Un an après avoir lancé le premier bateau à moteur électrique fonctionnant à l'hydrogène, Les Canalous ont déjà mis fin à l'expérimentation. Les coûts financiers et environnementaux de l'hydrogène sont les raisons données par cette entreprise, basée à Digoin (Saône-et-Loire).
En un an, l'expérimentation est déjà terminée. "Continuer de tenter de créer ce genre de bateau était déraisonnable à tous les niveaux," explique Alfred Carignant, dirigeant des Canalous, l'entreprise de location de bateaux basée à Digoin (Saône-et-Loire).
Revenons un peu en arrière : le vendredi 28 avril 2023, l'entreprise dévoilait en grande pompe le premier bateau à motorisation électrique alimenté par l'hydrogène. Un concept novateur pour le secteur fluvial, mais déjà largement utilisé pour l'automobile grâce à son moteur. "Il a une autonomie plus grande que celui 100 % électrique, cela nous intéressait fortement."
Les voitures à hydrogène peuvent atteindre 600, 700 voire même 1 000 kilomètres d'autonomie en fonction des modèles. Dans les transports fluviaux, Alfred Carignant estimait que ses bateaux pouvaient naviguer pendant "une journée, voire une semaine" sans avoir besoin de se recharger. Autre avantage : un bateau à hydrogène recharge plus vite qu'un bateau 100 % électrique.
Le patron des Canalous s'est lancé dans ce projet "pour répondre à la demande d'un transport fluvial plus responsable, et à l'augmentation du slow tourisme." D'après une étude de l'Ademe, l'agence de la transition écologique, le transport fluvial émet entre 8,8 et 34,7 grammes de CO2 équivalent par tonne de marchandise transportée sur un kilomètre (t.km).
Une "aberration environnementale"
Mais rapidement, les Canalous se heurtent à un énorme problème : l'approvisionnement en hydrogène vert. "C'était une aberration environnementale. Si on voulait se fournir, il fallait que des camions thermiques fassent des centaines de kilomètres." L'entreprise doit s'approvisionner à l'aide d'éoliennes implantées en Vendée, à plus de 600 km de la Saône-et-Loire.
Un coût environnemental important, estimé par Philippe Cauneau, ingénieur transport à l'Ademe. Il déclare à l'AFP que "transporter un kilo d'hydrogène sur 100 kilomètres par le mode routier génère 2,5 kilos de carbone," soit l'équivalent d'un trajet de 11.5 km en voiture thermique. Pour le faire baisser, la production doit se faire dans un rayon de "dix kilomètres."
Au-delà de l'impact environnemental, les coûts de production et d'utilisation du bateau explosent également. Alfred Carignant estime qu'ils "peuvent être multipliés par dix par rapport à une flotte classique. Cela rend notre modèle économique invivable : on ne peut pas être rentable avec ce produit." Lors de ses différentes études, l'entreprise estimait donc que la solution la plus judicieuse était de produire son propre hydrogène.
Une direction qu'Alfred Carignant a décidé d'abandonner, au profit du biocarburant HVO, un diesel de sythèse. "Il nous permet de réduire nos émissions de 90 %, et avec un partenariat, nous pouvons l'obtenir à un prix raisonnable, à 15 voire 20 centimes au-dessus du gazole." Un modèle, selon lui, bien plus acceptable, et applicable à toute sa flotte.