On entend souvent parler des troubles dys, sans vraiment savoir ce qu'il en est, ni ce que cela implique. À travers des mises en situation avec Aurore Duchatelle, ergothérapeute à Belfort, vous allez pouvoir vous mettre dans la peau des personnes atteintes de ces troubles.
Il n’est pas impossible que l’un de vos proches vous dise qu’il est dyslexique, dysorthographique ou atteint d'un autre trouble dys. Cependant, ce n’est pas facile pour vous d’imaginer ce que cela implique pour lui, ni comment cela se manifeste.
Dans cet article, nous vous proposons de vous mettre dans la peau d’un dyslexique ou dysorthographique avec l’aide d’Aurore Duchatelle, ergothérapeute à Belfort (Territoire de Belfort) et membre de l'équipe ressource Pluradys 90.
Dys, qu'est-ce que c'est ?
Avant de commencer quelques mises en situations, revenons sur la définition des troubles dys. Selon la Fédération Française des dys, les troubles dys, aujourd'hui appelés troubles neurodéveloppementaux selon la nouvelle nomenclature, “sont des troubles cognitifs et comportementaux qui se manifestent pendant l’enfance et qui impliquent des difficultés significatives dans l’acquisition et l’exécution de fonctions intellectuelles, motrices, langagières et sociales spécifiques”.
Aurore Duchatelle les détaille. Il y a :
- Les troubles spécifiques des apprentissages : la dyslexie, dysorthographie, et la dyscalculie
- Les troubles développementaux de la parole et du langage : dysphasie
- Les troubles Développementaux de la coordination : dyspraxie
- Les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)
- Les troubles du spectre autistique
Dans la peau d'un dys
L'ergothérapeute précise qu’un enfant présente souvent plusieurs troubles. Ils peuvent avoir un impact sur l’adaptation à différents niveaux de la vie de l’enfant et de l’adulte, ont des conséquences sur le fonctionnement personnel, social, scolaire et professionnel.
Maintenant que vous avez plus de connaissances, c’est le moment de se mettre dans la peau d’une personne dys. Ces mises en situation, Aurore Duchatelle les faits pour sensibiliser les instituteurs et les parents.
Mise en situation n°1 : la dyslexie
Dans le texte suivant, les mots ne sont pas coupés au bon endroit. “Les textes seront "étrangement" présentés, afin que vous soyez en difficulté de décodage" explique Aurore Duchatelle. "Dites-vous qu’en réalité, ils sont correctement présentés, mais l’enfant dyslexique sera en difficulté pour les lire. Pour que vous-même soyez en difficulté, des leurres ont été introduits, mais le vocabulaire reste courant et les phrases bien construites" :
"Lal ut tev er slar éu s sit e
A l ar e nt ré ed esc las ses, jes aut ai sdej oi ea vecl es ga rço nse tlesf il lesd uqu art ier, d és ir eux de ca mm encerl es co ursq uico mb ler a ien tmo nes pritc urie uX."
Pas facile, n’est-ce pas ? Aurore Duchatelle explique que cette situation fait ressortir un temps de lecture plus long ainsi qu’une incompréhension. “C’est une charge cognitive supplémentaire. Ils doivent tout le temps relire pour comprendre. En classe s’ajoute aussi le regard des gens.”
Mise en situation n°2 : la dysorthographie
"Je veux allé au parck avc mes ami pour juer. On va prandre des sandwich et de l'odre. Mè, jé pa de sous, alors je vai demander à ma mère. Elle va surement dizi ke non. Mais jé espère ke elle va changé d'avis. Aprè le parck, on va allé au ciné pour regardé un film d'horreur, c'est trop bien sa. Je suis trop excité !"
Ce texte que vous venez de lire présente de nombreuses fautes d’orthographe et certains mots sont écrits en phonétique. À travers celui-ci, Aurore Duchatelle met en évidence la difficulté à automatiser l’orthographe. Les personnes concernées mettent alors plus de temps à écrire et ont une charge cognitive encore une fois plus importante.
L’impact est que bien souvent, les gens ont des difficultés à les relire. Cela peut avoir des conséquences dans la vie professionnelle. “Souvent, à travers ces mises en situation, la prise de conscience est grande. On ne se doute pas que lire ou écrire demande autant d’efforts”, rapporte l’ergothérapeute.
Mise en situation n°3 : la dysgraphie
Prenez la phrase précédente (mise en situation n°3), et écrivez-la avec votre main non dominante. C’est-à-dire que si vous êtes droitier, prenez votre main gauche. Vous constatez que ce n’est pas très bien écrit, et en plus, vous avez été plus lent et ça vous a pris plus de temps. Vous avez peut-être également ressenti une douleur dans la main et surtout, l’écriture n’est pas du tout automatisée. Voilà ce que vivent les personnes dysgraphiques.
Mise en situation n°4 : dyslexie et dysgraphie
Écrivez la phrase suivante : Muszę pisać szybko i dobrze. Avez-vous compris ce que vous avez écrit et lu ? À moins que vous ne connaissiez la langue, non. Cet exemple montre qu’un enfant dyslexique ne comprend pas ce qu’il écrit et ce qu’il lit. Et de ce fait, vous avez mis plus longtemps à écrire la phrase, car l’orthographe n’est pas automatisée.
Impact scolaire, professionnel et social
“On ne se rend pas forcément compte du temps que ça leur prend de lire ou d’écrire, ni la concentration que ça leur demande”, insiste Aurore Duchatelle. Pour illustrer une nouvelle fois ces mises en situation, elle compare : “lorsqu’on fait notre première heure de conduite, on arrive à gérer qu'une seule chose à la fois, et ça demande beaucoup d'attention. Un enfant qui a des troubles dyspraxiques, cette automatisation ne se fait pas. La planification des tâches est altérée et demande plus de temps d'apprentissage. Même chose pour l'écriture.” L’ergothérapeute insiste sur le fait qu’il y a une réflexion perpétuelle avec une fatigue très importante.
C’est comme si on nous demandait de faire quelque chose qu'on ne comprend pas et qu'on ne sait pas faire. Ça demande trois fois plus d’efforts et il y a une charge cognitive supplémentaire qui fatigue.
Aurore Duchatelle, ergothérapeute à Belfort
Les troubles neurodéveloppementaux ne disparaissent pas. “On apprend à l’enfant à compenser d’une autre manière et à s’adapter en essayant d’aménager son environnement", souligne Aurore Duchatelle. En France, il est estimé que 6 à 8 % de la population présente des troubles dys.
Parmi eux, environ 4 à 5 % des élèves d'une classe d'âge sont dyslexiques, 3 % sont dyspraxiques et 2 % sont dysphasiques. Cependant, aucune étude rigoureuse n’a permis de fournir un chiffre précis concernant l'ensemble des troubles dys dans le pays. À l'occasion de la semaine des Dys, l'association Pluradys propose des ateliers pour sensibiliser aux troubles neuro développementaux.