La protection des mineurs contre l'accès aux sites pornographiques n'est toujours pas effective. Un article ajouté à la loi de juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales permet pourtant de renforcer la protection contre les contenus pornographiques.
La loi date du 20 Juillet 2020 et pourtant, rien n'est fait pour renforcer le contrôle de l'âge pour accéder aux contenus pornographiques sur internet.
Une sénatrice en guerre contre la pornographie sur internet
Marie Mercier est sénatrice (LR) de Saône-et-Loire. Spécialisée dans les domaines de la protection de l'enfance, elle était à l'initiative de la loi de 2020. Maintenant en 2022, elle constate qu'il est toujours aussi facile de se connecter sur un site internet avec des contenus pornographiques : il suffit de taper l'adresse et d'attester que l'on a 18 ans ou plus.
Un constat qui révolte Marie Mercier : "Je suis extrêmement déçue, j'ai l'impression que la protection de l'enfance, ça n'intéresse pas beaucoup, finalement."
Elle détaille le peu de contrôle d'accès pour l'instant mis en place : "un enfant qui veut jouer en ligne, jouer de l'argent, il ne peut pas. Un enfant qui veut aller consulter un site pornographique payant, il ne peut pas : il y a tout simplement et de facto un contrôle de l'âge, puisqu'il faut payer, il faut une carte bancaire. Mais les films gratuits, voilà, tout le monde peut y aller !"
Les professionnels de santé en alerte
Les professionnels de santé ont tiré la sonnette d'alarme, car actuellement, en France, la consommation de contenus pornographiques explose : 4 enfants sur 10 de moins de 12 ans ont déjà vu des contenus pornographiques.
Au centre hospitalier de William Morrey à Chalon-sur-Saône, le docteur Coralie Euvrard, pédiatre, explique en quoi le visionnage de tels images peut avoir des conséquences graves : "ça va provoquer un traumatisme chez l'enfant, au même titre par exemple que la visualisation de violences intra familiales ou tout autre type de violences."
Pour le docteur Michel Françoise, pédiatre, d'autres mécanismes tout aussi graves peuvent survenir pour les adolescents : "l'adolescent n'est pas en capacité de faire face à ça, donc mésestime de soi, dépression, impulsivité, non-maîtrise de ses émotions."
Les éducateurs spécialisés font les mêmes constats
A la maison des adolescents de Saône-et-Loire, près de 700 jeunes sont suivis individuellement. Les animateurs déplorent que la pornographie soit le principal modèle d’éducation sexuelle des mineurs, d’autant qu’il reste un sujet tabou chez eux.
Maud Maestro, éducatrice spécialisée à la maison des adolescents, explique combien les adolescents sont concernés : "entre eux, ils n’en parlent pas forcément donc il faut vraiment amener le sujet. Mais après, beaucoup de jeunes sont concernés et encore plus de filles qu’à une époque."
L'explication est simple, selon l'éducatrice : "c'est un accès facilité par le smartphone, les sécurités qui sont tellement faciles à lever. Les adolescents sont bien plus doués que leurs parents avec la manipulation des smartphones et d'internet. C'est facile, rapide, accès à une information qu'ils n'arrivent pas à avoir, car les adultes sont balbutiants à parler avec eux. Il n'y a pas suffisamment de cours à l'éducation sexuelle, ils vont chercher l'info."
Les adolescentes qui se présentent à la maison des ados ont d'autres problèmes. Maud Maestro résume la majeure partie des interrogations des jeunes filles : "l'industrie du porno est un univers très masculin où l'idée, c'est le plaisir de l'homme qui est central, et les adolescentes sont dans une difficulté, dans une pression à la performance. Est-ce qu'il faut que je fasse la même chose pour faire plaisir à mon copain? Elles vont se plier à des pratiques qui ne leur correspondent pas, où elles ne sont pas dans le plaisir."
Pour lutter contre l'accès facilité aux contenus pornographiques, l'idéal est de "couper l'accès au porno." Mais Maud Maestro nuance le propos : « Enlever l’accès au porno, c’est très bien dans tous les cas. Mais après, à nous d’assurer en tant qu’adultes sur l’éducation à la sexualité, à la vie amoureuse et leur proposer autre chose ! »
En attendant, la bataille juridique autour du blocage de ces sites est loin d’être terminée : la justice vient de demander une nouvelle médiation entre le régulateur du numérique et les principaux sites pour adultes. Elle aura lieu début octobre.