Le Royaume-Uni a décidé de se doter d’une centrale nucléaire. Deux réacteurs EPR (fournis par EDF et son partenaire chinois CGN) seront construits dans le sud-ouest de l'Angleterre pour un budget évalué à plus de 21 milliards d'euros. Du travail en perspective pour les usines de Bourgogne ?
"La première commande en Europe depuis Fukushima"
Cette nouvelle a été accueillie avec une grande satisfaction par Christophe Sirugue, secrétaire d'Etat français à l'Industrie, qui était il y a encore quelques jours député de Saône-et-Loire.En Bourgogne, la filière nucléaire représente environ 10 000 emplois. Car si la région n'a pas de centrale nucléaire sur son territoire, elle est néanmoins au coeur de l'industrie du nucléaire et abrite d’ailleurs le pôle de compétitivité PNB (Pôle Nucléaire de Bourgogne).
Le feu vert donné par le gouvernement britannique au projet Hinkley Point C est "un succès indéniable pour l’industrie française", se réjouit Christophe Sirugue. Il s'agira de la première construction d'une centrale nucléaire depuis plus de vingt ans au Royaume-Uni. C’est aussi "la première commande en Europe depuis Fukushima", l'accident nucléaire catastrophique qui a frappé le Japon en 2011.
La décision du gouvernement britannique favorable à la poursuite du projet Hinkley Point est une nouvelle forte... https://t.co/JVZ89Tv4wL
— Christophe Sirugue (@chsirugue) 15 septembre 2016
Dans le cadre du contrat Hinkley Point C, le groupe Areva NP se verra attribuer des contrats pour la fourniture de la chaudière nucléaire, du système de contrôle-commande et d’approvisionnement de combustible nucléaire.
"Le projet HPC (Hinkley Point C) représente un enjeu de plus de 5 milliards d’euros pour le groupe Areva, près de 700 emplois directs d’ingénierie et autant dans les usines. A l’échelle de la filière, un réacteur EPR crée près de 4 000 postes en France pendant la construction et 2000 pendant les 80 années de l’exploitation et du démantèlement", assure Bernard Fontana, président-directeur général d'Areva NP.
Pourquoi le contrat Hinkley Point est-il essentiel pour Le Creusot ?
En Bourgogne, Areva possède trois sites situés en Saône-et-Loire (Le Creusot, Saint-Marcel et Chalon-sur-Saône) qui totalisent environ 2 300 emplois :-Areva Chalon/Saint-Marcel fournit des équipements lourds aux centrales nucléaires
-Areva Creusot Forge est spécialisé dans la fabrication de pièces forgées, moulées et usinées en acier).
Le contrat Hinkley Point arrive à point nommé pour la filière française. Le groupe Areva, qui est en grande difficulté financière, a lancé un vaste plan de restructuration pour supprimer environ 6 000 emplois dans le monde, dont quelque 60 sur les 270 salariés de son usine Creusot Forge. Cela s’est traduit par un plan de départs volontaires et par l’éclatement du groupe : l'Etat a décidé de confier à EDF la majorité de l'activité réacteurs (Areva NP).
"Le projet Hinkley Point est un projet essentiel" pour l’usine du Creusot, avait rappelé Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie de l’époque, lors d’un déplacement en Saône-et-Loire le 2 mai 2016. "Je suis venu redire l'attachement du gouvernement à ce projet sans lequel il y aurait sinon des centaines de licenciements sur le site du Creusot", avait-il déclaré.
Quels sont les points noirs qui subsistent ?
Cependant, le projet Hinkley Point ne doit pas faire oublier qu’il reste de sérieux problèmes à régler.Le Royaume-Uni a passé un contrat pour deux EPR (un réacteur de troisième génération conçu pour être plus sûr et plus puissant). Mais, pour le moment, aucun réacteur de ce type n'est en service. Quatre EPR sont en construction dans le monde : un en France à Flamanville, dans la Manche, un en Finlande et deux en Chine. Jusqu’à présent, les chantiers en cours ont accumulé les retards.
C’est le cas notamment pour l’EPR de Flamanville. Outre six années de retard sur les délais prévus, des problèmes techniques ont fait monter la facture à 10,5 milliards d'euros, soit plus de trois fois le devis initial.
Mais surtout, l'Autorité française de sûreté nucléaire (ASN) a mis au jour plusieurs anomalies de conception et de fabrication depuis deux ans et pas des moindres puisqu'elles concernent entre autres la cuve du réacteur, deuxième barrière retenant la radioactivité.
La composition de l'acier de certaines zones du couvercle et du fond de la cuve inquiète sur sa capacité à absorber un choc. C'est Areva qui a construit cette pièce sur son site de Creusot Forge, en Saône-et-Loire.
L'enquête de l'ASN est toujours en cours et l'instance ne rendra pas son avis avant fin 2016, début 2017. Elle n'a exclu aucun scénario, y compris celui d'un remplacement total ou partiel de cette pièce, ce qui décalerait encore la mise en service et coûterait très cher.
Ces questions qui restent en suspens relativisent la satisfaction affichée par plusieurs responsables syndicaux, qui attendent avec la plus grande prudence de voir de quoi l’avenir des salariés sera fait.