Les musiciens casqués, ambassadeurs de la « French Touch » ont mis fin à leur carrière dans une vidéo. Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem Christo ont réalisé deux remarquables passages aux Eurockéennes de Belfort en 1996 et en 2006. Kem Lalot, programmateur du festival, raconte ses souvenirs.
Dans un décor désertique, deux robots marchent lentement, l’un vers l’autre. Une scène remplie de silence, où l’un des deux protagonistes décide de s’autodétruire. Ce qui pourrait s’apparenter à un mauvais film de science-fiction est en fait une annonce solennelle : après 28 ans de carrière, les Daft Punk prennent leur retraite. La vidéo « Epilogue », qui dure 8 minutes, s’accompagne de leur titre « Touch », issu de l’album Random Access Memories (2013).
Les Eurocks, une des premières grandes scènes des Daft Punk
Samedi 6 juillet 1996. Jour de pluie au Malsaucy. Il fait nuit, et la boue habille la plupart des spectateurs. Sur la scène, deux musiciens débarquent, à visage découvert : les « Daft Punk », ou punks idiots en bon français. Le duo se révèle être une claque électro. C’était un an avant la sortie de leur album « Homework » (1997) et de l’hymne de la French Touch « Around the world ».
« Les Daft Punk n’apparaissaient même pas sur la liste des artistes ! C’était une soirée donnée par leur label de l’époque ‘‘Source’’ », se souvient Kem Lalot. A l’époque, le passionné de musique n’était pas encore programmateur des Eurockéennes, et comme presque tous les spectateurs, il a découvert les deux musiciens en 1996. C’étaient les balbutiements de la musique électronique. « Pas fan de techno », Kem Lalot trouve dans les Daft Punk un « son me correpondant beaucoup, quelque chose de différent, de très talentueux. » Moins d'une heure a donc suffi au duo électro pour convaincre tout un public.
En 2006, l’apogée et la pyramide
Les Daft Punk entament leur tournée européenne en 2006. Une date par pays. Et c’est la scène belfortaine qui est l’heureuse élue. Kem Lalot se remémore les échanges avec une certaine émotion : « Les Daft Punk sont très attentifs aux artistes avec qui ils partagent la scène, assure le programmateur. Quand le groupe nous a approchés, nous leur avons annoncé qu’il y avait les Strokes. Et ils étaient enthousiastes, ils nous ont répondus : ‘‘Okay très bien ! On est super fan, on jouera avec les Strokes alors !’’ »
Vendredi 30 juin 2006. Au niveau de la grande scène, de plus en plus de personnes s’affairent. « Je n’avais jamais vu une scène aussi pleine », se souvient Kem Lalot. Les spectateurs, fébriles, attendent l’arrivée des deux hommes casqués. Puis vient le compte à rebours : 10, 9, 8 … Une pyramide s’illumine. Tout le monde s’agite. « Une folie furieuse ! », pour le programmateur. Les Daft Punk débarquent, enfin. Pour beaucoup d’habitués des Eurocks, la vingtaine de titres composant le DJ Set reste mémorable.
C’est d’ailleurs le meilleur souvenir de Pedro Winter, compositeur de musique électro, et surtout manager des premières heures des Daft Punk : « C’était la première présentation en France du show avec la pyramide, raconte-t-il. Et c’est un show qui a changé la donne pour la musique électronique. Ou en tout cas, la façon de présenter la musique électronique sur scène et la capacité pour les artistes électroniques à pouvoir occuper une scène principale. »
En 2007, le groupe Daft Punk plante sa pyramide au festival des Eurockéennes de Belfort.
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L’envers du décor et les anecdotes
Kem Lalot a donc eu la chance de connaître les visages des Daft Punk. « C’est sûr que les masques leur donnent une certaine liberté », énonce-t-il. Des spectateurs les ont sans doute croisés sans leur casque aux Eurockéennes … « En 2006, au bar VIP, les deux musiciens ont retiré leurs casques pour boire de coups … sans se faire emmerder ! », raconte le programmateur. Bon nombre de journalistes cherchaient alors le duo mythique à cet endroit, en espérant obtenir une interview. « Mais les Daft Punk étaient venus avec leur ami, l’acteur Romain Duris, détaille le programmateur. Et c’était lui qui devait répondre aux questions des journalistes … alors que les deux musiciens se trouvaient juste deux ou trois mètres ! ».
Kem Lalot avoue regarder parfois avec ses collègues le live des Daft Punk, enregistré en 2006. Des prises brutes où on les entend faire leurs derniers ajustements : « alors Guy-Man [Guy-Manuel de Homem Christo], t’es prêt ? ». Pour le programmateur des Eurocks, il faut se méfier de cette annonce. Peut-être feront-ils une carrière solo ou se réinventeront-ils ? En tout cas, Kem l’espère : « Seul l’un des deux robots explose dans l’épilogue… Si les Daft Punk se poursuivent, sous une autre forme, les Eurockéennes seraient ravis de les recevoir ! »