Depuis le 31 octobre, une enquête publique était menée dans le cadre du projet d'extension de la carrière de Sainte-Cécile (Saône-et-Loire). Suspendue ce jeudi en raison d'un problème d'affichage, élus et collectif de citoyens opposés au projet profitent de ce sursaut pour préparer leur riposte.
Le calme règne dans les bois qui bordent la commune de Sainte-Cécile (Saône-et-Loire)... Jusqu'à ce qu'un grondement de métal et de pierres qui s'entrechoquent ne fasse sursauter le promeneur non avisé.
À quelques mètres de là, la carrière de Sainte-Cécile, qui brasse chaque jour plusieurs tonnes de ballast - des pierres que l'on tasse sous les voies de chemin de fer - et de granulats de béton, ne saurait passer inaperçu.
Un projet d'extension sur 8 hectares
Depuis le 31 octobre dernier, le site de 18 hectares exploité par l'entreprise TRMC Bourgogne, propriétée de Vinci, est aux prises avec les habitants des communes environnantes et des élus locaux. Au cœur du conflit : le projet d'extension de la carrière sur près de huit nouveaux hectares, que la population n'a découvert "que très tardivement" lors du lancement d'une enquête publique le 31 octobre 2023. Le projet vise également au renouvellement de l'exploitation d'ici 2024 et pour 25 ans.
Mais ce jeudi 30 novembre, jour de clôture pour l'enquête publique, celle-ci a été suspendue suite à une erreur d'affichage : "le dossier accessible en ligne ne correspondait pas à la dernière version présentée sur les supports physiques déposés en mairies", indiquait la préfecture dans un communiqué.
Une production qui ne se destine plus au local
Sur 190 contributions déposées en ligne par les habitants, seule une dizaine se disait favorable au projet d'extension. "Ce sont principalement des salariés et des sous-traitants de TRMC", précise Ornella Dante, cofondatrice du collectif citoyen les Amis de Sainte-Cécile, qui s'oppose au projet d'extension.
Cette maraîchère de profession se fait porte-parole de la centaine de sympathisants de l'association en devenir. "Nous ne sommes pas opposés à l'exploitation en elle-même, avoir une carrière à proximité reste intéressant pour l'entretien de la voirie. Mais vu la taille du projet d'extension, la production ne sera clairement plus à seule destination du territoire."
On voit bien avec ce projet que l'objectif va au-delà de l'alimentation des besoins du territoire, et ce, aux dépens de l'écosystème local.
Jean-Luc Fonteray, conseiller départemental du canton de Cluny
Un avis que partage le conseiller départemental du canton de Cluny, Jean-Luc Fonteray : "l'extension, cumulée à une exploitation sur 25 ans, laisse le champ libre à un doublage des volumes de production. On voit bien avec ce projet que l'objectif va au-delà de l'alimentation des besoins du territoire, et ce, aux dépens de l'écosystème local."
Une biodiversité riche mais en danger
Nuisances sonores dès le matin, poussière, fissures dans les murs à cause des vibrations des machines... Les riverains de Sainte-Cécile et des huit communes limitrophes déplorent un certain nombre de nuisances. Mais la principale problématique demeure l'impact du projet d'extension sur la biodiversité, protégée par le réseau européen Natura 2000 et considérée comme une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de niveau 1.
"Notre site abrite plusieurs espèces menacées de chauve-souris, de salamandres et d'oiseaux, avec notamment un couple de hiboux Grand Duc installé par ici... L'extension réduirait considérablement leur territoire et qui plus est, TRMC n'a pas su proposer de compensation environnementale complète", fustige Ornella Dante. Les élus et les habitants pointent justement du doigt le volet environnement du dossier de TRMC "incomplet" et "avec beaucoup de manquements."
Notre site abrite plusieurs espèces menacées de chauve-souris, de salamandres et d'oiseaux, avec notamment un couple de hiboux Grand Duc installé par ici.
Ornella Dante
Des conséquences sur le vivant qui sont déjà notables : la maraîchère fait part de relevés indiquant une pollution de la Grosne, visible par la couleur laiteuse que prend la rivière au niveau de Sainte-Cécile.
Un dossier environnemental "incomplet"
Selon le collectif citoyen, la partie environnementale du dossier adressé par TRMC à la préfecture présente également "beaucoup d'incohérences." "On ne comprend pas pourquoi l'entreprise n'a pas pris le temps de déposer un dossier complet, ni attendu le rapport de la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe). Peut-être qu'ils l'ont fait à la va-vite ou qu'ils pensaient que ce serait une formalité rapidement clôturée ?... Il faudrait leur demander." Or, malgré plusieurs relances, TRMC n'a pas jamais répondu à nos sollicitations.
Prochaine étape pour les Amis de Sainte-Cécile et TRMC : l'ouverture de la seconde enquête publique en janvier 2024, dans un peu plus d'un mois. "Ce qui reste très court pour consolider la partie environnementale du dossier et solliciter à nouveau la MRAe qui a 2 mois pour répondre", souligne Ornella Dante avec scepticisme. "On restera attentifs à sa remise en ligne et on n'hésitera pas à user d'un recours juridique au besoin."