"Accusée pour des choses que je n'ai pas faites" : la directrice du foyer Epona, fermé définitivement pour "dysfonctionnements graves", se défend

Le 2 octobre 2024, le foyer d'accueil d'adolescents Epona, situé à Fontaine (Territoire de Belfort), fermait définitivement ses portes. La raison : des "dysfonctionnements graves" mettant en "danger immédiat" ses pensionnaires. Pour la première fois depuis la fermeture, la directrice Audrey Lehmann prend la parole pour se défendre, aux côtés de son avocat.

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"Le moment est venu de s’expliquer." Un mois et demi après la fermeture du foyer d’accueil d’adolescents Epona, le 2 octobre dernier, sur décision du département, Audrey Lehmann, directrice de la structure, prend la parole pour la première fois. En guise de porte-parole, son avocat, Me Alain Jakubowicz. Avec un angle d'attaque : l’absence de véracité des faits évoqués dans l’arrêté de fermeture.

Objectif du jour : montrer et démontrer, très factuellement, avec les preuves empilées dans un dossier, le caractère mensonger de l’arrêté ordonnant la fermeture du foyer. "L’objet n’est pas de dire qu’elle est parfaite. Mais de montrer que l’arrêté de fermeture est scandaleux. La moindre des choses est de ne pas s’appuyer sur des lettres anonymes et de vérifier les faits", poursuit-il.

Sabordage politique

Première attaque contre Florian Bouquet, président du conseil départemental du Territoire de Belfort. Pour Me Jakubowicz, avant la nomination de Florian Bouquet en 2015, tout allait bien à Epona. "Entre 2001 et 2015, c’est une période de quiétude et d’apaisement. Sur cette période, est-ce que vous avez entendu parler du foyer en mal ?", interroge-t-il. Il distingue après cela une dégradation de la situation. "Volonté de changement politique de 2015 à 2017, sabordage d’Epona de 2017 à 2024. Mise à mort d’Epona à l’été 2024."

Durant sa prise de parole, Me Jakubowicz ne mâche pas ses mots et prend Florian Bouquet comme unique responsable de cette situation. "Dès son arrivée, on sent que sa volonté est d’en finir avec Epona. On ne fait pas de procès d’intention, mais on constate qu’à son arrivée, il y a eu 14 contrôles de tous les services possibles et imaginables. Et aucun ne démontre un quelconque dysfonctionnement. Pour moi, ça s’appelle un acharnement", martèle-t-il.

Me Jakubowicz va ensuite reprendre, point par point, l’arrêté 2024-1732 ordonnant la fermeture du foyer, dans lequel le département dénonce "un certain nombre de dysfonctionnements graves qui mettent manifestement en danger immédiat la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des enfants accueillis".

"Avant de fermer, on va vérifier si le possible est réel"

D’abord, l’avocat regrette que "personne n’a cherché à savoir si les faits dénoncés dans les lettres anonymes sont vrais". Il évoque ensuite la recrudescence des faits de fugues : 34 en 2022, 36 en 2023 et 8 sur le premier trimestre 2024. "Il n’y a rien d’alarmant, il n’y a pas de recrudescence, assure-t-il avant de poursuivre.

"Il y a bien eu des fugues, mais pas plus que dans d’autres foyers", avait déclaré la procureure de la République. Et surtout, c’est une jeune fille qui fugue du domicile de ses parents, pas de la maison des adolescents. Personne ne s’est intéressé à ces fugues !" fustige-t-il. Il détaille qu’en 2023, sur 23 fugues – le vrai chiffre selon lui – sept concernent la même personne et neuf sont faites depuis l’association. "Où est le scandale ? argue-t-il. "Ce n’est pas un motif de fermeture".

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Après les fugues, place au danger que représenteraient pour les enfants les agressions sexuelles dénoncées dans l'arrêté de fermeture.

Il y a un possible fait d’agression. Les bras m’en tombent. Avant de fermer, on va quand même vérifier si le possible est réel ! C’est très grave.

Me Jakubowicz

Il souligne que la jeune fille qui serait la victime "est une affabulatrice. Le jeune homme qu’elle dénonce n’était même pas à Epona le jour de l’agression, il était chez ses parents", assure Me Jakubowicz, avant d’ajouter que les déclarations de la victime sont contradictoires. "C’est un public particulier, on n’est pas dans Metoo et dans la parole de la femme. On est sur une gamine qui est dans une situation psychologique terrifiante, et ce n’est pas parce qu’elle dit quelque chose que c’est vrai. Objectivement, c’est faux, il n’y a même pas de plainte ni de suites pénales".

