Des anomalies ont été repérées concernant la cuve du réacteur de l'EPR de Flamanville, qui a été forgée à l'usine du Creusot. Des "falsifications" de dossiers pourraient avoir eu lieu. Au total, des incohérences ont été décelées dans 400 dossiers. La filière nucléaire retient son souffle.
Quelle est l’ampleur des falsifications soupçonnées ?
Le groupe Areva, qui était déjà en grande difficulté financière, fait face à une nouvelle tempête.Des données auraient pu être falsifiées lors de la fabrication de pièces qui forment les composants des îlots nucléaires des centrales. Toutes les pièces composant la cuve du réacteur, le générateur de vapeur ou encore le pressuriseur sont potentiellement concernées : couvercle de cuve, virole de coeur, dôme elliptique, plaque tubulaire, volute de pompe...
La sûreté des installations nucléaires est-elle menacée?
Areva évalue actuellement "l'impact éventuel sur la qualité des pièces" fabriquées à Creusot Forge et installées chez ses clients, le géant français EDF et d'autres électriciens à travers le monde.Une première évaluation sera communiquée sous quinze jours à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme du secteur. Les résultats complets de l'audit seront disponibles "d'ici fin mai", a indiqué Areva.
Le groupe nucléaire assure qu'un comité technique mis en place avec EDF n'a pour l'heure "pas établi d'informations mettant en cause l'intégrité mécanique des pièces".
En 2013, la Corée du Sud avait dû arrêter deux réacteurs et différer la mise en service de deux autres après avoir découvert qu'ils comprenaient des pièces fournies avec de faux certificats de conformité.
Quelles sont les conséquences de ces révélations ?
La première conséquence de ces révélations est la chute de l'action Areva.Le titre a perdu plus de 7% à la Bourse de Paris mardi après-midi. Le manque de visibilité autour des anomalies éloigne les investisseurs.
Les conséquences judiciaires sont aussi dans tous les esprits.
Le groupe Areva, dont les pièces équipent plus de 100 réacteurs dans le monde, des Etats-Unis à la Chine en passant par le Brésil, pourrait aussi être exposé à des poursuites judiciaires. Plus largement, cette affaire pourrait jeter le discrédit sur la filière nucléaire française, dont l'image est déjà écornée par les déboires des chantiers d'EPR à Flamanville et en Finlande.
La refonte de la filière nucléaire française est-elle menacée ?
Au niveau économique, cette affaire pourrait aussi compliquer la reprise par EDF de la division réacteurs Areva NP, dont dépend le site du Creusot.Cette reprise doit avoir lieu dans le cadre du sauvetage d’Areva et remettre en question la valorisation retenue de 2,5 milliards d'euros.
Toutefois, selon un analyste, cela n’irait pas jusqu’à compromettre la refonte de la filière : l'Etat français actionnaire (qui est actionnaire à 84,5% d'EDF) a "tout intérêt à ce qu'EDF reprenne ces activités", car l'opérateur peut se prévaloir d'une crédibilité bien assise en matière de sûreté.
Quels sont les risques pour la Bourgogne ?
En Bourgogne, où la filière nucléaire représente environ 10 000 emplois, cette affaire est suivie avec inquiétude. Car si la région n'a pas de centrale nucléaire sur son territoire, elle est néanmoins au coeur de l'industrie du nucléaire !Sidérurgie, métallurgie et mécanique de haute précision, contrôle de haute technologie, ingénierie globale, formation, recherche : une grande partie des métiers du nucléaire sont établis dans la région principalement dans les secteurs de Montbard en Côte-d'Or et du Creusot, en Saône-et-Loire.
Notre territoire abrite d'ailleurs le pôle de compétitivité PNB (Pôle Nucléaire de Bourgogne).