Le Conseil de l'Europe a estimé ce lundi 17 avril que la France violait les droits des personnes en situation de handicap. Un constat qui ne surprend pas l'association des infirmes moteurs cérébraux adultes de Saône-et-Loire, à Mâcon.
Ce lundi 17 avril, le Conseil de l'Europe a émis un avis public mettant en cause l'État français pour violation des droits des personnes en situation de handicap. L'un des problèmes pointés du doigt par plusieurs associations était l'absence d'accès à différents endroits, et ce partout dans le pays.
Les trottoirs, ennemis publics numéro 1 des fauteuils
David Millier, atteint du syndrome de Little et contraint de se mouvoir en fauteuil, n'hésite pas quand il s'agit de désigner la source principale de ses ennuis. "Les trottoirs ! En étant en fauteuil, j'ai les roues qui butent. Ça ne se voit pas, mais les trottoirs sont souvent en dévers. Quand on est en fauteuil manuel, ça fait beaucoup plus forcer."
Francis Laforest est un pensionnaire de l'association Infirmes moteurs cérébraux (IMC) de Saône-et-Loire. Il n'est pas surpris de l'avis du Conseil de l'Europe. "C'est justifié. Par rapport à la mobilité des équipements dans les restaurants et les cinémas, ce n'est pas forcément adapté. Il faudrait mettre la priorité sur les infrastructures, les mairies, les cités administratives..."
Des infrastructures inadaptées à l'heure actuelle, qui donnent lieu à des situations très dangereuses pour des déplacements quotidiens. "Moi c'est par rapport à la vue, j'ai des problèmes de vision", explique Francis.
"Quand je monte un escalier, parfois je me casse la figure parce qu'il n'y a pas de rampe."
Francis
Mickaël Bonnet travaille dans un ESAT (un environnement spécialisé) où tout est adapté à son fauteuil roulant, mais dans la rue, il se déplace sur les pistes cyclables. "Ça permet de rouler sereinement, parce qu'on n'est pas vraiment sur la route", assure-t-il. "Mais en centre-ville il y a beaucoup de choses à améliorer parce qu'il n'y a pas forcément de pistes cyclables partout, et les trottoirs ne sont pas assez larges, c'est un problème. Il y a beaucoup de choses à revoir à ce niveau-là."
Un retard par rapport aux autres pays
"Les autres pays, par rapport au handicap, il sont plus en avance que nous", regrette Francis Laforest. C'est aussi ce que montre du doigt le Conseil de l'Europe par rapport à d'autres pays européens.
"En France, on est nul !" Ceux qui nous dirigent ne sont pas très doués, ou ne voient pas les personnes handicapées comme une priorité On est une minorité. Après ils disent qu'ils feront des choses, mais c'est pour bien se faire voir, c'est politique."
David Millierpersonne à mobilité réduite
Pour David Millier, le constat est connu depuis longtemps : "La France est tout le temps en retard sur tout. Les pays nordiques, eux, sont beaucoup plus en avance. En Angleterre, pratiquement tout est adapté, tous les transports en commun, même les aéroports pour monter dans l'avion. Certains pays ont mieux anticipé."
"On est très vite à la campagne, loin de tout"
"Il y a des villes qui sont bien adaptées en France, d'autres beaucoup moins", analyse David Millier. "Lyon c'est pas mal, mais c'est une grande ville. Du moment qu'on habite dans une grande ville, c'est plus facile de se déplacer. Chez nous, s'il n'y a pas de moyen de locomotion, pas de voiture... On est très vite à la campagne, loin de tout."
"Si on n'a pas nos voitures, on ne peut pas se déplacer tout seul."
David Millier
Mickaël, lui, repère les trajets à l'avance sur internet pour déterminer s'ils sont faisables avec son fauteuil. "Quand ce n'est pas forcément accessible, il faut faire un détour, d'où l'intérêt de repérer avant. Quand on est une personne en situation de handicap, il faut tout anticiper."
Les améliorations attendues depuis... 1975
Mais que faudrait-il améliorer en priorité pour rendre accessibles les chemins non adaptés ? "Faire des trottoirs tous plats", demande Mickaël. "Tout aménager pour que tout soit à la même hauteur. Il y a des villes qui font ça. À Grenoble par exemple, j'ai fait mes études là-bas, on est entouré de montagnes, mais tout est plat."
"Le Conseil de l'Europe a entendu nos doléances. Il faut qu'on secoue notre gouvernement et nos politiques pour dire que maintenant ça suffit et qu'il faut qu'on passe à l'action réellement."
Florence Lecomtedirectrice de l'APF France Handicap 21 et 71
Florence Lecomte, directrice de l'APF France Handicap 21 et 71, déplore les fausses promesses : "Tout ce qui avait été prévu dans la loi de 2005 n'a pas été fait et réalisé dans les temps, puisque normalement la loi mettait 10 ans. On va bientôt arriver à 20 ans depuis la loi 2005. La loi de 1975 était déjà très avant-gardiste parce qu'elle avait prévu des choses qui n'ont pas été mises en place et ont été reprises dans la loi de 2005."
Une "lecture attentive" sera apportée par le gouvernement
Selon elle, "l'État doit prendre ses responsabilités". Et cela commence par attribuer davantage de moyens à cette cause, mais pas que.
"Il faut qu'on fasse plus de sensibilisation, il faut que les chefs d'entreprise, tous ceux qui gèrent les transports, aient vraiment une sensibilité au handicap", déclare la directrice de l'APF. "Et qu'ils prennent des personnes en situation de handicap comme des personnes à part entière. Il faut arrêter de faire des exceptions, ce n'est pas parce que vous avez des problèmes psy, ou de handicap moteur que vous devez être à part."
En attendant, le ministère délégué aux Personnes handicapées a affirmé à France Inter apporter une "lecture attentive" à l'avis du Conseil de l'Europe.
- Avec Gwendal Kerbastard et Valentin Casanova