France 3 consacre sa semaine à la question de l'environnement dans le cadre du dispositif ma France 2022. Ces 28 et 29 mars, nous sommes allés au Creusot interroger les habitants sur le cadre de vie qui leur est offert et évoquer la question de la réhabilitation des friches, dans cette ville au riche passé industriel. On vous raconte.
Le chant des oiseaux a remplacé le bruit des chaudières à gaz. Face au château de la Verrerie, à quelques minutes de marche du centre-ville, le jardin des terrasses est l’un des symboles de l’adaptation du Creusot (Saône-et-Loire) aux enjeux environnementaux. Le parc qui surplombe le pôle industriel arbitrait les hauts fourneaux de la commune jusqu’à leur fermeture définitive en 1939. La Communauté Urbaine Le Creusot-Montceau-les-Mines réhabilita alors l’espace en 1986-87, après plus de quatre décennies d’abandon.
Désormais, le site mêle les vestiges de l’âge d’or industriel de la ville et le calme d’un espace vert idéal pour se ressourcer, s’accorder une respiration. Mais on imaginerait presque les machines reprendre leurs places et se mettre en route, les ouvriers travailler à nouveau à la chaîne et les cols blancs superviser leur travail.
Alors que le réseau France 3 en régions consacre la semaine au thème de l’environnement en marge de l’élection présidentielle, nous sommes allés à la rencontre des habitants du Creusot pour évoquer le cadre de vie que leur fournit la ville. Pour rappel, l’écologie est la troisième thématique privilégiée par les Français qui ont participé ces derniers mois à la consultation Ma France 2022. Elle représente en effet 12 % des 34 000 propositions faites sur la plateforme en ligne.
Quel cadre de vie au Creusot ? Les habitants répondent
En début d’après-midi, Odile rentre d’une session de marche active en plein cœur du parc de la Verrerie, véritable poumon vert du Creusot. Quelque peu essoufflée, elle nous confie apprécier la vie paisible que lui offre la ville. "C’est tip-top. Je préfère vivre au Creusot pour la tranquillité et la proximité. On n’a pas de bouchon, ça c’est super !".
Celle qui a toujours vécu ici apprécie alors la transformation d’anciens sites industriels, comme le jardin des terrasses, en espaces verts. "Ça permet de se promener, on est au milieu de la nature. Ce sont des choses qu’il faut préserver à tout prix ! J’aimerais qu’on fasse en sorte que les parcs soient reconnus comme des sites protégés pour éviter que des farfelus se mettent à construire à leur place".
Au beau milieu de la place François Mitterrand où se situent La Poste, la mairie, le centre commercial ou encore le théâtre de la commune, Sébastiana se satisfait également du cadre de vie qu’elle a trouvé au Creusot. La retraitée originaire de Sardaigne vit dans la ville depuis 60 ans. "Je me sens bien ici. Je connais Le Creusot comme ma poche. Les jeunes disent qu’il n’y a rien, que ce n’est pas bien. J’ai des bons voisins, on s’entend bien, je ne cherche pas autre chose. Je suis toute seule et je m’en sors bien. Il me faut juste un cadre de vie paisible !", détaille-t-elle.
Toujours sur la place centrale de la ville, Kader est attiré par notre présence et accepte de nous répondre. Ici, il semble connaître tout le monde. Pendant notre discussion, il saluera plusieurs habitants du Creusot, où il a grandi. De 2011 à 2020, ce quarantenaire a vécu près de Menton, sur la Côte-d’Azur, avant de revenir en Saône-et-Loire. Il estime alors que la ville a changé. Et même lorsqu'on évoque des questions environnementales, le thème de la sécurité revient au centre des débats. "C’est difficile de dire s’il fait bon-vivre au Creusot. Il y a de l’insécurité avec des trafics de drogue. Il faut être vigilant pour tout, les gens sont tristes et renfermés".
Pour autant, tout n’est pas à jeter pour Kader qui, comme l’ensemble des habitants que nous avons croisés, apprécie la requalification des friches industrielles en jardins. "C’est une bonne chose, je trouve ça sympa. Il y a des choses qui évoluent positivement. Une amie est venue au Creusot avec ses enfants et a trouvé ça tranquille. C’est mieux que les grandes villes pour ceux qui ont une vie de famille. Il faudrait plus d’animation par contre. Des gens qui viennent pour des spectacles, de la danse", estime celui qui n’ira pas voter pour la présidentielle, "même pas un vote blanc ! Ils sont tous pareil".
