Alors que les Etats-Unis sont en passe de devenir le nouvel épicentre de la pandémie de Covid-19, des Comtois établis à New York nous racontent leur quotidien bouleversé par le confinement. Ils partagent leur vision sur la gestion de la crise de l'autre côté de l'Atlantique.
Des grandes avenues vides, des centres commerciaux déserts, des parcs sans âme qui vive, la grosse pomme a des allures de ville fantôme. Yohann Cuynet, jurassien originaire de Poligny, vit dans le coeur économique de New York, à Manhattan. "Ce qui est le plus frappant c'est l'absence totale de trafic routier, les grosses artères sont totalement vides". En charge de l'administration du service culturel à l'ambassade de France, depuis plusieurs semaines il télétravaille et s'occupe de ses enfants de 7 et 5 ans, eux aussi confinés.
On ne s'attendait pas à une crise d'une telle ampleur
La première puissance mondiale se rapproche des pays les plus endeuillés. Devenu l'épicentre de la pandémie, aux Etats-Unis ces dernières 24 heures, près de 2 000 personnes contaminées par le Covid-19 sont mortes. Une progression dramatique qui porte à 12.722 le nombre total de décès recensés. La mégalopole de la côte Est est frappée de plein fouet. L’État de New York est le principal foyer de l'épidémie aux Etats-Unis. Avec près de 5 500 morts et 140 000 cas, la capitale économique du pays est aujourd'hui quasiment à l'arrêt. "Nous savions que New York serait sévèrement touché, il y a énormément de passages et d'échanges dans cette ville... Par contre le nombre de décès ces derniers jours est assez impressionnant. On ne s'attendait pas à une crise d'une telle ampleur", déplore Yohann Cuynet.
Un imposant navire-hôpital militaire en renfort à New York
Installé depuis 2016 à New York, le trentenaire est bien conscient que le plus dur reste à venir. "Vendredi 3 avril, nous avons reçu une alerte sur nos smartphones demandant aux personnes qui ont une formation dans le domaine de la santé de contacter la mairie au plus vite", explique-t-il. "Le système de santé est en souffrance. En déployant un immense bateau-hôpital de la US Navy à New York pour désengorger les hôpitaux, la Maison blanche pensait rassurer les habitants, mais je crois que cela a plutôt effrayé les gens". Comme de nombreux autres États américains, New York manque de matériel, de respirateurs en particulier, ses hôpitaux sont saturés et le personnel médical en sous-effectif pour gérer l’afflux de malades.
Benjamin et Laura se rassurent en constatant le lancement d'une vaste campagne de dépistage. Le Président Donald Trump s'est vanté "d'effectuer plus de tests que n'importe quel autre pays dans le monde", avec quelque 1,8 million de tests conduits à ce jour. Dans un pays qui compte plus de 320 millions d'habitants, la proportion reste faible. Benjamin et Laura, 30 ans, vivent à une trentaine de kilomètres de New York, dans l'Etat du New Jersey. Tous deux sont originaires du Nord Franche-Comté et installés aux Etats-Unis depuis 6 ans. Eux aussi sont confinés depuis près d'un mois avec leur petite fille de deux ans. "Pour le moment, le confinement n'est pas obligatoire. Il est fortement recommandé mais pas obligatoire. Les écoles et crèches sont fermées depuis trois semaines. Particulièrement prudents, depuis déjà plusieurs semaines, les Américains ont décidé de rester chez eux, d'eux-mêmes", explique le couple.
Les plus exposés sont les plus vulnérables
Si le confinement semble fonctionner, cela s'explique notamment par la faiblesse de la couverture maladie aux Etats-Unis. "Les Américains ne prennent aucun risque car les hospitalisations et les traitements coûtent très chers". Benjamin travaille au coeur de Manhattan, responsable du service clientèle dans une agence immobilière, très tôt, bien avant les premières mesures de confinement, son entreprise a préconisé le télétravail pour tous les salariés. Quant à Laura, elle continue à se rendre à l'hôpital, au laboratoire de recherche contre le cancer où elle exerce. Tous deux s'estiment chanceux, bénéficiant d'une situation sociale confortable qui leur permet notamment de bénéficier d'une assurance maladie.
Beaucoup d'Américains ont perdu leur emploi
Les plus exposés sont les plus vulnérables. "Il y a peu de sécurité d'emploi ici et les protections sociales sont faibles, ceux qui n'ont d'autre choix que de continuer à travailler sont obligés de sortir tous les jours au péril de leur vie", déplore Yohann. En effet, les conséquences sociales du confinement sont désastreuses. "Beaucoup d'Américains ont perdu leur emploi" ajoute Benjamin Perez. En l'espace d'une semaine, 6,65 millions d’Américains se sont inscrits au chômage. Un nombre sidérant qui s'explique en partie par l’élargissement récent des critères d’accès. Reste que les Etats-Unis comme de nombreux pays du monde, traverse une crise économique sans précédent.
Tout le monde a été pris de court par cette crise santaire et a réagi trop tard
De l'autre côté de l'Atlantique, la pandémie n'a pas été prise au sérieux suffisamment tôt par le gouvernement fédéral. C'est le sentiment que partagent les trois expatriés francs-comtois. "Tout le monde a été pris de court par cette crise, et tout le monde a réagi trop tard, en Europe comme aux USA", affirme Laura Perez. Donald Trump a par exemple renoncé, le 28 mars, à placer en quarantaine les États de New York et du New Jersey pourtant déjà durement touchés. Avec trois niveaux de décision (fédéral, étatique, municipal), les consignes sont parfois confuses voire contradictoires dans le pays. Une cacophonie qui explique la gestion plutôt erratique de la crise par le pays de l'Oncle Sam. Le couple finit par conclure : "si le confinement avait été mis en place plus tôt à l'échelle mondiale, nous n'en serions pas là".