"Le calcul est volontairement faux"

Considérant les deux signalements émis le 23 août 2024 faisant état d’une dégradation supplémentaire de la situation à la suite d’un incendie "déclenché par des mineurs au sein de la structure" avec "l’impossibilité pour les professionnels d’utiliser un extincteur qui se trouvait sous clé et de la détresse des mineurs pris en charge", l’avocat assure avoir en sa possession une lettre du SDIS de Belfort déclarant qu’il s’agissait d’un "feu extérieur/friche/haie".

"Il y a eu deux flammes, c’est un sapin qui brûle" lâche-t-il avant de poursuivre sur un film et des photos sur lesquels un éducateur sort éteindre le départ de feu avec un extincteur. "Mais la présidence du conseil départemental n’a rien", ironise-t-il.

Il ajoute le "mensonge volontaire" concernant le nombre d’enfants accueillis sur la structure. Dans l’arrêté motivant la fermeture, il est indiqué que le nombre d’enfants pris en charge est supérieur à celui prévu par l’autorisation, à savoir 22 enfants au lieu de 12.

"Le calcul est volontairement faux", dit-il, expliquant que pour la maison des adolescents, il y a bien 12 autorisations, mais qu'en septembre 2024, il n’y avait que neuf enfants accueillis à Epona. À cela s’ajoutaient "les enfants du répit" justifie l'avocat, une structure adossée à Epona, qui accueillait des enfants de façon séquentielle. "On n’a jamais dépassé. Cette situation est totalement scandaleuse."

"Je souhaite ne pas être accusée pour des choses que je n'ai pas faites"

Après avoir terminé d’énumérer ces exemples, assurant qu’il en avait beaucoup d’autres, Me Jakubowicz évoque une évaluation extérieure déposée en juin dernier et ne relevant aucun dysfonctionnement. "À Epona, ce n’est pas la perfection et ça en est loin. On a des énormes problèmes" admet-il, évoquant la mise à pied "d’un type qui n’aurait jamais dû mettre un pied à Epona, un danger public. On a commis l’erreur de l’engager. Et comme par hasard, les premières dénonciations arrivent juste après".

Avant de clore sa prise de parole, Me Jakubowicz évoque l’état dans lequel il a rencontré Audrey Lehmann, ex-directrice de l'établissement. 

Elle était incapable d’aligner deux mots, elle était sous cacheton. C’est toute sa vie qu’on a foutu en l’air. Pourtant, c’est elle qui a sauvé ces gamins. Elle n’accepte pas et elle va se battre.

Me Jakubowicz

"Aujourd’hui, on remet l’église au milieu du village. Epona est mort, mais on ne tuera pas Audrey Lehmann", lâche-t-il en guise de point final. Pour la première fois, la directrice de la structure prend la parole. "Si j’avais un souhait, c’est que l’ensemble des gamins soit pris en charge correctement et qu’ils puissent continuer sereinement", lâche-t-elle.

Pourtant, aujourd'hui, une chose est sûre : elle ne souhaite plus jamais faire ce métier. "Je ne demande pas le retour d’Epona, juste être tranquille et ne pas être accusée pour des choses que je n’ai pas faites. Je suis très abîmée" explique-t-elle, précisant avoir reçu des appels malveillants chez elle, des lettres anonymes, et que son fils subit les conséquences de cela dans la cour de récréation.

Pour Florian Bouquet, une fermeture décidée "de manière juste"

Interrogé par France 3 Franche-Comté suite aux propos de Me Jakubowicz et de Mme Lehmann, Florian Bouquet, président du conseil départemental du Territoire de Belfort, indique que "les décisions ont été prises de manière juste, les choses étaient caractérisées".

Il ne faut pas croire que c’est l’arbitraire, la brutalité. J’ai confiance en l’administrateur provisoire. Il y avait suffisamment de faits qui nous permettaient de prendre cette orientation. Après, je peux comprendre que ce soit un petit peu un sentiment d’échec.

Florian Bouquet,

président du conseil départemental du Territoire de Belfort

Pour lui, "l’acharnement peut être une stratégie de défense". Si attaque en justice devait y avoir, il se dit serein : "l’administrateur provisoire sait de quoi il parle. Il a vu, il était à l’intérieur des murs. Il pourra aussi retranscrire avec sincérité et fiabilité ce qu’il a vu, entendu".

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