Thomas Maurice est éleveur de chèvres en Côte-d'Or depuis sept ans. Des animaux mieux adaptés à la sécheresse que les vaches par exemple. Il faudrait selon lui revoir en profondeur les méthodes de production pour s'adapter au changement climatique.
La sécheresse touche durement les agriculteurs de la région. Thomas Maurice en souffre peut-être moins que d'autres. Cet éleveur de chèvres s'est installé en 2013 à Aubaine, entre Beaune et Pouilly-en-Auxois en Côte-d'Or.
Il a une quarantaine de chèvres, dont il transforme lui-même le lait en fromage. Il ne s'est pas lancé dans cette production par héritage familial. L'homme de 36 ans a d'abord débuté une carrière de chargé d'études après un bac+5 en écologie et aménagement du territoire. "J'ai créé ma ferme en 2013 à partir de rien, raconte celui qui est également administrateur de la Confédération paysanne. J'ai opté pour une reconversion professionnelle pour aller au plus près de mes convictions, concrétiser un maximum mes idées. Avec le choix ultime d'être paysan."
C'est donc chose faite depuis sept ans. Il s'est tourné presque naturellement vers l'élevage de chèvres, en agriculture biologique. "C'était assez inné comme choix", confie-t-il. "J'ai trouvé mon lieu d'installation bien après avoir choisi de faire des chèvres. Mais je m'imaginais de toute façon dans des milieux un peu contraints. Les chèvres sont des animaux qui s'adaptent bien à des contraintes de relief et d'aridité". Parfait pour les terres pauvres où est installée son exploitation.
"L'impression d'être vraiment dans une transition climatique"
"Le changement climatique, j'en parlais il y a vingt ans mais on ne le vivait pas forcément. Là, on a l'impression d'être vraiment dans une transition climatique. Malheureusement, cette mauvaise évolution me conforte dans mes choix. Avec les canicules à répétition depuis trois ou quatre ans et la sécheresse prégnante, les chèvres ça se passe très bien. Elles valorisent vraiment bien les milieux secs."En comparaison des vaches par exemple, les chèvres ont besoin de bien moins d'eau. "Même si l'herbe est séchée, elles trouvent toujours des arbustes pour manger. Elles arrivent à faire du lait. Ce sont vraiment des animaux qui vont bien avec le milieu dans lequel je suis. J'ai essayé d'être cohérent dans mon système bio. Je mise beaucoup sur le pâturage, mes chèvres sortent sept ou huit mois de l'année. Même si j'ai des productions de foin très mauvaises, elles pâturent bien."
"Effectivement, ça contraste beaucoup avec l'élevage bovin, où les éleveurs sont dans des grosses galères. Et d'une année sur l'autre, l'histoire se répète malheureusement pour eux, où ils sont obligés de mettre du foin très tôt dans les près, et d'amener des quantités d'eau folles pour que les bêtes puissent boire. Je n'ai pas ces problèmes là."
Selon lui, il faudrait revoir en profondeur le mode de production pour l'adapter aux nouvelles contraintes. "Pour que ce soit viable économiquement, il faut apporter de la valeur ajoutée. Et donc passer sur de la qualité, de la vente directe, de la transformation à la ferme". C'est le modèle qu'a choisi Thomas Maurice quand il s'est installé.
Avant, l'agriculture s'imposait sur tous les territoires de manière un peu standard. En fait, on se rend compte que la nature est plus forte que nous. C'est à nous de nous adapter et donc de bien réfléchir au système agricole que l'on veut mettre en place en fonction des territoires.
"Faire les bons choix"
Le changement climatique marque profondément les décisions de l'éleveur. "On est malgré tout une ferme récente, on se projette beaucoup sur le long-terme. Aujourd'hui, on a des choix à faire et il faut faire les bons choix par rapport à la suite. Par exemple, j'ai des envies de diversification. On peut se poser la question d'avoir quelques vaches laitières pour faire du fromage, mais en même temps je me dis que ce n'est peut-être pas le bon plan. Avec les sécheresses qu'on connaît, ce n'est pas engageant. Aujourd'hui, la dimension sécheresse à répétition est complètement intégrée dans nos réflexions.""L'eau va devenir le nerf de la guerre. Cela va devenir de l'or. Elle est précieuse et il faut qu'on l'économise, qu'on la valorise au mieux." Une question encore plus prégnante alors que sa compagne, Lorette Vugier, s'est lancée cette année dans la culture de plantes aromatiques à la ferme. Pour être plus autonome, le couple envisage de construire un bassin d'orage pour stocker les eaux de pluie, mais cela représente un investissement important.
La ressource en eau n'est pas infinie. Elle ne l'a jamais été mais elle l'est encore moins aujourd'hui. On en a de plus en plus conscience.
Dès son installation en 2013, Thomas Maurice a fait des choix tranchés. Il s'étonne donc des projets qui ne prennent pas suffisamment en compte à ses yeux le changement climatique. "Je trouve dingue qu'aujourd'hui, il y ait des installations qui restent sur le système actuel, notamment en élevage bovin allaitant, sans prendre en compte les limites qu'on voit aujourd'hui."
Il faut vraiment réfléchir sur le fond, sur la viabilité des projets. Bien sûr, il y a des possibilités de limiter la casse. Aujourd'hui, on peut faire des rétentions d'eau mais ça reste des rustines à mon sens. Ce n'est pas ces outils qui vont faire qu'on va résister sur la durée. Il faut vraiment qu'on ait des systèmes adaptés au nouveau contexte et aux territoires.
Le gouvernement présentera à la rentrée un plan de relance tourné vers le changement climatique, qui doit également concerner le monde agricole . Thomas Maurice espère qu'il en sortira des mesures positives pour l'agriculture, mais il n'en est pas certain. "Là où j'ai une crainte, c'est que ce soit un peu gaspillé à proposer des investissements un peu à tord et à travers pour maintenir des systèmes qui sont aux abois. Je pense qu'il faut vraiment changer de logiciel et qu'on pense l'agriculture différemment. Il faudra du courage politique pour ça."