Après notre échange, Kader nous demande dans quel média va paraître l’article. Alors que nous lui expliquons qu’il sera publié sur le site de France 3 Bourgogne, Bernard, un habitant qui vit au Creusot depuis 73 ans s’arrête et nous interpelle. "Ah si c’est pour France 3 Bourgogne, je veux bien répondre aussi !". Costume trois-pièces impeccablement mis, épaules carrées, cheveux tirés en arrière, cet ancien professeur nous raconte avec passion et volubilité sa ville, qu’il a vu changer, et regrette l’âge d’or des Schneider. "C’était le très beau temps. On n’avait pas le droit d’aller dans le parc de la Verrerie et c’était tant mieux car c’était le château des propriétaires".
Au détour d’une pique sur les constructions qui ont "ravagé l’esprit d’une ville du XIXème siècle", il affirme que le cadre de vie est moins bon qu’avant. "La vie était simple, paisible. Il y avait de l’emploi pour tout le monde et chacun avait sa place. Autrefois il y avait 35 000 habitants, maintenant il y en a que 22 000. Il ne reste que des retraités, il n’y a plus les classes moyennes qui faisaient fonctionner cette cité. La vie est moins paisible qu’avant avec des problèmes de drogue, d’insécurité, comme partout. La ville se paupérise, c’est la faute des habitants qui vont faire leurs courses à l’extérieur".
Ce n’est pas la faute des maires. Ce n’est pas une affaire de droite ou de gauche. Les maires sont des gens dévoués, ils font le maximum, ils ne peuvent pas tout faire. Je les félicite au contraire de travailler si fortement !
Bernard, habitant du Creusot
Alors que nous l’interrogeons sur les transformations des friches industrielles du Creusot en parcs, Bernard s’enflamme encore un peu plus et prend en exemple l’esplanade François Mitterrand sur laquelle nous nous situons. "Les anciennes friches requalifiées, ça c’est bien. Mais là, on est sur une place minérale. Il n’y pas un arbre, pas un poil de verdure ! Il y a quatre pots qui se courent après. Comment ça se fait qu’il n’y ait pas de verdure ? Je dirais plutôt que le cadre de vie est moins bon oui…", regrette-t-il.
Une action citoyenne sur la question environnementale au Creusot
Comme Bernard, plusieurs citoyens du Creusot poussent pour une action plus forte de la commune en matière d'environnement. Arrivé dans la ville depuis 6 ans après une première vie à Grenoble, Tobit Caudwell s’est engagé dans le collectif Creusot-Montceau en transition crée en 2018. Il est aujourd’hui le porte-parole de ce mouvement qui fait partie d’un réseau fondé en Angleterre en 2005 et dont le but est de "faire émerger des initiatives sans attendre que cela vienne d’en haut et des politiques".
"On s’est inscrit dans cette démarche car on est sur un territoire avec des atouts mais qui a du retard sur les problématiques environnementales. Je vois une évolution depuis 5, 6 ans, mais on continue d’aborder ces questions à la marge, elles ne sont pas au cœur des politiques publiques". La structure regroupe majoritairement des habitants du Creusot.
Depuis 2018, elle gère une association Mine de rayon, qui promeut la pratique du vélo dans la ville, et recense également les producteurs locaux qui font de la vente directe. Le groupe s’occupe également de la question de la lutte contre l’artificialisation des sols.
"Il y a beaucoup de bâtiments vides et on continue malgré tout à construire en périphérie. Ce sont des choses auxquelles on est vigilants. On est beaucoup à apprécier la région pour son paysage. C’est un atout qui n’est pas assez mis en avant pour l’attractivité. On entend parler de l’industrie, on insiste sur la question de l’emploi. Mais d’autres gens s’installeraient ici si on mettait en avant le cadre de vie, la paisibilité et la proximité avec Lyon et Paris en TGV"..
On a aussi un territoire avec une moyenne d’âge élevée. C’est plus facile d’envisager des changements à venir à 20 ou 30 ans qu’à 60 ou 70 !
