Tempête de 1999 en Franche-Comté : quelles leçons en tirer en matière de gestion forestière ?

Quatre millions de m3 de bois, résineux et feuillus sont tombés au sol entre le 26 et le 28 décembre 1999. 20 ans après, cette catastrophe a-t-elle apporté des enseignements ? 

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Le monde forestier n’a rien oublié de ces terribles coups de vent qui se succèdent sur la France au lendemain de Noël 1999, quelques jours avant de basculer à l’an 2000. « Je voyais depuis chez moi les sapins tomber comme des allumettes » se souvient Claude Jacquemin-Verguet, maire des Longevilles Mont d’Or dans le Haut-Doubs.
 


Trois tempêtes ont meurtri en quelques heures les forêts de Franche-Comté


La première perturbation arrive le soir de Noël. Le 25 en début d’après-midi, les vents sont déjà forts et soufflent entre 76 et 122 km/h sur le Doubs. Une pointe à 112 km/h est enregistrée à Lons-le-Saunier dans le Jura.

Le 26 décembre, la plus forte tempête baptisée Lothar balaie tous les départements dans la matinée avec des vents de 130 km/h à Arbois, 137 km/h à Vesoul,  151 km/h à Métabief.

Et ce n’est pas terminé. Dans la nuit du 27 au 28 décembre, une nouvelle tempête Martin, touche encore le Doubs, le Jura et le pays de Gray en Haute-Saône, avec des vents dépassant, par endroits, les 100 km/h. Cette dernière tempête sur des bois déjà fragilisés va occasionner le plus de dégâts. Dans le Haut-Doubs, le triangle Frasne – Bonnevaux - Mignovillard est le plus touché. La tempête décime aussi le canton de Clairvaux dans le Jura et le pied des Vosges. 

 

Les résineux seront les plus touchés par la tempête


En Franche-Comté, les dégâts causés par Lothar et Martin s’avèrent colossaux. 4 millions de m3 de bois sont au sol. 2,2 millions de m3 dans les forêts publiques, 1,8 million dans les forêts privées. 
Les résineux sont les plus  touchés avec près 3 millions de m3 à terre, les feuillus ont souffert eux aussi. 1 million de m3 de chablis sont fauchés fin décembre 1999.
 

 

Lecon n°1 : Laisser faire la nature et changer les modes de sylviculture

 

"La tempête de 1999 a bouleversé tous les forestiers sur le plan émotionnel et sur le plan technique aussi" explique François Chanal, responsable de l'unité territoriale de l'ONF de Labergement-Sainte-Marie dans le Doubs. "Le fait de voir tous ces arbres renversés nous a interpellé sur la sylviculture qu'on menait. On a été obligés de réfléchir à une autre sylviculture car ce phénomène de tempête pouvait se renouveler. La monoculture trop orientée vers les résineux a montré ses limites" ajoute le forestier.

Ne rien replanter. Laisser la forêt s'auto-génère naturellement. C'est le choix qui a été fait il y a 20 ans. "Dès l'instant où on a suffisamment de lumière, le semis naturel commence à lever. Et il lève sous la protection des grands arbres. Quand il y a un phénomène de tempête, les semis se débrouillent et ils se sont pas si mal débrouillés que cela" lance François Chanal en regardant une parcelle de son secteur. 

"On a 20 ans après, une diversité d'essences qui s'est installée, du sapin, des hêtres, de l'épica, du saule, du noisetier, sorbier, alisier... le reboisement s'est fait complètement naturellement. Nous sommes intervenus ponctuellement avec des travaux d'accompagnement, de dosage des essences pour avoir la bonne proportion de sapins, de saules, de noisetiers... tout ce mélange est plus favorable à la biodiversité" conclut François Chanal. 

« Après la tempête, l’ONF préconisait de laisser faire la nature. Cela n’a pas trop mal marché dans l’ensemble. Il y a eu de la régénération naturelle. Par endroits, oui, il a fallu refaire des plantations » résume Xavier Lacroix. « Les sapins qui avaient commencé à pousser naturellement en 1999 font aujourd’hui 10 à 15 mètres de haut » estime Xavier Lacroix, de l'association des communes forestières du Doubs.

 


 

Leçon n°2 : la futaie jardinée meilleure alliée en cas de tempête 


Selon Xavier Lacroix, membre du bureau des communes forestières du Doubs et ancien fonctionnaire à la DRAF, les forêts exploitées en mélange d'essences ou futaie jardinée ont mieux résisté à la tempête. Dans la futaie jardinée, on trouve des arbres de tous types, feuillus ou résineux. De toutes tailles aussi. Le forestier procède à des coupes, mais la forêt conserve toujours le même aspect avec des arbres de tous les âges.
Au contraire, les futaies régulières semblent avoir moins résisté aux coups de vent de 1999. Ces futaies régulières ont pour but d’avoir des arbres de même gabarit.
 



Leçon n°3 : ne plus garder sur pied des arbres trop vieux

 

En matière de sylviculture, la tempête de 1999 a permis de mieux connaître le comportement des forêts en cas de forts coups de vent. « Les forestiers ont appris que c’était toujours délicat, dangereux et risqué de conserver des peuplements vieillissants » explique Xavier Lacroix. Les arbres les plus âgés ont, en effet, été mis à terre par Lothar et Martin. « C’est une incitation claire en matière de gestion forestière à ne pas conserver ces grands arbres » estime-t-il. 


Leçon n°4 : les lisières de forêt vues autrement

Autre leçon de la tempête, une autre approche des lisières des parcelles forestières. « On évitait de dégarnir trop les lisières en y laissant des arbres forts, pour assurer la solidité de la forêt, mais on a constaté que si ces arbres avaient résisté à la tempête, leur présence avait crée un tourbillon endommageant le cœur de la forêt » explique Xavier Lacroix présent sur les sites dévastés dès le lendemain de la tempête. 

En ULM, quelques jours plus tard, il a pu constater l’étendue des dégâts et la façon dont les coupes ont été meurtries par des vents à plus de 100 km/h.


Une question subsiste : fallait-il conserver les aires de stockage ?


Rapidement, après la tempête, des aires de stockage vont voir le jour en Franche-Comté. Que faire de tout ce bois tombé et qui ne trouvera pas sa place sur un marché saturé par la tempête ? ONF, communes, scieurs parviennent non sans mal à se mettre d’accord sur la création de 16 aires de stockage. Les bois y sont surveillés, arrosés. Certains chablis y resteront quatre ans avant d’être vendus. 

Xavier Lacroix, membre du bureau des communes forestières du Doubs et ancien fonctionnaire à la DRAF, la direction régionale de l'agriculture et des forêts a vécu cette période de la tempête. « Avec ces aires de stockage, nous avons choisi à l’époque la bonne solution, on a réussi à limiter la baisse de cours » explique-t-il. 

Selon lui, il a été question un moment de conserver quelques-unes de ces aires de stockage en cas de nouvelles tempêtes. « Il aurait fallu trouver un maître d’ouvrage collectif… Certains redoutaient que les scieurs utilisent ces aires de stockage pour jouer sur les cours du bois hors période de tempête » confie-t-il. Finalement, les aires de stockage n’ont pas été conservées, regrette l’ancien fonctionnaire. Celle d’Arçon a même été transformée en stade de biathlon !


 

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