Dans la Nièvre et l'Yonne, une quarantaine de communes a déjà dépassé le seuil d'alerte sécheresse, avec des restrictions d'eau mises en place dès fin-mai. Une tendance qui devrait s'aggraver durant les trois prochains mois.
Le mois de juin n'est pas encore arrivé que déjà, des restrictions d'eau ont cours en Bourgogne. Le 27 mai dernier, la préfecture de la Nièvre a pris un arrêté qui place plusieurs communes du sud-ouest du département en niveau d'alerte.
"Sur les zones placées en alerte, les mesures de restrictions d'usage [de l'eau] visent à réduire les prélèvements pour assurer un débit minimum des cours d'eau", écrit la préfecture. Ces restrictions concernent notamment les usages domestiques tels que le lavage des voitures, le remplissage des piscines, le nettoyage des façades ou encore l'arrosage des pelouses.
Près de 50 communes sont également placées en niveau de vigilance, c'est-à-dire le seuil précédant le niveau d'alerte (en orange sur la carte).
Si ces chiffres peuvent paraître impressionnants à cette période de l'année, la Nièvre n'est pas un cas isolé. Le 19 mai, c'est l'Yonne tout entière qui passe en état de vigilance sécheresse. Moins d'une semaine plus tard, le secteur dit de "l'Armançon Aval", dans le nord du département, franchit le seuil d'alerte sécheresse. Concrètement, cela signifie que les mesures d'économie d'eau deviennent applicables partout dans ce secteur.
En Saône-et-Loire, aucune restriction n'a encore été prise, même si le préfet a invité les habitants à économiser au maximum l'eau dès le 6 mai. En Côte-d'Or, la préfecture a également insisté sur la nécessité d'"adopter une gestion économe de la ressource en eau".
Des pluies insuffisantes pour remplir les nappes
Des conditions météorologiques "inhabituelles", voilà ce qui pousse les services de l'État à la mise en place de mesures restrictives. "Dans certains endroits de la région, on a entre un quart et la moitié de pluie manquante", juge Marc Philippe, chef du département hydrométrie-gestion quantitative à la DREAL de Bourgogne-Franche-Comté. "Depuis le 1er janvier, on est confronté à un véritable déficit pluviométrique." Dans la Nièvre, ce déficit de pluie atteindrait même les 80% pour le mois de mai.
Conséquence, les nappes phréatiques ne sont pas remplies. La nappe de Dijon Sud par exemple, qui alimente en eau potable la métropole dijonnaise et la communauté de communes Gevrey-Chambertin-Nuits-Saint-Georges, a été rechargée à hauteur de 29 cm cet hiver. Soit quatre fois moins qu'en 2021.
"Et comme elles ne sont pas suffisamment remplies, elles seront à leur tour peu utiles pour maintenir le débit des cours d'eau", précise Marc Philippe.
Vers des sécheresses record cet été ?
Au total, 24 départements de France métropolitaine ont déjà dépassé le seuil d'alerte sécheresse. Mais pour Marc Philippe, pas question de parler de crise pour autant. "Il faut utiliser le terme 'crise' avec discernement, puisqu'il correspond à l'un des quatre seuils utilisés pour caractériser la sécheresse [vigilance ; alerte ; alerte renforcée ; crise]."
On constate que les niveaux de vigilance et d'alerte ont été franchis très précocement cette année.
Marc Philippe, directeur du département hydrologie à la DREAL BFC
À noter qu'en 2020, des signes d'alerte avaient été donnés dès fin-avril, compensés ensuite par des épisodes de pluie en mai et en juin. Ce qui, cette année, ne devrait a priori pas se produire. "D'après les prévisions de Météo France, les trois prochains mois devraient être plus chauds et plus secs que d'habitude", indique-t-il. "C'est en tout cas le scénario le plus probable. Et comme gouverner, c'est prévoir, on prévoit toujours le pire."
Reste malgré tout une lueur d'espoir : ce scénario du pire était également celui de 2021, dont l'été a finalement été marqué par une humidité hors norme. Rebelotte cette année ? Pour l'instant, rien n'est moins sûr.