Réouverture des lieux culturels à la mi-mai : "échaudés", les professionnels n'y croient pas vraiment

Hier, lors de son allocution télévisée, Emmanuel Macron a évoqué la mi-mai pour la réouverture de certains lieux culturels. En Bourgogne, les professionnels se méfient, cette perspective ayant été maintes fois promise et toujours repoussée.

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"Dès la mi-mai, nous recommencerons à ouvrir avec des règles strictes certains lieux de culture.", a déclaré le chef de l’État, hier soir, lors de son allocution télévisée. Cette esquisse d'agenda de reprise est loin de susciter l'enthousiasme des professionnels de la culture bourguignons, pris dans la tourmente de la crise sanitaire depuis plus d'un an.

"Le ministère de la parole, ça nous intéresse pas.", lance ironique Pierre Kechkéguian, le directeur du théâtre d'Auxerre. Sur cette scène conventionnée, les spectateurs peuvent habituellement voir en moyenne 40 spectacles par an. Avec la pratique amateur, cela représente 200 levers de rideaux.

Depuis mars 2020, l'accueil du public est à l'arrêt. Seule exception notable, le mois d'octobre dernier où les lieux culturels ont été temporairement autorisés à rouvrir. 

"En octobre, on a pu programmer trois spectacles, une dizaine de représentations avec un protocole strict, le port du masque et une jauge réduite. On a fait la preuve que le virus ne se transmettait pas dans les salles de spectacle et derrière on a eu la punition : une refermeture injuste et sans fondement.", s'indigne Pierre Kechkéguian.

Malgré l'impatience de rouvrir son théâtre, il se dit "échaudé". Il vient d'annuler sa saison jusqu'au 30 juin prochain et espère pouvoir programmer des spectacles en extérieur cet été. 

"On a déjà eu tellement de prévisions fantaisistes depuis le deuxième confinement"

Yann Rivoal, le directeur de La Vapeur

La prudence est également de mise du côté de La Vapeur, la scène de musique actuelle de Dijon. "Cette annonce est trop vague. De quels lieux culturels s'agit-il ? Sous quelles conditions ? On a déjà eu tellement de prévisions fantaisistes depuis le deuxième confinement", déclare Yann Rivoal, le directeur du lieu.

Ce dernier était déjà informé que cette date de la mi-mai circulait dans les discussions entre le ministère de la Culture et les organisations professionnelles. "Je me demande si ce n'est pas pour faire passer la pilule de ce nouveau confinement". 

Mais pas question pour lui de reprogrammer des concerts à partir de la mi-mai " sans avoir plus de concret". D'ailleurs, Yann Rivoal estime avoir une autre urgence à régler. Il aimerait savoir si sa salle est autorisée à continuer de recevoir des groupes en résidence et comment ses salariés vont gérer la garde de leurs enfants avec la fermeture des écoles.

"On n'en peut plus d'attendre. Sans public, nos métiers n'ont plus de sens."

Estelle Comte, directrice de musée

Les musées sont-ils plus susceptibles que d'autres lieux culturels de décrocher le feu vert à la mi-mai ? C'est en tout cas ce qui se murmure dans les arcanes du pouvoir. "Je préfere modérer mon enthousiasme.", temporise Estelle Comte, la directrice de l'écomusée de la Bresse Bourguignonne, installé à Pierre-de-Bresse en Saône-et-Loire.

Le lieu a pu rouvrir de mai à octobre dernier avec un protocole sanitaire efficace. Avec ses 35000 visiteurs par an, les flux de personnes sont tout à fait gérables.

"On n'en peut plus d'attendre. Sans public, nos métiers n'ont plus de sens. On se transforme en un lieu de stockage, guère plus. Mais cela fait trois fois qu'on se prépare à rouvrir et trois fois que nos espoirs sont déçus.", rappelle dépitée Estelle Comte.

Sans compter tous les événements que les équipes ne cessent de déprogrammer puis reprogrammer. Le manque de visibilité et d'anticipation s'avère usant. "Nous venons d'annuler notre foire aux plantes rares, prévue le 10 avril. Ca nous a demandé des heures de travail pour demander une dérogation en préfecture, mettre au point un protocole sanitaire, trouver des exposants. Tout cela pour rien!" se désole la directrice.

Au Grand Théâtre de Dijon, les intermittents du spectacle ne sont, quant à eux, pas près de lever le camp. Ils occupent les lieux depuis le 15 mars dernier. "Hier soir, il n'y a eu strictement aucune annonce", tempête Franck Halimi, membre de la coordination nationale des intermittents du spectacle et des précaires, à propos de l'allocution présidentielle.

Avant même la réouverture des lieux culturels, ces artistes engagés veulent que le gouvernement s'attaque aux droits sociaux de tous les salariés sous le régime des CDD d'usage (CDDU), des contrats courts qui sont beaucoup utilisés dans le monde de la culture... mais pas seulement.

"Il y a en France 126 000 intermittents du spectacle qui sont indemnisés par l'assurance chômage quand ils ne travaillent pas. Ils ont obtenu une année blanche pour la reconduite de leurs droits. Mais rien n'est fait pour les 2,3 millions de saisonniers, vacataires qui bossent en CDDU dans l'événementiel, le tourisme, l'hôtellerie ou la restauration. Depuis le début de la crise, ils ont touché 4 mois de chômage puis plus rien!", proteste Franck Halimi.

Ce dernier prédit que le mouvement d'occupation des théâtres va se poursuivre aux quatre coins de France. "On a affaire à des gens sourds. Mais on ne lâchera pas l'affaire." 96 lieux culturels sont actuellement occupés par des artistes en colère. Dans notre région, c'est le cas à Dijon, Mâcon, Chalon-sur-Saône, Besançon et Lons-le-Saunier.

 

 

 

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