Réforme des retraites : l'enjeu du travail des séniors

Seule la moitié des travailleurs de plus de 55 ans a un emploi. À Mâcon, portraits croisés de deux séniors qui s'interrogent sur leur place en entreprise.

Christophe Joubert Laurencin est au chômage depuis décembre dernier. Ce cariste a travaillé pour l'entreprise Euroserum de Saint-Martin-Belle-Roche (au Nord de Mâcon) pendant 14 ans. A 55 ans, il doit désormais retrouver un emploi en étant considéré comme un sénior.

Il a conscience qu'il ne sera pas évident de d'enrayer les a priori des employeurs : "Mon expérience devrait jouer pour moi. Je suis en pleine santé, je fais du sport. Je ne pense pas que ce soit une question d'âge mais plutôt d'état d'esprit et de relationnel" explique Christophe. 

Selon la Dares, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, seuls 56,1 % des 55-64 ans sont en emploi au 4e trimestre 2021. Pour la tranche des 60-64 ans, le taux d’emploi tombe à 35,5 %.

Christophe ne comprend pas cette réticence à embaucher les plus de 55 ans : "D'ailleurs, quand une entreprise a un sénior, s'il ne forme pas ses remplaçants, le savoir se perd."

Travailler en bonne santé

Frédéric Levotre travaille à l'IFPA de Mâcon depuis 33 ans. Lorsqu'il a eu des problèmes de santé il y a deux ans, il s'est avéré incapable de continuer les déplacements. Il a été soulagé de pouvoir réorganiser son activité et se concentrer sur la gestion des paies : "Il y a beaucoup d'entreprises où la médecine du travail finit par déclarer une inaptitude. Mon cas est très différent : un autre salarié a été embauché pour les missions de maintenance que je ne pouvais plus effectuer. " 

Le taux d'employabilité des travailleurs diminue avec l'âge, notamment en raison de la détérioration de leur santé. L’espérance de vie en bonne santé est de 64,1 ans chez les femmes et 62,7 chez les hommes dans notre pays.

Agé de 57 ans, Frédéric considère qu'il faudrait changer le regard que l'on porte sur les travailleurs séniors : "Si on se base sur la performance seule, on peut considérer que les plus de 55 ans sont moins performants mais si on considère l'expérience que peuvent apporter les plus anciens aux jeunes, je pense que, là, il y a quelque chose à faire. Ne serait-ce que dans l'adaptation des postes de travail."

Adapter les conditions de travail pour rester en poste plus longtemps et vivre mieux... La question de la pénibilité du travail se pose au vu de cette étude de l'Insee, publiée en 2018, qui souligne que l’espérance de vie des ouvriers est plus courte que celle des cadres, de six à sept ans. Les 5% les plus pauvres meurent en moyenne treize ans plus tôt que les 5% les plus riches. L'espérance de vie à la naissance serait ainsi de 84,4 ans pour les riches contre 71,1 ans pour les hommes pauvres.  Chez les femmes, cet écart est plus faible : 8 ans séparent les plus aisées des plus pauvres.

L'embauche des séniors facilitée

Plusieurs dispositifs gouvernementaux existent pour encourager l'emploi des séniors par les entreprises : le CDD sénior à partir de 57 ans et le contrat de professionnalisation pour les plus de 45 ans.

Le CDD sénior, à partir de 57 ans, fonctionne comme un CDD classique. Il est d'une durée maximale de 18 mois, renouvelable jusqu'à 36 mois. 

Le contrat de professionnalisation, d'habitude réservé aux jeunes apprentis, peut être attribué aux travailleurs âgés de 45 ans et plus. L'aide est de 2000 € si le recrutement est sous forme de CDD ou CDI, si le poste pourvu n’a pas connu de licenciement économique dans les 6 mois précédant l’embauche et si le nouveau salarié n’a pas appartenu à la filière de l’entreprise, dans les 6 derniers mois. 

Le projet de réforme des retraites prévoit un index séniors pour évaluer le nombre de salariés séniors au sein des entreprises de plus de 50 salariés. Une politique de discrimination à l'égard des salariés âgés pourrait donner lieu à d'éventuelles sanctions.