Mercredi 2 octobre, le foyer d'accueil d'adolescents Epona, placé sous administration provisoire après plusieurs plaintes et une enquête judiciaire, a fermé ses portes sur décisions du département. En cause : des "dysfonctionnements graves" mettant en "danger immédiat" ses pensionnaires. Une association lilloise doit reprendre la structure.
Ce n'était plus qu'une question de jour. Depuis plusieurs mois, le foyer Epona, structure accueillant des enfants et adolescents en difficulté de 12 à 18 ans à Fontaine (Territoire de Belfort) était en sursis en raison d'un fonctionnement interne dysfonctionnel. Le 2 septembre 2024, l'établissement était placé sous administration provisoire après une enquête de justice pour "harcèlement moral" et "travail dissimulé" qui faisait suite à plusieurs plaintes du personnel et à plusieurs signalements internes.
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Ce 2 octobre, nous révélions pour la première fois le témoignage d'adolescents pensionnaires du foyer. Violences, mauvais traitements, agressions sexuelles... Leur récit glaçant confirmait les soupçons de manquements graves. Quelques heures plus tard, en fin d'après-midi, le conseil départemental du Territoire de Belfort annonçait la cessation définitive de l'activité du foyer, un jour avant la publication d'un rapport sur l'état de la structure.
De multiples dysfonctionnements
Dans l'arrêté préfectoral 2024-1732 notifiant cette décision, le département pointe notamment "un certain nombre de dysfonctionnements graves qui mettent manifestement en danger immédiat la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des enfants accueillis". De plus, on apprend que le nombre d'enfants pris en charge était de 22 en août 2024, "au lieu des 12 autorisés en internat soit une augmentation de plus de 83% de la capacité initiale sans en avoir informé le Département".
L'administrateur provisoire a aussi découvert "l'absence de près d'un tiers des professionnels de l'établissement en raison d'arrêts maladie et de congés dont toute l'équipe de direction [...] mais aussi la psychologue, la référente médicale, plusieurs éducateurs et veilleurs de nuit". La conséquence : "une inadéquation grave entre les moyens en personnel et l'activité de l'établissement au regard notamment du nombre supérieur de mineurs pris effectivement" pouvant porter atteinte à la prise en charge des enfants.
L'alerte avait été donnée après un grand nombre de fugues
Dans le détail, cet arrêté nous apprend que la première alerte a été donnée par la gendarmerie de Belfort en mars 2024. Les forces de l'ordre s'inquiétaient du nombre de fugues : "34 en 2022, 36 en 2023 et 8 sur le premier trimestre 2024".
Ont suivi un déferlement de signalements : 14, entre mai et août 2024. Dans ces derniers, des faits particulièrement inquiétants dont voici une liste non exhaustives : "recours à des professionnels non diplômés et/ou expérimentés", "pratiques éducatives inadaptées", "possibles faits d'agression sexuelle et de violence à l'encontre d'une mineure par un autre jeune [...] dissimulés par la direction de la structure"(28.06/24).
Agressions sexuelles dissimulées et risques de suicide
Le signalement du 22 août fait état de "mauvaise gestion des prescriptions médicamenteuses des enfants confiés". Celui du lendemain révèle un "incendie déclenché par des mineurs au sein de la structure". Le 26 août, un signalement reçu dénonce des "violences par un professionnel sur un mineur pris en charge". Le 27 août, "détresse des enfants" et "un risque de passage à l'acte de certains d'entre eux".
Le 28 août, un nouveau signalement rapporte plusieurs faits : "la contrainte faite par deux mineurs de 14 et 15 ans sur un autre mineur de 12 ans pris en charge par l'établissement de réaliser des actes sexuels sur l'un d'eux et le souhait de la direction de dissimuler lesdits faits", "une mauvaise gestion des prescriptions médicamenteuses des enfants par un professionnel non diplômé qui utiliserait la même pipette pour différents traitements et qui oublierait le nombre de gouttes utilisées".
Une association lilloise chargée de prendre la suite
Pour toutes ces raisons, le conseil départemental avait décidé de placer le foyer sous administration provisoire le 2 septembre 2024. Avant de notifier la cessation d'activité un mois plus tard. Dans un second arrêté publié ce 2 octobre, le conseil départemental annonce que l'autorisation accordée à Epona en 2017 "est transférée à l'Association ALEFPA", dont le siège est à Lille.
Il incombe à l'Association ALEFPA d'organiser le transfert des dossiers des personnes accueillies afin de garantir la continuité de leur prise en charge.
extrait de l'arrêté 2024-1733 du conseil départemental du Territoire de Belfort
Ce transfert prend effet dès ce 2 octobre 2024 "compte tenu de la nécessité de garantir la prise en charge dans les meilleures conditions des mineurs accueillis par la structure". Pour être clair, la fermeture officielle aura lieu vendredi 4 octobre.
Où s'établira désormais le foyer ? Selon le département, les jeunes qui le souhaitent pourront être transférés dans de nouveaux locaux, au centre d'hébergement de la base nautique du Malsaucy. Les salariés pourront également s'engager avec le groupe ALEFPA, qui devra "régulariser la situation de la structure au regard du nombre de mineurs accueillis [...] dans un délai de 30 jours" conclut le département.