POLÉMIQUE. Le nouveau pont de Pont-sur-Yonne trop bas pour laisser passer les bateaux

Les bateliers de l'Yonne n'en reviennent pas. Le nouveau pont de Pont-sur-Yonne est plus bas de 32 centimètres. La navigation sur la rivière devient très compliquée pour le transport de marchandises. Le département à l'initiative des travaux renvoie la responsabilité sur Voies Navigables de France. 

"C'est incroyable" s'énerve Pascal Malbrunot. Batelier sur l'Yonne, il a découvert que le nouveau pont de Pont-sur-Yonne est plus bas que l'ancien. "Le nouveau pont est 32 centimètre plus bas ! C'est énorme ! L'ancien était déjà réputé bas, il fallait déjà que l’on baisse la superstructure. Mais là, cela créé une vraie entrave à la navigation !"

Capitaine d'un bateau de 60 mètres qui transporte des granulats pour un cimentier, il passe chaque jour sous le pont. "Ce pont est dans une légère courbe avec un ceintre arrondi. Il faut vraiment viser juste pour passer au milieu." Le bateau de Pascal Malbrunot dispose d'une structure rétractacle qui lui permet de continuer à franchir le pont. Ce n'est pas le cas de toutes les péniches. " Je passe encore mais j'ai des collègues qui ont beaucoup de mal. Le problème sera en temps de crue et pour les colis lourds. Il ne faut vraiment pas laisser ça comme ça ! Il faut le relever ce pont. On a un port en devenir. Mais c’est incroyable! C’est une volonté durable de réduire le trafic fluvial!"
 

"La première fois, j’ai failli arracher le poste de pilotage. Il manquait 32 centimètres !"

Alain Bridiers, batelier


Une menace pour le transport fluvial

Passer sous le pont de Pont-sur-Yonne est indispensable pour se rendre à la plate-forme multimodale de Gron. Ouverte en 2010, elle devait permettre de réduire les transports polluants et d'augmenter les débouchés des entreprises du nord de l'Yonne vers le bassin parisien et le port du Havre.
 
Mais pour certains bateliers, le nouveau pont pourrait tout remettre en cause. Alain Bridiers est batelier en Seine-et-Marne. Il vient régulièrement jusqu'au port de Gron en passant sous le pont. "Le problème, on l’a découvert quand j’ai passé le pont. La première fois, j’ai failli arrracher le poste de pilotage. Le transport suivant, j’ai fait venir le client sur Gron. Et on a constaté. Il manquait 32 centimètres !".

Depuis, pour passer le pont, Alain Bridiers est obligé de lester son bateau pour passer le pont. En le remplissant d'eau quant il est vide. Mais il est contraint d'acheter du sable lorsqu'il transporte des colis qui ne sont pas assez lourd pour abaisser le bateau. Ce qui représente un surcoût. "Je ne peux pas noyer mes marchandises" ironise Alain Bridiers qui s'agace. "Personne ne nous a contacté ! On n'a pas été prévenu de la baisse de ce pont ! On n’a aucune solution. On n’a pas une voie départementale pour contourner.  On est obligé de passer en dessous !"

Selon le batelier, certains transports pourraient devenir impossible. Dans les prochaines semaines, une grosse pièce fabriquée à Sens et destinée à une platerforme pétrolière en haute mer devait être chargée. Elle pourrait bien rester sur le port. "On a des doutes de pouvoir le passer par le transport fluvial" explique Alain Bridiers.

"C'est un problème technique qui pourrait avoir des répercussions économiques" confirme David Buquet, directeur général de Logiyonne, la société qui exploite le port de Gron. Selon lui, le transport de certaines cargaisons exceptionnelles pourrait être compromis. "On a des chargements fluviaux à faire avec des colis qui vont avoisiner les 6 mètres 50 de haut alors que du fond de cale au tablier, on n'a plus que 6m65. Aujourd'hui, c'est encore possible mais ca pourrait etre bloqué si on avait une crue ou des problématiques de courant."
 

"C'est du bon sens. Si on modifie un pont, on se préoccupe de ce qui passe au dessus. Mais on doit aussi se préoccuper de ce qui passe dessous!"

David Buquet, directeur général de Logiyonne


David Buquet regrette lui-aussi de ne pas avoir été consulté. Il a alerté les services de l'Etat sans avoir pour l'instant obtenu de solution. Aujourd'hui, il se montre plutôt fataliste. "Avant les travaux, on nous a parlé d'amélioration du pont. On a pas trop bougé; on s'attendait au moins à un pont à la même hauteur. On n'aurait jamais du faire confiance. Mais maintenant je pense qu'il est trop tard". S'il ne croit pas à la possibilité de relever le pont, il avance un possible dragage de l'Yonne pour creuser le fond de la rivière en amont et en aval du pont, sans trop y croire. 
 

