"Quatre ans qu'on nous laisse dans l'agonie" : l'appel au secours de la mère des 3 enfants morts noyés au lac de Chalon-sur-Saône

Lallia a perdu trois de ses cinq enfants en juillet 2018, noyés dans le lac des Prés-Saint-Jean. Elle décide aujourd'hui de partager son histoire sur les réseaux sociaux pour tenter de faire avancer le dossier, au point mort depuis quatre ans.

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"Je passe de cinq enfants à deux. Je ne sais plus faire les courses, je ne sais plus cuisiner, je ne sais plus rien faire en fait. La vie s'arrête : vous ne vivez pas, vous survivez." Face à son écran de téléphone sur instagram, Lallia parle pendant de longues minutes. S'interrompt parfois, en larmes, quand l'émotion et les souvenirs la submergent. En juillet 2018, cette mère de famille a perdu trois de ses cinq enfants, noyés dans le lac des Prés-Saint-Jean à Chalon-sur-Saône.

Assia, Abd-Allah et Abd-Arrahmane, noyés sous les yeux de leurs deux sœurs 

Ce dimanche 8 juillet, les enfants sont avec la nouvelle compagne de l'ex-mari de Lallia - le couple est divorcé depuis quelque temps. Loin de la surveillance de leur belle-mère, qui se trouve à plusieurs dizaines de mètres de la berge et qui surveille au total huit enfants, deux enfants de Lallia s'aventurent dans l'eau. Mais Assia (9 ans) et Abd-Allah (10 ans) ne savent pas nager. Surpris par la pente abrupte du lac, ils coulent. Leur grand frère Abd-Arrahmane (13 ans) tente de les secourir, mais coule lui aussi. Il faudra plus d'une heure aux secours pour repêcher leurs corps. Trop tard pour les sauver.

Ce drame, Lallia le raconte en longueur dans trois vidéos postées sur instagram en début de semaine. "Mes enfants, j'en ai perdu trois, mais j'en ai deux qui ne vivent plus", sanglote-t-elle. Il lui reste deux filles, qui ont assisté au drame.

"Elles ont vu leurs frères et sœur mourir. Personne ne peut vivre avec ça. Aujourd'hui, c'est la double peine. Je perds trois enfants, et les deux filles qui me restent sont traumatisées à vies. On est toutes les trois atteintes de choc post-traumatique."

Après le drame, Lallia et ses filles ont a fini par quitter la France : elles sont parties s'installer à Manchester, au Royaume-Uni. "Chaque recoin de Chalon me rappelle mes enfants. Je pensais qu'en quittant la ville, ça irait un peu mieux. Mais en fait, non." 

La belle-mère et le maire de Chalon-sur-Saône visés par une plainte pour homicide involontaire

Aujourd'hui, Lallia en veut à la compagne de son ex-mari, coupable selon elle d'avoir autorisé les enfants à se baigner dans le lac, alors qu'il est réputé pour être dangereux, que les enfants ne savaient pas nager, et que la belle-mère était trop loin du plan d'eau pour surveiller ce qu'il se passait. Elle blâme aussi le maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret (LR) : "Il n'y avait pas de panneau d'interdiction de baignade, même si tout le monde savait que le lac était dangereux. Le maire a attendu plus d'un an pour faire installer ces panneaux après le drame."

Pour ce manquement, Lallia a déposé une plainte contre le maire en mai 2020 pour homicide involontaire. Elle lui en veut aussi dans une dimension plus personnelle : "Après la mort de mes enfants, il n'est même pas venu me voir. J'ai juste reçu une petite lettre postale de condoléances. Comme si mes enfants n'avaient pas de valeur."

La belle-mère, elle, est mise en examen pour homicide involontaire depuis 2019 et laissée en liberté. Pour autant, près de quatre ans après le drame, aucune date de jugement n'est fixée. C'est pour cela que Lallia prend la parole sur les réseaux sociaux : "J'ai cru en cette justice pendant quatre ans. Mon avocat a fait des relances tout le temps. À chaque fois, on nous balade."

"On a besoin de votre soutien, parce que malheureusement la justice agit beaucoup plus vite quand elle a la pression des citoyens."

C'est une amie de Lallia, Nathalie, qui l'a convaincue de s'exprimer sur les réseaux sociaux. Cette Auboise a elle-même vécu un drame : elle a perdu son mari et ses deux enfants dans un accident de voiture. Lallia espère qu'à travers sa prise de parole, le dossier avance : "On nous laisse dans l'agonie, dans la souffrance. J'ai deux enfants qui ne se reconstruisent pas et qui me demandent : pourquoi il ne se passe rien ?"

Le dossier "ne reste pas posé dans un coin"

Contacté, le parquet de Chalon-sur-Saône indique qu'il ne peut pas donner de détails, car le dossier est en cours d'instruction. On nous assure toutefois que "le dossier est suivi, ce n'est pas un dossier qui reste posé dans un coin. Mais les analyses, l'enquête, tout cela peut prendre beaucoup de temps. C'est une chose qui est parfois difficile à comprendre pour les familles."

Lallia, elle, n'attend qu'une chose : "Qu'on me donne une date de jugement, déjà, ce serait énorme. Que l'on prenne en compte ma souffrance et celle de mes filles."

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