Alors que le Conseil d’État oblige le gouvernement à instaurer le contrôle technique pour les motos à partir de 2023, le sujet continue de susciter le débat. D'un côté, les motards qui sont contre et expliquent que leurs véhicules sont au norme. De l'autre, les automobilistes et les associations de défense de l'environnement.
Motards en colère. Ce lundi 31 octobre, le Conseil d’État a obligé le gouvernement à instaurer le contrôle technique pour les deux-roues à partir du 1er janvier 2023. Une mesure évoquée en 2012 par l’Union européenne, puis imposée par une directive de 2014, qui a depuis été débattue à de nombreuses reprises et connu plusieurs bras de fer. Le but de la réglementation : répondre aux enjeux environnementaux et assurer une meilleure sécurité routière.
Mais pour Marc Cheynel, motard en Saône-et-Loire, le contrôle technique n’est pas une réponse appropriée à ces questions. "En général, les motards roulent par passion. La plupart d’entre eux roulent avec des motos en parfait état. C’est très rare celles qui ne sont pas en parfait état", estime-t-il alors qu’il s’assure que sa bécane fonctionne avant un voyage de 1 000 kilomètres avec son fils.
L'amertume des motards
"Quand je l’ai mise en route, j’ai contrôlé que mon feu stop arrière marchait, ainsi que le frein arrière et les clignotants. La veille, j’ai contrôlé la pression de mes pneus, parce qu’avec des pneus mal gonflés, tôt ou tard, on va par terre".
Ce soin apporté par les propriétaires de deux-roues à leur véhicule, c’est l’un des arguments de la Fédération française des motards en colère (FFMC) contre l’obligation de passer le contrôle technique. "Le Conseil d’État fait fausse route, tranche d’entrée Eric Thiollier, membre de la structure aux 10 000 adhérents. C’est une mauvaise solution à de vraies questions. Si jamais il y avait un problème avéré, on pourrait envisager le contrôle technique, mais là, c’est ridicule !".
Le membre de la FFMC évoque également le volet préventif et la formation des motards en marge de l’obtention du permis de conduire. "Il y a une épreuve théorique. Les motards sont vraiment sensibilisés à l’état de leur véhicule, plus que les automobilistes. C’est une obligation et une habitude de contrôler son véhicule avant chaque départ".
Une mesure légitime pour les automobilistes et les associations environnementales
Selon les chiffres du rapport MAIDS, sur 1 000 cas étudiés, seuls 0,3 % des accidents impliquant une moto serait causés par le mauvais état du véhicule. Pour comparaison, en 1992, année où le contrôle technique a été instauré pour les voitures, le taux d’accidents provoqués par une défaillance technique était de 17 %.
Le contrôle technique ne va donc résoudre que 0,3 % des accidents !
Eric Thiollier, Fédération française des motards en colère
Mais du côté des automobilistes, l’obligation pour les motards de faire contrôler à intervalle régulier leur véhicule est plutôt bien perçue. "C’est une mesure de sécurité. On l’impose aux automobilistes. Je ne vois pas pourquoi les motards y échapperaient, surtout qu’ils ont une faculté de rouler plus vite", lance l’un d’entre eux sur une aire de repos de Saône-et-Loire.
"Je pense que c’est une bonne chose pour nous tous. Même pour les véhicules légers, pour tout le monde", estime une conductrice de quatre-roues. Parmi les défenseurs du contrôle technique, on retrouve également les associations de défense de l’environnement.
"Les deux-roues en France, c’est un parc qui est important. Un parc qui est vieillissant avec une moyenne d’âge de 12,5 ans, qui est une source d’accidentalité, de pollution atmosphérique et sonore et encore plus quand ces engins ne sont pas aux normes et débridés", nous expliquait en mai dernier Tony Renucci de l’association Respire.
Radars anti-bruit, prime à la conversion... les solutions des associations de motards
"Avec le contrôle technique, on se prive des meilleurs moyens pour assurer la sécurité routière et défendre les enjeux environnementaux", répond Eric Thioller de la FFMC. La Fédération a travaillé avec le ministère des Transports à des solutions alternatives comme l’aide au renouvellement du parc, une prime à la conversion, la mise en place de radars anti-bruit, le port d'équipements de protection adaptés ou encore la mise en place d’un plan pour lutter contre les angles morts sur les véhicules lourds. "On a voulu aller plus loin que les directives européennes", assure le membre de la FFMC.
Si le Conseil d’État a donc tranché en faveur du contrôle technique, annulant la décision gouvernementale du 25 juillet de ne pas le mettre en place, le débat est loin d’être clos, et les modalités d’application restent à définir. L'Exécutif a demandé un contrôle le moins pénalisant possible pour les motards. Il devrait être à réaliser tous les deux ans et pourrait coûter entre 50 et 70 euros.
"On est dans le flou complet, on n’a aucune date, aucun matériel. Un contrôle fait pour ne pas trop embêter ? Je me demande comment ça va être possible", nous confie un responsable de contrôle technique installé à Dijon (Côte-d’Or).
La réglementation européenne laisse une marge de manœuvre importante aux gouvernements. Ses modalités et son calendrier restent à définir.
Ministère des Transports
Egalement motard, il explique être partagé sur la question de l’obligation de faire contrôler les deux-roues. "Ça dépend vraiment du véhicule. Eventuellement avant une vente, ça peut être utile de faire le point sur la mise en conformité de la moto. Mais les motards font attention. Dans le cas d’une moto qui roule régulièrement, je suis vraiment dubitatif".
Suite à la décision du Conseil d’État, le ministère des Transports a expliqué qu’une concertation avec les associations de motards et de Sécurité routière sera entamée dès la fin de la semaine. On compte actuellement 2,7 millions de motos en circulation en France.