À la veille de l'énoncé du verdict des attentats du 13 novembre 2015, Gaëtan Honoré, directeur d'école à Nevers et rescapé du Bataclan, évoque son état d'esprit et revient sur ces dix mois de procès.
Dix mois d'audience dans un tribunal spécialement aménagé pour accueillir ce procès d'une ampleur inédite. 14 accusés. 330 avocats. Et 1 700 parties civiles, parmi lesquelles Gaëtan Honoré. Ce Neversois était au Bataclan le 13 novembre 2015. Il a échappé à la mort, écrasé sous un autre spectateur qui, lui, a été mortellement touché par la rafale d'un terroriste. Six ans et demi plus tard, le procès des attentats touche à sa fin. Le verdict sera rendu ce mercredi 29 juin. À la veille de cette date, Gaëtan Honoré se confie sur ses impressions et sur les mois d'audience écoulés.
Comment vous sentez-vous aujourd'hui, à la veille de la clôture du procès ?
Gaëtan Honoré : "C'est la concrétisation de ces nombreux mois de procès. Personnellement, je suis assez partagé : il y a à la fois une certaine appréhension de voir ce procès se terminer, mais aussi la curiosité de savoir ce qui sera décidé en termes de délibérations."
"C'est la fin d'un long parcours, avec aussi l'idée que c'est un gros chapitre qui se ferme. C'est un point nodal, pas mal d'émotions m'animent. C'est assez particulier, comme sensation."
Avez-vous une idée du verdict que vous souhaiteriez voir prononcé envers les accusés ?
"J'y ai réfléchi. Et je crois qu'à part avoir réfléchi, je n'attends absolument rien du verdict. Je suis uniquement partie civile, c'est cela mon credo et ma posture. Je confie tout le travail de justice, et éventuellement de réparation, à la cour. Évidemment, je suis directement impliqué mais je n'ai pas d'avis à émettre sur ce que j'attendrais et sur ce qui pourrait constituer à mes yeux un verdict acceptable. Je suis toujours très précautionneux à cet égard."
"Je n'attends rien, je veux juste que le travail puisse se terminer de façon sereine, comme il l'a été depuis le 8 septembre, et que l'on puisse être témoin d'un moment important de justice. Parce que c'était, à plusieurs égards, un sacré défi."
Gaëtan Honoré
Comment avez-vous suivi les débats depuis le début du procès ?
"Je n'ai suivi qu'une dizaine de jours en présentiel. J'ai vécu les deux premiers mois "à fond", mais c'était extrêmement dangereux et je m'en suis rendu compte. Vous avez l'impression qu'il faut y aller tous les jours et que vous aller manquer quelque chose. Je ne m'y attendais pas forcément, mais j'ai été émotionnellement attiré par ce qu'il se passait. C'est finalement un formidable exercice narcissique. Ça remet de la lumière sur ce que vous avez vécu, et je pense que c'est un véritable piège. En tout cas, je l'ai perçu comme cela."
"Aujourd'hui, au niveau affectif, je suis beaucoup moins impliqué qu'au début du procès. Heureusement. Sinon, j'allais droit dans le mur."
Gaëtan Honoré
"J'ai témoigné le 8 octobre. À partir de là, ça a été un peu decrescendo, donc j'ai pu me décoller un peu de tout cela. Le fait d'avoir témoigné assez rapidement m'a permis de passer à autre chose, tout en suivant les choses de près via des comptes-rendus d'audience sur Twitter et sur des blogs."
Se replonger dans les événements du 13 novembre, six ans après, c'était une nécessité ? Une épreuve ?
"C'était nécessaire et difficile. L'idée depuis six ans, c'était d'essayer de remettre de la distance entre nos vies actuelles et "ça". Mais manifestement, lorsque le procès a débuté, j'ai eu l'impression que le vendredi 13 s'était déroulé la veille. On a toujours l'impression que l'on s'en éloigne avec le temps... Sauf que nous ne sommes pas des pommes, et le temps ne suffit pas. De toute façon, il faut vivre avec, et avec l'idée que, d'un claquement de doigt, d'une réminiscence, vous pouvez vous retrouver à nouveau le samedi 14 novembre au matin. Or, au début du procès, c'était même plusieurs samedis 14. Ce n'était vraiment pas simple à gérer."
Comment envisagez-vous la suite, une fois que ce long volet judiciaire sera refermé ?
"C'est déjà un immense chapitre qui se clôt. On parle déjà du procès en appel en 2023 ou 2024. D'ici là, je vais continuer mon petit bonhomme de chemin et continuer à vivre avec, avec des moments qui me replongeront un peu dedans. Mais je vois un psychologue depuis six ans régulièrement, et ça me permet d'appréhender tout ça."
"Je n'ai pas la prétention de dire que tout ça est terminé - loin de là. C'est une nouvelle étape, avec un nouveau contexte et de nouvelles informations. Je ne sais pas du tout comment ça va se passer. Mais j'appréhenderai avec sérénité. En plus, ce sont bientôt les vacances. On va se détendre un peu."