Que serait la Bourgogne sans ses vaches charolaises broutant dans les prés ? Pourtant, cet emblème de la région pourrait disparaître peu à peu du paysage. En effet, de plus en plus d’éleveurs avouent se sentir découragés par les sécheresses à répétition.
Le bœuf charolais est réputé dans le monde entier pour la qualité de sa viande. C’est en Saône-et-Loire, dans le Charolais-Brionnais, que se situe le berceau de cette race bovine, reconnaissable au premier coup d’œil grâce à sa robe blanche et sa croupe rebondie.
Une vache charolaise passe la plus grande partie de l’année à brouter dans les pâturages et ne rentre à l’étable que pour l’hiver.
Mais, les sécheresses qui se succèdent mettent en danger ce modèle économique.
Rémi Barnaud est éleveur à Saint-Germain-en-Brionnais. Il fait naître 140 veaux par an sur 180 hectares. Cela fait quatre ans qu’il s’est installé avec son père et il a déjà connu trois sécheresses successives. Trois années où il a vu l’herbe brûler dans les prés, l'obligeant à s'approvisionner en fourrage dans les départements alentours.
"C'est complétement grillé. Tous les ans, on est obligé d’acheter de la paille pour donner à manger aux bêtes. Ça fait trois ans d’affilée et c’est un coût supplémentaire pour l'exploitation, car pour nourrir les bêtes c’est au minimum deux camions de paille, soit 2 500 euros par camion", explique le jeune éleveur.
La sécheresse perturbe la reproduction des bovins
Outre les frais supplémentaires pour nourrir les bêtes, la sécheresse a d'autres conséquences. "Cela pose des problèmes au niveau de la reproduction, car les vaches, d'année en année, ne mangent que de la paille, de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps. Cela les perturbe au niveau de la reproduction et ça décale tous les vêlages dans le temps", précise Philippe Barnaud, le père de Rémi.
"Avant, les vaches vêlaient beaucoup au mois de novembre et décembre. Maintenant, ça se passe surtout en février, mars, avril et ça décale nos ventes.
Avant, on vendait beaucoup de broutards (jeunes taureaux) l’été. Maintenant, comme ils sont trop jeunes en août, on les vend à l’automne. Donc, on doit les garder et les nourrir plus longtemps et les cours de la viande ne sont pas propices non plus. Bref, on perd de tous les côtés."
L’autre gros problème provoqué par la sécheresse, c’est le manque d'eau pour abreuver les bovins.
L’eau va être le gros problème du 21e siècle car elle devient de plus en plus rare. Des sources sont taries, ce que mon père et mon grand-père n’avaient jamais vu. Aujourd’hui, on est obligé d’aller chercher de l’eau de plus en plus loin. On doit aussi utiliser l’eau du réseau, ce qui nous coûte plus cher. Et puis surtout, on passe beaucoup de temps à aller chercher de quoi abreuver les bêtes.
"Pratiquement l'ensemble du département de Saône-et-Loire est touché par la sécheresse", indique Christian Bajard, éleveur et président de la FDSEA 71 (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles).
"Chaque exploitation est un cas particulier, mais on estime entre 15 000 et 25 000 euros le surcoût quand on est obligé de nourrir les animaux du 15 juillet jusqu’au 1er septembre si tout va bien et qu’il pleut. Et s’il ne pleut pas jusqu’au 1er octobre, voire plus longtemps parfois.
Les éleveurs se posent beaucoup de questions. Ils se demandent ce qu’ils vont faire s’il y a vraiment un réchauffement climatique qui dure. Ils se demandent comment faire pour s’adapter, car cela remet en cause notre système économique. On pourrait avoir moins d’animaux dans nos champs, mais dans ce cas, comment fait-on pour payer les charges ? Car, si on ne baisse les charges parallèlement, c’est très compliqué", conclut Christian Bajard.
Quel avenir attend les 3 000 éleveurs de Saône-et-Loire ? La question est dans toutes les têtes et décourage de nombreux jeunes qui pensaient se lancer dans l'élevage. A terme, c'est toute la filière charolaise qui pourrait être menacée, estiment certains.