète ou les médicaments cardiovasculaires sont en rupture de stock." Plusieurs facteurs peuvent expliquer l'évolution de cette pénurie :
"Il y a une demande mondiale croissante, donc plus de clients pour les laboratoires. Pour autant, les capacités de production ne suivent pas. C'est assez minime, mais il peut aussi avoir un problème d'approvisionnement des matières premières. Enfin, un des maillons de cette chaîne peut faire défaut, et là, on se retrouve avec le même souci," ajoute Lucie Bourdy-Dubois, pharmacienne à Nevers.
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Une relation entre médecins et pharmaciens pour s'adapter
Pour régler ce phénomène et combler la demande de la clientèle, les pharmaciens et les docteurs sont obligés de s'adapter. "Le médecin a pu prévoir en amont et avoir écrit une ordonnance où il cite plusieurs médicaments. Par exemple, pour des antibiotiques, il peut dire : en numéro un je veux celui-ci. S'il n'est pas disponible, vous mettez celui-là, ou un autre," explique Lucie Bourdy-Dubois.
"On peut également téléphoner aux médecins pour qu'ils changent de médicaments. Mais, on lui fait perdre du temps. Enfin, on se renseigne auprès d'autres pharmaciens pour savoir si le produit en question est disponible chez eux." Une situation confirmée par Alain Delgutte, qui ajoute :
On appelle pour savoir si un confrère a un médicament qui nous manque. Si c'est le cas, on oriente le patient vers lui
Alain Delgutte
Pour autant, il estime que ce temps de travail ajouté "est extrêmement chronophage pour nous, les pharmaciens, et pour les médecins."
Des patients désemparés
En revanche, pour ces pharmaciens, les patients sont les premiers impactés par cette situation. "C'est une grande source d'inquiétude et de stress pour eux. Quand vous êtes stabilisés avec un traitement qui vous est donné, le fait de changer, d'être en attente, voire d'être en rupture de traitement, c'est une vraie problématique."
De nombreuses personnes croisées dans cette pharmacie de Nevers ont dû vivre cette situation. Certains ont pu voir leur traitement être changé pour des médicaments génériques, d'autres n'ont pas eu cette chance.
"Mon mari et moi avons des traitements très importants. On a été obligé de faire plusieurs pharmacies pour essayer de trouver ce qu'il nous fallait. C'est un problème, et cela nous inquiète, car cela concerne quand même notre santé," ajoute une passante.
Pour lutter contre ce problème, l'ANSM rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a permis de renforcer son champ d'action, avec, notamment, la possibilité pour l'agence, de requalifier un médicament comme “médicament d’intérêt thérapeutique majeur,” ou de recourir à des préparations officinales spéciales.