Témoignage. Médecin, étrangère, elle veut s'installer dans un désert médical... mais ne peut y exercer : "on n'existe pas"

Publié le Mis à jour le Écrit par Valentin Loisel
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Ana Cristina Avila Ordoñez est une médecin généraliste équatorienne. En 2021, elle déménage en France, dans la commune de Magny-Cours (Nièvre) et tente de s'y installer pour exercer. Malgré le besoin de médecin dans le département, c'est un échec pour la praticienne, qui va maintenant partir exercer son métier en Espagne.

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C'est un appel à l'aide, sur la situation des médecins diplômés hors de l'Union Européenne (UE), que lance Ana Cristina Avila Ordoñez. "Quelle place avons-nous, les médecins hors UE qui sont déjà en territoire français, et qui n'ont jamais eu l’opportunité d’aller à l’hôpital ?"

Ana Cristina Avila Ordoñez est médecin généraliste avec une spécialité en oncologie clinique. Après avoir travaillé comme médecin dans la ville de Buenos Aires, en Argentine, elle déménage dans la commune de Magny-Cours (Nièvre) en 2021, à la suite de sa rencontre et de son mariage avec un citoyen français.

Quand elle arrive en France, la praticienne dit avoir fait toutes les démarches pour s'intégrer : demande de visa vie privée et familiale, parcours d'intégration républicaine et préparation pour l’examen de niveau B2 de la langue française... "J'ai ensuite cherché un hôpital où je pouvais offrir mes services en tant que FFI (faisant en fonction d’interne) ou comme stagiaire", raconte Ana Cristina Avila Ordoñez.

Nous savions que la procédure d’autorisation d'exercice pour un médecin hors union européenne était lourde et compliquée, mais nous avons décidé de se lancer dans ce projet, car nous voulions être ensemble.

Ana Cristina Avila Ordoñez  

Mais impossible pour elle de travailler, puisqu'elle n'avait pas fait la PAE (procédure d’autorisation d’exercice), autorisation d'exercer sa profession accordée aux praticiens à diplôme hors Union Européenne. En 2021, elle n'a pas pu l'obtenir car elle n'avait pas encore son diplôme de français, prérequis pour avoir la PAE.

De désillusion en désillusion

"Le premier hôpital où j’ai envoyé mon CV, avec beaucoup d'espoir, a été l’hôpital de Nevers. En sachant que la Nièvre est considérée comme un désert médical, je me suis dit que j’avais des chances de pouvoir attirer l’attention des chefs de service", pointe la médecin équatorienne. La Nièvre compte en effet parmi les territoires ruraux les plus déficitaires en matière de santé. En dix ans, le département a perdu un quart de ses médecins généralistes.

S’il y a un manque de personnel soignant, pourquoi ne pas nous faire confiance et nous laisser aller aux hôpitaux, en tant qu'internes ou stagiaires ?

Ana Cristina Avila Ordoñez

Les chefs de service des urgences et de gériatrie, qui cherchaient justement du personnel pour faire face au manque des médecins, la contactent. Malheureusement, aucune possibilité de travailler à cet hôpital car le poste de FFI est réservé aux citoyens européens ou aux étrangers qui sont en formation en France. Pour le poste de stagiaire, une convention est nécessaire, empêchant la médecin de prétendre à ce poste.

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Même son de cloche lorsqu'elle envoie son CV à d'autres hôpitaux dans des régions considérées comme déserts médicaux : pas de possibilité pour elle.

Nous demandons l’opportunité de travailler dans des hôpitaux, sur la surveillance de médecins confirmés, la possibilité d'échanger des connaissances et surtout l’opportunité de travailler là où il manque de bras.

Ana Cristina Avila Ordoñez

Entre 2022 et 2023, Ana Cristina Avila se prépare à passer les épreuves de vérification de connaissance (EVC) préalable à l'acquisition de la PAE. À côté de ça, elle enchaîne les emplois, d'abord en tant qu'aide dentaire dans un cabinet à Nevers puis comme hôtesse d’accueil dans une clinique.

En septembre 2023, la praticienne équatorienne se rend à Paris, tout comme 2 000 autres médecins, pour tenter ces épreuves... qu'elle ne parvient pas à passer. Elle explique cet échec :"Le fait de ne pas avoir pu échanger avec des médecins et de ne pas avoir pu exercer une activité en accord avec ma formation a joué en ma défaveur".

"Pour le gouvernement, on n'existe pas"

En janvier 2023, Gabriel Attal, le Premier ministre français avait déclaré à l'Assemblée nationale, lors de son discours de politique générale : "Nos compatriotes ne trouvent pas suffisamment de médecins". Il avait également annoncé "aller chercher à l'étranger des médecins qui voudraient venir exercer en France."

C'est sur ce point que s'interroge Ana Cristina Avila :" Ils disent qu'ils vont aller chercher des médecins étrangers, mais il faut d'abord qu'ils se renseignent sur ceux qui sont sur place. Nous, on a une vie ici, on est intégré, on a appris la langue et fait les démarches administratives, mais pour le gouvernement, on n'existe pas." 

Ana Cristina Avila a l'impression qu'elle ne peut rien faire de plus afin de pratiquer sa profession en France. Afin de vivre de son métier, elle a donc entamé une procédure d'homologation de son diplôme en Espagne, qu'elle a obtenu en avril 2024.

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En l'espace d'un mois, la praticienne a déjà cinq offres d'emploi dans ce pays, comme médecin généraliste. "C'est beaucoup plus simple qu'en France. Je ne voulais pas partir mais je n'ai pas eu le choix. C’est dommage de partir d’une région où je sais que j'aurais été utile et de laisser tout ce que nous avons construit ici. J’ai le cœur brisé."

Son déménagement est prévu en juin 2024. Grâce à la procédure Hocsman, elle pourra revenir pratiquer en France, après avoir travaillé trois ans en Espagne. Ce qu'elle ne compte pas faire, "dégoûtée" par cette situation. 

Contacté, le centre hospitalier de Nevers n'a pas donné suite à nos sollicitations, avant la publication de l'article.

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