Ce mercredi 19 octobre 2022, la Cour d'appel de Paris devait rendre son délibéré sur la demande formulée par l'association Andeva contre le non-lieu de juillet 2019 pour Eternit. Le délibéré a été reporté au 25 janvier 2023.
Le délibéré de la Cour d'appel de Paris était attendu ce mercredi. Il sera reporté au 25 janvier 2023, dans l'attente de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation qui sera rendu le 9 novembre prochain sur les "délais raisonnables" en matière de procédure judiciaire.
"Encore un report, le scandale continue !"
François Desriauxvice-président de l'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante
"On a l'impression que personne ne veut juger ces affaires, ça frise le ridicule. Il y a toujours une nouvelle raison, une nouvelle explication, résultat ça fait 25 ans que ça dure !" commente François Desriaux, vice-président de l'association Andeva, l'Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante.
Le dossier de l'amiante concerne 100 000 personnes exposées à l'amiante, qui pourraient décéder de mésothéliome (cancer pleural) d'ici 2025.
Ce nouveau report était redouté par le vice-président de l'Andeva, qui détaille les raisons qui, selon lui, retarderaient la procédure : "C'est un dossier qui est assez complexe, qui nécessiterait beaucoup de moyens, ce que la justice n'a pas. On a l'impression que personne n'a envie de s'embêter avec ça. Les magistrats instructeurs, vu le peu de motivation, la faiblesse de leurs arguments pour rendre des non-lieux, c'est une volonté de ne pas instruire. Une volonté de rendre des non-lieux contre l'évidence !"
Le vice-président de l'association de défense des victimes fustige les mis en cause dans le dossier, les membres de la direction de la société Eternit : "il n'y a aucune volonté que ce dossier aboutisse, de la part des mis en cause, eux ils font traîner l'affaire et ils utilisent toutes les ficelles de la procédure pour faire traîner !"
Cour de Cassation et « délais raisonnables »
La Cour de Cassation doit rendre un arrêt le 9 novembre 2022 sur les "délais raisonnables". Elle s'était réunie en septembre pour se pencher sur la rarissime annulation d’un procès en 2021, procès n'ayant pas de rapport avec l'amiante.
La Cour de Cassation a étudié les impacts du « délai déraisonnable » dans la vaste affaire de corruption de « la chaufferie de la Défense » : cinq chefs d’entreprise devaient être jugés pour corruption en 2021 à Nanterre (Hauts-de-Seine), mais le tribunal correctionnel, puis la cour d'appel de Versailles, ont annulé l’intégralité des presque vingt ans d’enquête, craignant un procès inéquitable.
Pour les magistrats de ces deux juridictions, il a été impossible de juger correctement sans pouvoir confronter les prévenus (l’un étant centenaire, l’autre malade et le troisième décédé). Le parquet général a contesté cette annulation, demandant à la Cour de Cassation de statuer.
C’est donc le 9 novembre prochain que la Cour de Cassation rendra son arrêt, la Cour d’appel de Paris va s’appuyer sur cette décision pour statuer ou non de l’aspect « raisonnable » des délais dans le procès Eternit.
"Ils sont responsables du délai déraisonnable !"
"Je ne sais pas ce que sera la décision de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes." L'affaire Eternit entrant dans le canevas des délais longs, François Desriaux de l'association Andeva rejette la responsabilité de ces délais dits "raisonnables" sur les mis en cause : "Quand même, si le dossier a pris autant de temps, c'est que les mis en cause ont joué de toutes les ficelles qu'ils pouvaient pour que ça prenne beaucoup de temps. Après, dire et plaider qu'on ne peut juger après un délai déraisonnable... ils sont en partie assez responsables du délai déraisonnable !"
Pour la CAPER Bourgogne (Comité Agir, Prévenir et Réparer), son président Jean-François Borde ne peut s'empêcher de témoigner de sa lassitude : "si la Cour de Cassation décide que c'est un délai pas raisonnable, on sait à quoi s'attendre. Par contre, si elle dit qu'on peut continuer, ça fait quand même plus de vingt ans que ça dure, les expertises, les contre-expertises, les non-lieux. Au niveau de nos adhérents, la motivation disparaît. Il y en a aussi qui sont décédés. Les gens n'y croient plus, c'est un scandale quand même. C'est donner l'autorisation à d'autres de continuer à polluer, car ils ne risquent rien !"
L'ancien salarié d'Eternit à Vitry-en-Charolais rappelle que : "la première plainte qui a été déposée pour faute inexcusable de l'employeur, c'était en 1997, donc ça fait déjà 25 ans. L'usine avait ouvert en 1942."
Ce sont plus de 1000 dossiers qui ont été traités par la Caper Bourgogne, pour certains "indemnisés, mais il y a aussi des personnes décédées".
Il a été compté plus de 160 morts des suites de l'amiante sur le site de Vitry-en-Charolais, "décédés de maladie professionnelle. On sait très bien que dans les années 60 - 70, il y a des personnes qui sont décédées du cancer du poumon, il n'y avait pas de recherches, la maladie professionnelle n'était pas reconnue. On a beaucoup de décès du cancer du poumon à Eternit qui ne sont pas comptabilisés dans les 160 décès dont on est sûrs aujourd'hui !"
La Bourgogne est l'une des régions les plus touchée par l'amiante : Eternit à Vitry-en-Charolais (Saône-et-Loire), Saint-Gobain et Kodak à Chalon, les cheminots des ateliers de maintenance SNCF
Saint Gobain : Le 2 octobre 2009, l’entreprise est classée « site amiante », ce qui autorise les salariés concernés par la période 1967-1984 à faire leur demande d'indemnisation.
Kodak : la première condamnation par la cour d’appel de Dijon de Kodak pour « faute inexcusable » remonte au 28 janvier 2016, pour avoir exposé un de ses salariés à l’amiante. Ce sont plusieurs salariés qui par la suite vont poursuivre leur employeur, pour leur activité pendant une trentaine d'années à partir des années 70.