 

Le département renvoie sur VNF

Gestionnaire des routes, c'est le conseil départemental de l'Yonne qui a fait réaliser les travaux du nouveau pont. Le chantier conduit par Vinci devrait être livré fin juin 2021 pour un coût de plus de 7 millions d'euros. Il comporte 2 tabliers différents. Pour l'instant, seul le premier a été construit. Ce 25 novembre, les élus se sont d'ailleurs rendus sur place pour constater l'avancée des travaux.
 

"Les gabarits de navigation transmis par VNF ont été respectés et pris en compte tant en phase études que, bien entendu, pendant les travaux"

Conseil départemental de l'Yonne


Partagées sur les réseaux sociaux, les photos de la visite n'ont pas manqué de faire réagir. Dans un message, le conseil départemental a répondu au début de polémique. "La collectivité a travaillé de concert avec les Voies Navigables de France (VNF) pour valider les différents éléments techniques de ce chantier, éléments qui concernent la voie d'eau. Les gabarits de navigation transmis par VNF ont été respectés et pris en compte tant en phase études que, bien entendu, pendant les travaux" répond la collectivité avant d'ajouter : "Le Conseil Départemental de l'Yonne a tout mis en œuvre pour assurer la continuité routière et fluviale sur ce chantier d'envergure qui permettra à l'avenir aux usagers de se déplacer en toute sécurité."
 
Franck Semance est directeur général adjoint du pôle infrastructure au conseil départemental de l'Yonne. C'est ce pôle qui gère les routes. Il explique la procédure qui a été suivie. "Quand on construit un pont sur une voie navigable, en tant que maitre d'ouvrage, on ne fait pas ça dans notre coin. On demande à ceux qui exploitent cette voie d'eau, c'est à dire VNF, de nous dire quel est le gabarit à respecter. C'est ce qui a été fait." Selon le département, les études, la conception puis la construction du pont ont ensuite toutes été faites en fonction de ces mêmes gabarits. 

Alors que s'est-il passé ? "C'est exactement ce que je me suis dit" répond Franck Semance qui se dit à la fois "surpris" et "mal à l'aise". "Les gens ont l'impression que l'on fait tout et n'importe quoi; ce n'est pas le cas."  S'il ne croit pas à une erreur de la part de VNF, il évoque un possible "problème d'usage". Les mariniers qui travaillent sur l'Yonne auraient ainsi pris l'habitude de dépasser les gabarits fixés dans le règlement particulier de police d'itinéraire, sorte de code de la route propre à chaque voie navigable.
 

Je ne peux même pas imaginer que VNF se soit trompé dans les gabarits. Il y a peut-être un problème d’usage.

Franck Semance, directeur général adjoint du pôle infrastructure - département de l'Yonne


Un deuxième pont sera construit...  aux mêmes gabarits

Sollicitée, Voies navigables de France (VNF) répond ce 26 novembre: « Le nouveau pont de Pont-sur-Yonne va faire l’objet d’une expertise précise par les services de VNF, en lien avec ceux du Département, afin de s’assurer que les enjeux du transport fluvial, et notamment depuis le port de Gron, sont pris correctement en compte. Il s’agit bien entendu de maintenir ces trafics, et même de les développer. La continuité fluviale sera assurée. » L'organisme ne précise pas quelles pourraient être les solutions apportées. 

Pour le département, il n'y a en tout cas pas de problème et les travaux vont se poursuivre. Le premier tablier du pont a été réalisé correctement selon la collectivité. Le second le sera à l'identique dans quelques semaines. "On va faire exactement la même chose de l’autre coté. Il respectera encore une fois les mêmes gabarits." affirme Franck Semance. A la question "Peut-on surélever un pont déjà construit?" le fonctionnaire répond :  "Techniquement, de nos jours tout est possible. Sauf que ce pont coute 7 millions et demi d'euros. Il faudrait reprendre toutes les études, la conception. C’est beaucoup de travail, de délais d’exécution et d’argent. Pour moi c’est pas concevable." 

En attendant une possible solution , pour les usagers, l'enjeu est qu'il n'y ait pas trop d'eau qui coule sous le pont de Pont-sur-Yonne.

 
 
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