À bientôt 70 ans, Dominique Bar-Ciclet fait partie de ces séniors qui travaillent pour compléter leur retraite. 25 heures par semaine, elle conduit un bus scolaire dans le Mâconnais (Saône-et-Loire), pour 500 € par mois. Mais le 2 mai dernier, son employeur lui a demandé de démissionner en raison "de son âge".
Du camion remorque, à la semi-remorque, en passant par le car et le transport scolaire... À bientôt 70 ans, Dominique Bar-Ciclet a une expérience de 25 années de carrière passées à arpenter les routes de Saône-et-Loire et d'ailleurs.
Cela fait d'ailleurs 5 ans que Dominique conduit des bus scolaires pour la même entreprise : les autocars Maisonneuve. Mais le 2 mai dernier, le directeur des ressources humaines l’a rappelée à la réalité au cours d’un entretien : “Je suis trop vieille, voilà ce qu’il m’a dit. Mais ça, ce sont les gens qui se sentent. Il y a des personnes qui ont 50 ans qui sont vieilles et des personnes qui ont 80 ans et sont en très bonne forme. Il ne faut pas leur dire qu’ils sont trop vieux ou quelque chose comme ça.”
Concrètement, elle assure que son employeur lui a demandé de démissionner avant la fin du mois de juin en raison... de son âge.
"Avec 1000 € par mois je ne vais pas aller bien loin"
Dans l’absolu, la sexagénaire pourrait partir à la retraite, mais elle n’en a pas envie. “Oui je pourrais”, confirme-t-elle au micro de Valentin Casanova et Anthony Borlot. “Mais avec 1000 € par mois je ne vais pas aller bien loin. Si on travaille en même temps, c’est pour pouvoir compléter nos retraites.”
Tant que je ne suis pas malade, je ne vois pas pourquoi on me dirait que je suis trop vieille.
Dominque Bar-Cicletconductrice de bus
En tout, avec les 1000 € de sa retraite et les 500 € qu’elle gagne en conduisant son car, Dominique s’en sort avec 1500 € par mois. “J’en ai besoin pour payer mon loyer”, s’emporte-t-elle. "C’est grave de dire à quelqu’un “vous devez démissionner”. Je fais comment pour payer mon loyer ?"
Elle se sent "apte" à travailler
Dominique explique que c’est l’entreprise qui a adopté "cette limite d’âge dans leur convention". "Comme ils disent, pour éviter une catastrophe", soupire-t-elle en levant les yeux au ciel. "(Ils considèrent) qu’on est susceptibles de faire une catastrophe."
Pourtant, la senior assure que la médecine du travail l’a récemment jugée “complètement apte”. Elle explique : “Ils m’ont donné tous mes permis. Ils les renouvellent tous les ans avec visite médicale. On regarde si vous entendez bien, si vous voyez bien, si vous avez vos réflexes..."
En plus des résultats médicaux pour le prouver, la sexagénaire ne tient pas en place. Elle enrage d'être mise dans une case en se basant sur son âge : "Je ne me sens pas comme ça, mais c’est lui qui m’a remis les aiguilles à l’heure. Moi je ne veux pas. Ça m’occupe en même temps. Vous vous rendez compte si je devais rester chez moi ? Moi je ne me vois pas comme ça, je suis active et j’ai toujours été active."
Pas de démission, mais une lettre aux prud'hommes ?
D'après Dominique, son employeur attend qu'elle remette sa lettre de démission d'ici fin juin, avec la fin de l'année scolaire. Mais elle ne l'entend pas de cette oreille. À défaut de démissionner, la sexagénaire a prévu d’envoyer un courrier à son entreprise comportant "tous les reproches, les pressions, les menaces..." Elle assure qu'elle a notamment été menacée de se voir retirer son "permis professionnel" et son "permis B".
S’il le faut, elle est même prête à aller jusqu'aux prud'hommes. "Je n’ai pas envie de me retrouver sans travail. Je n’ai pas envie de partir comme ça sans rien avoir."
Il m’a menacée de me donner un vieux tagazou (vieux camion bruyant), des circuits épouvantables, que des trucs pour m’influencer à partir.
Dominique Bar-Cicletconductrice de bus
Pour Julie Voldoire, chargée de mission au défenseur des droits, "il est urgent de réfléchir aux enjeux d'inclusion des séniors au sein des organisations du travail". Selon elle, le taux d'emploi des séniors atteint aujourd'hui 56,1 % et il n'a pas cessé d'augmenter. Elle précise également que les faits rapportés par Dominique "s'inscriraient dans un cadre discriminatoire" lié à l'âge.
Sur le site de service-public.fr il est expliqué qu'entre 67 et 69 ans "votre employeur ne peut pas vous mettre d'office à la retraite". Mais à partir de 70 ans "l'employeur peut vous mettre d'office à la retraite, votre accord n'est pas nécessaire".
Même si elle ne s'avoue pas vaincue, la Mâconnaise pourrait déjà avoir trouvé un point de chute afin de ne pas se retrouver démunie : "Il y a une société de car pour laquelle j’ai travaillé il y a une dizaine d’années, ils veulent me reprendre. Ils ne veulent pas me laisser sans travail."
Contactée par France 3 Bourgogne, l'entreprise n'a pas répondu à nos sollicitations.