INTERVIEW. "Le vin est devenu de l'or liquide", regrette le nouveau président des sommeliers de France, Fabrice Sommier

L'Union de la Sommellerie Française (USDF) a un nouveau président : Fabrice Sommier, qui prend la suite de Philippe Faure-Brac. Fabrice Sommier est de Mâcon, et il a des ambitions pour la sommellerie !

Fabrice Sommier succède à Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde 1992, qui occupait le poste depuis 2016. Fabrice Sommier a été sacré  Meilleur Ouvrier de France en 2007 . Il nous explique le but de son métier.

Fabrice Sommier a travaillé dans de nombreux établissements prestigieux, chez Bernard Brossier, Jean-François Rodallec, Jean Bardet puis en tant que chef sommelier chez Martin Schreiber et Philippe Groult. Après avoir passé quelques mois chez Bernard Loiseau, Fabrice Sommier rejoint Georges Blanc à Vonnas en 2000. 

Sommelier, ça veut dire quoi de nos jours ?

Fabrice Sommier : le premier aspect, c'est d'être dans la sélection et surtout de ne pas être sectaire et de tout goûter, de tout découvrir avec plaisir. Le deuxième aspect, c'est d'être de bon conseil et d'être plutôt dans l'humilité et la simplicité : on a tendance à parler avec beaucoup de mots savants, à vouloir rendre certaines choses un peu complexes, on va éloigner les gens de la connaissance. Je pense que le sommelier est au contraire dans la transmission, c'est la courroie entre les vignerons et le consommateur, il ne faut surtout pas perdre cela de vue.


Le métier de sommelier ne se fait pas qu'en restaurant, il y a aussi des sommeliers qui travaillent en cave, il y a des sommeliers-conseils. Il faut voir ce métier comme quelque chose à part entière, une cheville ouvrière très importante, parce qu'on parle de vins, de spiritueux, tout comme d'eau, de cafés, de softs, de jus de fruits, de tout ce qui est liquide et qui va se consommer à table qu'on peut acheter en local ou autre.

Quels sont les enjeux ?

F.S. Je pense qu'on a un rôle économique important, quand on est dans un restaurant ou une cave, ce n'est pas un métier philanthropique. Il faut aussi intégrer le fait que le sommelier n'est pas un œnologue, ni un viticulteur, et qu'on peut effectivement apporter des éléments de réponse à un viticulteur, lorsqu'il se pose des questions sur la consommation, et la nouvelle consommation. Mais il ne faut pas que le sommelier ne devienne le conseiller technique d'un œnologue ou d'un viticulteur, il faut que chacun reste à sa place, c'est une chaîne qui est primordiale.

On a cette chance inouïe d'être des deux côtés, d'aller chez les vignerons et de voir les nouvelles technologies et techniques, et les nouveautés que les vignerons sont capables de faire, et de l'autre côté avec nos clients, les demandes que l'on peut avoir au quotidien et la différence de consommation que l'on peut avoir d'une année à l'autre, voire d'un mois à l'autre.
On fait un métier de passion et d'écoute, et d'être attentif à tout cela, c'est important !

Le vin est-il devenu un produit élitiste ?

F.S. C'est de l'or liquide ! Beaucoup de gens vont acheter des grands crus de Bourgogne parce qu'ils n'ont plus confiance dans certaines valeurs-refuge. Un grand cru est un bien meilleur investissement que tous les placements financiers qu'on peut vous proposer. Cela veut dire que les gens ne sont pas plus idiots et les étrangers encore moins que les Français. Ce qui me gêne dans cela, c'est que le vin, il est fait pour être bu. C'est fait pour être partagé ! Comme disait Alexandre Dumas, 'Le vin est le complément intellectuel du plat.' Pour moi, c'est vraiment très important de pouvoir partager des moments de convivialité avec une bouteille de vin.  La problématique de tout ça, c'est que les prix deviennent tellement insolents que plus personne ne boira bientôt des grands vins de Bourgogne !

Le sommelier est là pour être en avance, être précurseur, pour dénicher les pépites et pour faire découvrir aux gens des choses qu'ils n'ont pas l'habitude de goûter, qui restent aussi dans leur prix-plaisir.

Dans un restaurant, il y a toujours quelqu'un qui pourra mettre des centaines d'euros dans une bouteille de vin, mais il y a aussi la majeure partie des clients qui est là pour se faire plaisir et qui ne veut pas non plus éclater son PEL !

Quelles sont vos priorités en tant que président de l'Union de la Sommellerie Française ? 

F.S : D'abord redonner une visibilité à la sommellerie française au niveau international. Depuis 2000, on n'a plus eu de sommelier en France élu meilleur sommelier d'Europe ou meilleur sommelier du Monde ! Ce n'est pas le fait qu'on n'ait pas de bons candidats, c'est que les autres pays se donnent les moyens de faire plus de choses. Il y a des pays, comme dans les concours de cuisine, qui vont financer leurs candidats, ce qui n'est pas le cas en France ! Dès qu'on parle de vin, on se fait tirer dessus à boulets rouges !


C'est compliqué d'aller chercher un financement national pour un concours international. On avait déjà la Team France qui va changer de nom et s'appeler l'Équipe de France de Sommellerie. Son rôle, c'est d'être comme une équipe sportive aux Jeux Olympiques, qu'on va former et qu'on va amener à être performante pour les prochaines échéances européennes et mondiales de sommellerie. 
Par exemple, au dernier concours du meilleur sommelier du monde, le 3ème sur le podium est chinois, il faut en être conscient ! Il faut faire un travail collectif pour pouvoir reprendre le lead sur ces choses-là".

Parmi les autres actions que le nouveau président envisage : chercher des sommeliers dans leur diversité et attirer la jeunesse, afin "de constituer une communauté de sommeliers incontestable".

En parallèle, Fabrice Sommier continue de diriger sa "Wine School" à Mâcon : un lieu où il vulgarise le vin pour les particuliers ou professionnels. Il y a aussi des cours de cuisine, de pâtisserie, et l'endroit peut accueillir des séminaires. 

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