L’équipe de Ian Boucard avait distribué des « faux tracts » entre les deux tours des élections législatives de 2017. Ian Boucard risquait l’inéligibilité. Son procès en appel à Besançon devait se tenir ce jeudi 15 septembre, mais il n’aura finalement pas lieu. Explications.
Comme l’ensemble de la presse régionale, France 3 Franche-Comté avait prévu de couvrir l’audience prévue ce jour devant la chambre des appels correctionnels. Nous avons appris à la veille du procès par le biais de la justice, que “le parquet général a décidé de se désister de son appel, et consécutivement Monsieur Ian Boucard a décidé d’en faire de même. L’affaire sera donc évoquée en début d’audience à 13h30 mais seulement pour constater ce désistement.” Cela signifie donc que le "parquet général", nom donné aux services que dirige le Procureur général soit dans une Cour d'appel soit auprès la Cour de Cassation, abandonne son appel.
Pour quelles raisons dans ce dossier qui concerne un élu de la République élu par les électeurs en 2017(invalidation), 2018 puis 2022 ? Contacté, le Procureur général n’a pas pour l’instant répondu à notre sollicitation.
Contacté ce jeudi matin, Ian Boucard ne souhaitait pas faire de commentaires de son côté sur cette annonce. Il reste condamné à 7500 euros d'amende, peine prononcée en première instance.
"C'est complètement incompréhensible"
Christophe Grudler, adversaire de Ian Boucard, n'a pas caché sa surprise. Son avocat a réagi au micro de notre journaliste Emilien Dias. "On a un désistement du parquet général sur un appel du procureur de la République. Ce désistement est assez singulier. En 22 ans de carrière je n'ai jamais eu ce type de configuration. Ce désistement a des conséquences relativement gravissimes. Monsieur Boucard est définitivement condamné pour avoir commis une fraude et il va pouvoir voter la loi et demander aux citoyens de respecter la loi alors que lui même enfreint la loi et la viole. C'est complètement incompréhensible. Je ne comprends pas que le parquet général se désiste sans donner aucune explication. Dans une république démocratique, les magistrats sont comptables de la façon dont ils rendent la justice" a expliqué Me Randall Schwerdorffer, avocat de Christophe Grudler.
Comment ne pas comprendre que certaines personnes se désintéressent du vote, n'appliquent pas les loi si les députés ne les appliquent pas et si la justice française ne fait pas en sorte et ne veille pas à ce que les personnes qui violent la loi soient sévèrement condamnés.
Me Randall Schwerdorffer, avocat de Ian Boucard
Est-ce le point final d’une affaire politico-judiciaire qui dure depuis cinq ans ? Rappel des faits
En 2017, entre les deux tours de l’élection législative de la 2e circonscription du Territoire de Belfort, des tracts, attribués, faussement, à la France Insoumise et au Rassemblement National, sont distribués par l’équipe de Ian Boucard. Les 25.000 tracts appellent à voter contre l’adversaire du Républicain, à savoir Christophe Grudler du MoDem et soutien de la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron. Jamais LFI et le RN n’ont imprimé ces documents.
Après une plainte de Christophe Grudler, le conseil constitutionnel invalide en décembre 2017 l’élection qui s’était jouée à quelques centaines de voix près : Ian Boucard, les Républicains, avait été élu en 2017 avec 279 voix d’avance seulement. Le conseil constitutionnel a estimé que "cette manœuvre [était] de nature à avoir créé une confusion dans l’esprit d’une partie des électeurs et à avoir influé sur le résultat du scrutin, eu égard à l’ampleur de la diffusion tardives de ces tracts, imprimés à 10 000 et 15 000 exemplaires respectivement, ainsi qu’au faible écart de voix séparant les deux candidats du second tour".
Un nouveau scrutin est organisé. Les électeurs doivent à nouveau départager les candidats dans les urnes. En janvier 2018, Ian Boucard (LR) est réélu plus largement mais avec beaucoup moins de votants, et 58,93% des voix au second tour.
Du côté de la justice, le parquet de Belfort, chargé du dossier, demande pour la « sérénité des débats », le dépaysement de celui-ci à Besançon.
Plusieurs procès à Besançon
Ian Boucard est poursuivi pour "manœuvres frauduleuses ayant entaché la sincérité du scrutin."
Devant la justice, en juin 2020, en première instance, la chambre correctionnelle de Besançon reconnaît Ian Boucard coupable de "détournement de suffrages d’électeurs par manœuvre frauduleuse". Sa condamnation : une amende de 7500 €. Mais le procureur de la République fait appel de cette décision : il a requis contre le prévenu 5 000 euros d’amende mais surtout trois ans d’inéligibilité. Il estime que "La démocratie est abîmée… La peine n’est pas adaptée à la gravité des faits".
Un premier procès est programmé devant la cour d’appel, puis repoussé, suite à l’encombrement de la justice, puis repoussé une nouvelle fois à cause de la proximité avec les élections législatives de juin 2022.
L’audience en appel à Besançon avait finalement été décalée à ce jeudi 15 septembre. Ian Boucard, réélu une nouvelle fois en juin 2022 est toujours député du Territoire de Belfort et conseiller départemental, sous la bannière des Républicains.