T. Caudwell, Creusot-Montceau en transition
Creusot-Montceau en transition échange régulièrement avec les élus locaux mais fait face à certains freins en matière de politique publique. "En venant de l’extérieur, on a le sentiment que ces questions ont du mal à être intégrées, même au niveau politique. C’est un avis personnel, mais il y a quelque chose de propre au territoire. Il s’est construit contre l’environnement plutôt qu’avec. Les gens se sont habitués à ce que polluer avec les usines soit un mal nécessaire pour que la civilisation soit préservée. On n’a pas trop en tête que l’on peut faire autrement, faire mieux", lance le porte-parole du collectif qui réunit majoritairement des trentenaires et des gens qui viennent de l’extérieur. "C’est assez révélateur".
Quels moyens mis par les politiques publiques ?
Au niveau national, le gouvernement entend réduire de 50 % les terres artificialisées d’ici 10 ans dans le cadre du plan Biodiversité de 2018 et l’objectif "Zéro artificialisation nette" (ZAN). "Ensuite, cela concernera directement la ville puisque la notion d'artificialisation désignera l'altération durable des fonctions écologiques de n'importe quel sol, et plus seulement les espaces naturels agricoles et forestiers", décrit Evelyne Couillerot vice-présidente déléguée à l'aménagement de l'espace public pour la Communauté urbaine Creusot-Montceau.
En réponse à Tobit Caudwell, l'élue estime qu'il n'y a aucun retard sur le traitement des friches industrielles par les pouvoirs publics au Creusot. "Cela fait 30 ans que les choses se travaillent et se font progressivement. La question de la réhabilitation des friches est essentielle car nous allons manquer de foncier pour créer des logements et installer des activités économiques".
Au total, on compte 2 400 anciens espaces industriels laissés à l’abandon en France, certains les estiment même entre 4 000 et 10 000. Ils recouvrent alors 90 000 à 150 000 hectares du territoire. En mai 2021, le ministère de la Transition écologique juge ainsi que la "reconquêtes des friches constitue un enjeu majeur d’aménagement durable des territoires".
L’année dernière, 650 millions d’euros ont donc été consacrés à la réhabilitation des friches en France. 100 millions supplémentaires seront investis en 2022 selon le Premier ministre. Au total, 36 projets ont été soutenus en Bourgogne-Franche-Comté, représentant 22,8 millions d’euros d’aides de l’État. 65 hectares d’espaces abandonnés seront alors transformés en logement, en nouvelles activités économiques ou alors en espaces publics, notamment en parcs et jardins.
Au Creusot, l’ilot Jean Jaurès est concerné par les subventions gouvernementales. Une aide de 900 000 euros a en effet été attribuée afin de démolir l’ancien lycée Léon Blum et construire 40 logements, 6 locaux commerciaux et des équipements publics. L'objectif des pouvoirs publics est de continuer à identifier des friches à réhabiliter. "Le but, c'est de construire des logements de qualité qui seront à proximité des services et commerces pour des personnes qui deviennent âgées mais aussi des cadres qui veulent limiter leurs déplacements", précise Evelyne Couillerot, qui est également élue au Creusot.
Ce sont des enjeux urbains très forts de logement, d’activité économique et de qualité de vie en ville.
Evelyne Couillerot vice-présidente déléguée à l'aménagement de l'espace public
Le 17 mars dernier, le gouvernement a par ailleurs dévoilé le nom des 22 territoires qui vont expérimenter des moyens pour réduire l’artificialisation des sols dans le cadre de l’objectif ZAN. 1,8 millions d’euros seront apportés pour soutenir ces territoires. La Communauté Urbaine Creusot Montceau fait partie des lauréats.
"Cela va apporter un soutien en ingénierie, un meilleur suivi, une meilleur analyse pour nous permettre de passer le niveau supérieur", explique Evelyne Couillerot.
En parallèle, les pouvoirs publics travaillent à la rénovation des logements privés et à l'amplification de la présence de la nature au Creusot avec des corridors écologiques pour relier les parcs et jardins de la ville entre eux.
Pour aller plus loin, retrouvez ci-dessous un condensé des propositions des candidats à la présidentielle sur le thème de l'environnement.