ANALYSE. Législatives 2024 : la France ingouvernable ? "Nous allons basculer dans une démocratie délibérative dans laquelle tout est à construire"

Trois grands blocs, aucune majorité absolue. Au lendemain d'élections législatives qui ont remodelé le visage de l'Assemblée nationale, le politologue bourguignon Raphaël Porteilla anticipe un rééquilibrage des pouvoirs au profit des parlementaires. Sans pour autant écarter le risque de blocage des institutions.

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Quel parti sort vainqueur des élections législatives ? Quel gouvernement peut en découler ? Une coalition peut-elle voir le jour à l'Assemblée nationale ? Y a-t-il un risque de paralysie des institutions en raison de l'absence de majorité absolue ?

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Le politologue Raphaël Porteilla balaye les enjeux de la recomposition politique en cours. Il enseigne le droit constitutionnel et les sciences politiques à l'Université de Bourgogne.

Qui sort vainqueur de ces élections ?

Raphaël Porteilla : Malgré les résultats du premier tour, le RN et ses alliés "ciottistes" ont perdu leur pari d'obtenir une majorité conséquente. Le centre incarné par la majorité présidentielle, perd considérablement des sièges mais résiste. Surprise de la soirée : le NFP termine en tête et engrange bien plus de sièges que l'ex-Nupes en 2022.

Ces résultats sont le fruit du front républicain mis en place face à l'extrême droite. La gauche et le centre en ont le plus bénéficié alors qu'on pouvait craindre son effritement compte tenu des tensions entre les différents groupes politiques. Certains candidats ont aussi fait le choix de ne pas se retirer comme le sortant Didier Martin (Ensemble), dans la première circonscription de Côte-d'Or, où pesait le risque de l'élection d'une députée RN.

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Malgré tout, les électeurs ont montré qu'ils ne voulaient pas que l'extrême droite arrive au pouvoir en se mobilisant de façon importante, comme à Dijon, où on a enregistré près de 70% de participation. 

Gabriel Attal a présenté sa démission ce mardi, une période de transition va-t-elle s'ouvrir au sommet de l’Etat ?

R.P : Le gouvernement va désormais s'occuper des affaires courantes. Il va continuer d'exister sans prendre de décisions très importantes pour l'avenir. Il pourra nommer des personnalités dans la haute fonction publique ou la haute administration et prendre des décrets d'application sur des projets de loi déjà adoptés à l'Assemblée. Par contre, il sera dans l'incapacité d'engager de grandes réformes ou de demander aux parlementaires de voter des lois.

Cette période est susceptible de durer quelques jours, plusieurs semaines voire plusieurs mois. Aux Pays-Bas, en 2021, il s'est écoulé six mois entre les élections législatives et la formation d'un nouveau gouvernement.

Quel gouvernement peut être nommé sachant qu’aucun des trois grands blocs politiques n’a obtenu de majorité absolue ?

R.P : Ce ne sera ni un gouvernement RN ni LR, car ils n'ont aucun allié politique qui envisage de se rallier à eux pour former une majorité. Le groupe macroniste peut chercher à être soutenu par LR mais il n'obtiendra pas une majorité relative conséquente gage de stabilité.

L'autre possibilité, c'est un gouvernement articulé autour du NFP avec un premier ministre issu de ses rangs. L'union de la gauche pourrait alors s'appuyer sur un soutien implicite de députés d'Ensemble en leur demandant de rester en dehors du gouvernement et de la majorité parlementaire tout en ne votant pas de motion de censure de la droite ou de l'extrême droite.

Le scénario d'une paralysie politique et d'un blocage institutionnel est également envisageable si aucun accord de coalition n'émerge...

R.P : Tout va dépendre des discussions en cours au sein du NFP car c'est le groupe politique qui a obtenu le plus de sièges. Pour que le processus aboutisse, l'union de la gauche va devoir s'accorder sur le nom d'un Premier ministre. Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier, Olivier Faure, François Ruffin ou Clémentine Autain figurent parmi les candidats potentiels au poste.

Ensuite, le Président de la République a le pouvoir de refuser la nomination d'un Premier ministre. Une personnalité pressentie peut également refuser une telle nomination. Cela s'est déjà produit sous la IVe République quand nous avions une fonction équivalente avec un président du Conseil.

Notre modèle politique ressort-il métamorphosé par ces élections ?

R.P : Jusqu'à maintenant, nous faisions de la politique avec un président de la République élu et une majorité qui suivait son programme. Désormais, au lieu que le texte vienne du gouvernement, beaucoup plus de discussions vont naître à l'Assemblée. Nous allons basculer dans une démocratie délibérative dans laquelle tout est à construire. 

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