La grande gagnante de ce premier tour des élections régionales et départementales 2021 est l'abstention, tant en Bourgogne-Franche-Comté qu'au niveau national. Analyse.
C'était attendu mais les chiffres dépassent toutes les prévisions. Le taux d'abstention lors de ce premier tour des élections régionales et départementales bat des records, tant en Bourgogne-Franche-Comté qu'au niveau national. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, le taux d'abstention dépasse les 65% au niveau national. Il est de 66,1 % (estimation à 20h). Le record d'abstention sur une élection en France datait de 2009 lors des élections européennes. Il était alors de 59,37%. A noter qu'une abstention plus importante encore s'était produite lors du référendum sur le quinquennat, en septembre 2000 (69,8%).
En Bourgogne-Franche-Comté, l'abstention s'élève à 65,1% en 2021. Il était de 49,4% en 2015 lors de ce même scrutin. Une augmentation plus que significative qui inquiète les élus politiques.
Selon un sondage Ipsos pour France Télévisions intitulé "Comprendre le vote des Français", réalisé sur un échantillon de 3001 personnes interrogées entre le 16 et le 19 juin, 64% des sondés se disaient intéressés par les élections régionales. Cet intérêt est loin de se traduire dans les urnes. "Ce qui est à craindre c'est l'abstention. Elle va être très très forte. Je me demande si l'élection ne va pas être annulée..." s'est d'ailleurs interrogée Marie-Guite Dufay, à la sortie du bureau de vote des Près-de-Vaux, à Besançon bien avant l'annonce des résultats. La phrase lâchée au cours d'une discussion avec les journalistes a de quoi interpeller.
Des professions de foi non reçues
Le contexte sanitaire a forcément pesé dans la balance. Seulement, c'est loin d'être le seul frein au vote. Plusieurs candidats ont pointé du doigt la désorganisation de ces élections, notamment concernant la distribution des professions de foi des candidats dans les boîtes aux lettres des citoyens. "Moi je parle de sabotage quant à la non distribution de la propagande officielle" s'est indigné Patrick Molinoz, soutien de Marie-Guite Dufay, la présidente PS sortante. Il parle même de "manipulation" et interpelle sur les réseaux sociaux le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
#regionales2021 la non distribution des circulaires des candidats est un scandale démocratique. Forcer l’élection en plein #COVID19 et ne pas envoyer les documents de vote aux électeurs relève de l’incompétence pour ne pas dire de la manipulation. @GDarmanin devra en répondre.
— Patrick MOLINOZ (@MolinozPatrick) June 20, 2021
"Ces élections ont été organisées dans des conditions lamentables. La démocratie en prend un coup" a expliqué Olivier Damien du Rassemblement National.
Bastien Faudot (LFI/Gen.s) a attaqué frontalement Denis Turiot, candidat La République en Marche sur le plateau de France 3 Bourgogne-Franche-Comté, concernant l'organisation de l'élection. "Il y a une crise démocratique profonde. Il faut qu'on s'incline. Plus de deux tiers des électeurs ne se rendent pas aux urnes. Nous devons tous nous rétrécir devant cela. Vous ne pourrez pas vous défausser plus longtemps. Nous vivons dans la 6ème ou 7ème puissance mondiale et l'Etat n'est pas foutu de distribuer les professions de foi. Je suis opposé à toutes ces logiques de privatisations que vous mettez en oeuvre" s'est-il indigné, faisant référence à l'entreprise privée choisie par le gouvernement pour distribuer le matériel de campagne aux citoyens.
Je constate qu’une bonne partie des foyers n’ont pas reçu les documents de votes officiels de chacun des candidats. Ces documents sont distribués par l’Etat, qui nous a imposé des délais très serrés pour leur réalisation. Cette inégalité pose un vrai problème démocratique
— Marie-Guite Dufay (@MarieGuiteDufay) June 18, 2021
"Il y a une société privée qui n'a pas été à la hauteur" a répondu Denis Thuriot (LRem). "Il y a un effondrement de la participation. On est tous peinés. Il faut une réflexion de fond sur les causes qui font qu'on arrive à ce genre de situation. Cette défiance n'est plus tenable" a déclaré quant à elle Claire Mallard, d'Europe Ecologie Les Verts, soutien de la candidate Stéphanie Modde.
Des abstentionnistes déçus par la politique institutionnelle
"C'est une image déplorable de la politique qui est renvoyée dans la tête des gens" a admis Marie-Guite Dufay, en tête du premier tour des régionales 2021 en Bourgogne-Franche-Comté.
Interrogés par nos soins quelques jours avant le premier tour, plusieurs Francs-Comtois nous avaient confié leur volonté de ne pas se rendre dans les bureaux de vote lors de ces élections régionales. Déçue par la politique institutionnelle, Nadine*, pourtant très impliquée dans des projets collectifs et d'intérêt public nous avait expliqué ne plus "vouloir faire semblant".
Le RN a été pénalisé par l'abstention lors de ce premier tour. C'est ce que dénonce Julien Odoul, candidat RN aux régionales : "Nos électeurs qui font confiance à Marine Le Pen ont décidé de déserter les urnes. Un grand nombre d'électeurs du RN considèrent que l'abstention est un acte patriotique. Ils ont tort. Une abstention c'est une voix pour Macron."
Ce postulat est confirmé par une deuxième étude menée par Ipsos pour France Télévisions. Parmi l'électorat de Marine Le Pen, en 2017, 73% se sont abstenus lors du scrutin régional. Parmi les sympathisants du Rassemblement National, 69% ne se sont pas rendus dans les bureaux de vote. A noter, la France Insoumise n'a pas su mobiliser son électorat sur cette élection puisque 68% de leurs sympathisants se sont abstenus.
Concernant les raisons de l'abstention, 39% des sondés ont justifié leur volonté de s'abstenir par le fait qu'ils pensent "que ces élections ne changeront rien à leur vie quotidienne". 23% souhaitent "manifester leur mécontentement à l'égard des hommes politiques en général" et 22% ont précisé "qu'aucune liste ou aucun candidat ne leur plaisait".
En 2015, la participation lors du second tour des élections régionales était d'environ 10 points de plus que lors du premier tour. Le Rassemblement National et Les Républicains comptent sur les indécis pour passer devant Marie-Guite Dufay, la candidate PS, bien décidée à rassembler sa famille à gauche, sans La République en Marche.
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