Sophie Lionnet a vécu de nombreuses années dans l'Yonne. Le corps de la jeune femme a été retrouvé carbonisé à Londres en 2017 dans la maison où elle était jeune fille au pair. Le procès de ses meurtriers présumés, le couple de Français qui l'employait, se poursuit cette semaine à Londres.
Il a voulu la "ressusciter" avant de brûler son corps deux jours plus tard : Ouissem Medouni a raconté mercredi les derniers moments de Sophie Lionnet, la jeune fille au pair française qu'il est accusé d'avoir tuée avec sa compagne Sabrina Kouider à Londres.
Sophie Lionnet est morte selon lui dans la nuit du 18 au 19 septembre 2017, après un interrogatoire de la jeune fille de 21 ans partiellement filmé qu'il avait mené avec Sabrina Kouider dans leur appartement du sud-ouest londonien.
Cette dernière, âgée de 35 ans, était persuadée que la victime avait comploté avec un de ses anciens compagnons et père d'un de ses deux garçons, le fondateur du boys band Boyzone Mark Walton, pour droguer et abuser sexuellement de la famille.
Après avoir tenté de lui extorquer des aveux, Ouissem Medouni, 40 ans, était allé se coucher avec l'intention de montrer l'enregistrement à la police, a-t-il raconté devant la cour criminelle de l'Old Bailey. Mais sa compagne a continué à questionner leur employée.
"Dans une valise"
"Sabrina m'a réveillé, probablement vers 01h30. Elle disait que Sophie ne respirait pas", a poursuivi l'ex-analyste financier d'une voix blanche.La victime était allongée dans la baignoire pleine d'eau, vêtue d'un pyjama rose. Sabrina Kouider "était choquée, elle disait : 'Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai fait ?'"
Les yeux de Sophie Lionnet étaient "ouverts" mais elle n'émettait aucun son et ne bougeait pas. L'accusé l'a sortie du bain, allongée dans le salon pour tenter de la réanimer. En vain.
"Je pensais que je pouvais la ressusciter", a-t-il déclaré, sans un regard pour la mère de la victime, très émue. "J'ai essayé, essayé, cela a semblé durer une heure", a-t-il ajouté, précisant qu'elle n'était pas blessée au visage ou ensanglantée.
Ni lui ni sa compagne n'ont appelé les secours ou la police, afin de "protéger les enfants".
Ensuite, "je l'ai enveloppée dans un drap blanc et mise sur le lit superposé", dans la chambre des enfants où Sophie dormait habituellement, a raconté l'accusé. Avant de se raviser et la mettre "dans une valise" de crainte qu'ils ne la découvrent.
Le surlendemain, le mercredi 20 septembre, une fois les enfants à l'école, Sabrina Kouider a insisté pour que le corps soit brûlé dans leur jardin, selon lui.
"Je lui ai dit 'c'est fou, je ne ferai jamais ça'", avant de céder. Pour couvrir l'odeur, il a simultanément fait griller du poulet : "Comme ça, les gens penseraient que c'était un barbecue". Pendant ce temps, sa compagne a pris une douche "pour se laver de ses péchés", selon lui.
Un "suiveur"
Les pompiers sont arrivés, alertés par des voisins intrigués par une importante fumée et une "horrible" odeur. Ils ont retrouvé le cadavre carbonisé de Sophie Lionnet.Ouissem Medouni a prétendu qu'il s'agissait d'un "mouton" : "je voulais protéger la famille et moi-même", s'est-il justifié.
Selon lui, Sabrina Kouider lui a demandé d'"endosser la responsabilité" des faits lors de leur première comparution devant un juge. Ce qu'il a fait dans un premier temps, avant de revenir sur ses aveux.
"J'étais responsable aussi, mais pas du meurtre", a-t-il déclaré aux jurés. "Je suis toujours amoureux mais elle a détruit ma vie".
Il a dit s'en vouloir de ne pas avoir mis un terme violences de sa compagne, qu'il a décrite comme dominante et instable, car alors "Sophie serait en vie". Mais "je n'ai jamais, jamais, jamais frappé ou battu une femme. Je ne suis pas un homme violent, je ne l'ai jamais été".
Lors d'une interruption de séance, en dehors de la salle d'audience, Sabrina Kouider l'a traité d'"assassin" et de "menteur".
L'avocat de sa co-accusée, Icah Peart, s'est attaché à démonter son témoignage lors de contre-interrogatoire. Ouissem Medouni s'est vivement défendu de mentir, se décrivant comme un "suiveur", "un peu naïf" et "trop gentil".
"Je ne veux pas payer pour quelque chose que je n'ai pas fait", a-t-il ajouté. Son audition doit se poursuivre jusqu'à la fin de la semaine.
La mère de Sophie Lionnet habite toujours en Bourgogne, à Paron, dans l’agglomération de Sens. Elle est présente à Londres, où le procès doit se poursuivre jusqu'au 11 mai.
Mais, les parents de Sophie ne pourront pas prendre la parole pendant le procès, car ils ne disposent pas du statut de partie civile, inexistant au Royaume-Uni.