Des cuisines miniatures pour les filles, des petites voitures pour les garçons : un automatisme d'achat qui a la vie dure ! Question de société ou de marketing, les jouets se déclinent encore selon le genre des enfants. Mais la tendance est peut-être en train de s'inverser doucement.
Les fêtes de Noël, c'est pour aujourd'hui. Vous faites surement partie de ceux qui vont se rendre, en dernière minute, dans les magasins de jouets de Bourgogne. A l'intérieur, ils sont le plus souvent classés par genre : fille ou garçon. Une classification bien ancrée dans les mentalités et les gestes d'achat. Mais ces dernières années, les choses évoluent. La séparation se fait de moins en moins claire selon le sexe de l'enfant. Dans certains magasins, on préfère classer les jeux par thématique que par genre. Mais cette évolution prend du temps...
Ma fille joue avec des voitures, et mon fils joue avec à la dînette ou avec des poupées. Ils l'ont demandé eux-mêmes, très jeunes. Ce qui me choque, c'est plutôt de voir certains catalogues de jouets ou certains magasins : je me souviens avoir cherché un camion pour ma fille, et il a fallu que j'aille au rayon "garçons"
Les idées reçues ont la vie dure, dans ce magasin de jouets de Dijon. Au travers des rayons, se trouvent encore des poupées roses, ou des voitures télécommandées bleues. C'est peut-être ce qui fait que certains parents rechignent encore à offrir des jouets qui ne sont apparemment pas destinés au genre de l'enfant.
Parmi eux, il y a Michael. "A la crèche, on familiarise mon enfant avec tous les jouets, sans distinction. C'est peut-être un préjugé, mais je préfére quand même lui acheter des voitures ou des jouets pour garçon", explique le père de famille.
Quelques rues plus loin, les parents se montrent plus favorables à l'idée de donner à leur enfant des jouets à priori destiné à l'autre sexe. « Ma fille joue avec des voitures, et mon fils joue avec à la dînette ou avec des poupées. J'ai aucun problème à ce niveau-là. Ils l'ont demandé eux-mêmes, très jeunes. Ce qui me choque, c'est plutôt de voir certains catalogues de jouets ou certains magasins : je me souviens avoir cherché un camion pour ma fille, et il a fallu que j'aille au rayon "garçons" », explique Emilie.
De manière générale, côté parents, la tendance est à l'ouverture d'esprit. Et du côté enfants, c'est encore plus vrai. Les petits suivent d'abord leurs envies. Ils ne veulent pas savoir si les jouets qu'ils aiment sont pour les filles ou pour les garçons. C'est le cas d'Ernestine : à son anniversaire, la petite fille a reçu des jouets « d'imitation ». Elle adore recréer des scènes de la vie réelle. Ses jouets préférés, ce sont les Playmobil et les kits imitant les "outils de bricolage". Des jouets qui semblent à première vue faits pour les garçons.
Gauthier n'a lui aussi rien à faire de la séparation entre « jouets pour filles » et « jouets pour garçons ». Le père Noël doit lui amener des cartes Pokémon. Le petit garçon n'est pourtant pas contre l'idée de recevoir des jouets vus comme étant pour les filles. « Je voudrais bien avoir une poupée ou une cuisine pour Noël. Pour moi, c'est fait pour les filles, mais aussi pour nous », s'enthousiasme le petit garçon.
Lente adaptation pour les magasins de jouets
Les mentalités des clients changent, et il en est progressivement de même pour les enseignes de jouets.
Dans le centre-ville de Dijon, il y a cette boutique de jouets qui s'interdit de parler de jouets pour « petit garçon » ou pour « petite fille » : faites donc place aux jouets pour « enfants ».
Ici, les meilleures ventes à Noël, ce sont les jouets liés à l'univers de la cuisine. « Ils sont faits pour tout le monde et sont dotés d'un code couleur plus neutre », explique Christelle, responsable du magasin.
Sa boutique fait partie d'une chaîne de magasins ayant repensé la classification des jouets. Plus question de raisonner par « genre » : il faut penser aux capacités que permettent de développer les jouets.
« Un jouet correspond à une demande de développement de talent. Lorsque les parents nous demandent des conseils, on les oriente donc en fonction des capacités qu'ils souhaitent voir développer chez leur enfant, comme par exemple la démarche expérimentale et la "manipulation" », détaille Catherine de Bleeker, directrice d'Oxybul Eveil & Jeux.
L'autre point sur lequel insiste la responsable de la firme, c'est le recours moins fréquent aux couleurs connotées. Dans l'inconscient, le bleu continue à être associé aux garçons, quand le rose est lié aux filles. « Depuis le début, on a fait le choix de produits totalement mixtes, au code couleur plus neutre : du vert, du rouge ou de l'orange », pointe encore la directrice.
L'adaptation se fait plus lentement, dans cette autre grande surface spécialisée, près de Dijon. La boutique Pic Wic Toys n'a plus de rayon « jouets fille » ou « jouets garçon ». « On fait notre classement plutôt par catégories, comme par exemple les "jeux d'imitations", les "jeux de figurines"», explique Nicolas, directeur de ce magasin.
En revanche, il reste toujours quelques stéréotypes dans les rayons : le bleu et le rose dominent encore, sur certains étals. Le responsable de la grande surface s'en justifie : "La couleur du rayon est liée à la typologie du produit : il peut y avoir encore des boites roses, parce que ça va faire appel à des produits assez marqués, comme les princesses".
La distinction fille-garçon a encore de beaux jours devant elle, pour le moment. Casser cette séparation, c'est prendre le risque de se priver d'une partie des revenus, pour les grandes enseignes de jouets. La séparation entre « jouets pour fille » et « jouets pour garçon » fait deux fois plus vendre, selon l'étude "Marre du rose", de l'association Pepite Sexiste. La pratique date des années 90.
Vingt ans auparavant,cette segmentation n'existait pas, puisque près de 70% des jouets de l'époque étaient alors neutres. Le défi reste de taille pour les fabricants : selon une récente étude britannique, 89% des jouets filles sont roses, contre seulement 1% pour les garçons.