L'écrevisse de Louisiane est une espèce qui devient de plus en plus invasive en Saône-et-Loire. À Lans, où l'étang et ses abords sont envahis, le crustacé cause des dégâts. En entendant parler de cette problématique, le chef étoilé Frédéric Doucet, à Charolles, a eu une idée.
Elle est petite, rouge, avec de fines pinces : au premier abord, l'écrevisse de Louisiane ne paraît pas dangereuse. Pourtant, en 2024, les habitants du village de Lans (Saône-et-Loire) ne sont pas heureux de vivre à côté de ces crustacés. "Cela peut être un fléau. On n'en a jamais vu autant dans l'étang !" explique Didier Rebillard, président d'une association locale.
Une espèce invasive et importée
En cause ? La présence même de ce crustacé. Non native de la région, l'écrevisse de Louisiane est considérée comme une espèce invasive, pouvant causer des dégâts importants sur la biodiversité locale.
"Ce qui nous embête, c'est que ces écrevisses mangent tous les petits poissons. Ceux qui aiment pêcher de la friture en auront de moins en moins," explique-t-il. Autre problème : les Louisiane sont porteuses saines de la peste, une maladie qu'elles peuvent transmettre aux espèces locales d'écrevisses. Les écrevisses françaises sont aussi beaucoup moins prolifiques : elles pondent trois fois moins d'oeufs que leurs cousines américaines.
En plus d'attaquer la biodiversité locale, les écrevisses de Louisiane "creusent les berges qui ne sont pas assez empierrées, et elles font leurs nids dedans, ce qui les endommage. Pour les réparer, cela risque de nous coûter plusieurs milliers d'euros !" lance Gilles Desbois, maire (sans étiquette) du village depuis 2001.
L'écrevisse de Louisiane est donc une espèce contestée, mais il est très difficile de la faire partir.
Ce crustacé, importé des États-Unis dans les années 70, peut pondre plus de 400 œufs par ponte... et se reproduit tous les trois à six mois. À Lans, certains espaces situés au niveau de la berge ont donc été colonisés. Le bief du ruisseau la Prare, situé à quelques mètres, contient par exemple 150 à 200 écrevisses sur quelques mètres carrés seulement
La pêche des écrevisses, de plus en plus répandue
Les habitants du village ont cherché des moyens pour réguler l'espèce. Ils en ont trouvé deux. Déjà, "le silure, les grosses carpes, les gros brochets sont trois des prédateurs naturels qui mangent ces crustacés. Lorsqu'elles sortent de l'eau, d'autres animaux comme des hérissons peuvent s'en nourrir" lance Gérard Ducret, président de la société de chasse locale.
Problème : le nombre de prédateurs n'est pas assez important aux alentours de l'étang pour que l'écrevisse de Louisiane soit régulée en quantité assez importante. Certains pêcheurs ont donc décidé de prendre ce problème à bras-le-corps.
Didier Rebillard voit "de plus en plus de balances pour attraper des écrevisses, avec pour objectif de les manger". Les balances, ce sont ces filets de pêche spécialement conçus pour les écrevisses : on y attache un appât, comme un bout de viande par exemple, et on attend que les gourmandes se prennent au piège.
Un mets recherché par les restaurants... mais impossible à transporter !
On sait, en outre, que la chair de l'écrevisse est un mets de choix, parfumant délicatement les sauces, s'accomodant à merveille avec la volaille, le riz, le vin blanc.
Dès qu'il a entendu parler de l'invasion d'écrevisses à Lans, Frédéric Doucet, chef étoilé de la Maison Doucet à Charolles, a "tout de suite appelé des personnes de là-bas pour savoir s'il y avait la possibilité de pouvoir acheter, commercialiser ces écrevisses", raconte-t-il à France 3.
"On m'a répondu que non. C'est dommage ! On a un beau produit qui pourrait servir à de nombreux restaurateurs du coin."
En effet, un arrêté publié dans le journal officiel le 22 février 2018 interdit le transport d'écrevisses américaines vivantes. La raison : éviter qu'elles ne se perdent ou s'échappent en cours de route et colonisent d'autres milieux.
Mais cela n'arrêtera pas le chef Frédéric Doucet : il a prévu de se rendre à Lans pour tester ces écrevisses. "Par curiosité, je vais y aller."
Je vais aller en chercher un peu, en ramener, les cuire, essayer de les magnifier et de les sublimer pour montrer que l'on a de la chance d'avoir de vrais produits de Saône-et-Loire.
Frédéric Doucetchef étoilé
Le chef étoilé milite pour un assouplissement des règles. "Moi, je trouve que ce serait logique. On parle d'empreinte carbone, on est là à acheter des écrevisses qui viennent de loin et on a ça à notre porte. Est-ce que ce n'est pas le moment de déverrouiller quelque chose ?" interroge Frédéric Doucet.
► Avec Alexandre Baudrand et Anthony Borlot