Atteinte de troubles de l’apprentissage, véritable handicap invisible, cette étudiante s'est battue pour exercer le métier de ses rêves. Aujourd'hui, elle souhaite rassurer les parents et les élèves face au diagnostic des troubles "dys".
Certes, il lui faut encore valider sa dernière année de master et passer le concours, mais quand on connait le parcours de cette jeune Marseillaise de 25 ans, on ne doute pas de sa détermination. Elle le dit elle-même : "je ne lâche jamais rien". Et en effet, c’est une volonté et un travail considérables que Nawel a déployés pour en arriver là.
Elle avait besoin de temps et de confiance
Tout a commencé en classe de quatrième, quand sur les conseils de sa professeure de français, sa mère l'emmène consulter une orthophoniste. Cette dernière pose le diagnostic : Nawel présente un trouble de la lecture et de l’orthographe (dyslexie et dysorthographie) mais aussi des difficultés de mémoire, d'organisation et de planification (dyspraxie) confirmées par un neurologue et un neuropsychiatre. Elle comprend enfin la raison de toutes les difficultés qu’elle a rencontrées à l’école : son sentiment de ne pas être à la hauteur, le regard des autres et tous ses efforts pour compenser ses lacunes. Son redoublement du CM2 et son année de sixième dans une classe de soutien aussi. Elle a simplement besoin de trois fois plus de temps qu’un autre élève, et de reprendre confiance en elle.
Nawel commence alors ses séances avec son orthophoniste, à un rythme soutenu qui continue encore aujourd’hui :"les jeunes de mon âge quand ils sortent de la fac font du sport ou vont au cinéma, moi je vais chez l’orthophoniste", dit-elle en souriant.
"La révélation", être institutrice
Nawel énumère les épreuves de son "parcours du combattant" de sa voix toujours aussi enjouée, dans laquelle on perçoit tout l’optimisme dont savent faire preuve les personnes dotées d’une grande résilience. Forte de ses séances d’orthophonie et grâce au soutien affectif et moral de sa famille, elle obtient son Bac ST2S (bac technologique sciences et technologies de la santé et du social) avec mention "assez bien", puis effectue une année de prépa paramédicale pour devenir infirmière puéricultrice au cours de laquelle, elle réalise finalement que le milieu hospitalier n’est pas fait pour elle.
C’est en effectuant un autre stage dans une école élémentaire qu’arrive ce qu’elle qualifie de "révélation". Elle veut devenir institutrice. Passer sa vie à l’école pourrait lui rappeler les mauvais souvenirs de sa scolarité compliquée, mais ce n’est pas comme ça que Nawel voit les choses. "Une fois que j’ai été diagnostiquée et que j’ai pris conscience de mon handicap, j’ai vu l’école autrement. Pour moi, ce n’était plus un lieu de souffrances, mais un endroit dans lequel il faut se battre. L’école pour moi est devenue comme un challenge qui me donne envie de prouver que je pouvais y arriver. Le fait d’enseigner, c’est-à-dire, de répondre aux difficultés des élèves, de transmettre quelque chose, tout cela est extrêmement cohérent pour moi."
Nawel sait désormais où elle va, mais le chemin n’est pas plus facile pour autant.
"Ce n’est pas un métier fait pour toi"
Devenir professeur des écoles en étant dyslexique, dysorthographique tout en ayant des difficultés d’organisation représente bien plus qu’un challenge aux yeux de son entourage : c’est carrément mission impossible. Ses parents et sa sœur la soutiennent et l’encouragent, mais à la fac, ils sont nombreux à lui suggérer gentiment de songer à une autre orientation.
Nawel s’accroche, car elle sait au fond d’elle que c’est possible. Une professeure ne lui a-t-elle pas confié un jour qu’elle aussi était dyslexique ?
Des troubles "dys" en fait, on en trouve dans tous les métiers et beaucoup de personnes ignorent même qu’elles en ont.
Ludivine Wolff, orthophoniste
Son orthophoniste nous le confirme : "je n’ai aucun doute, Nawel peut devenir professeur des écoles. Sa détermination et sa grande capacité de travail la mèneront à son objectif."
Selon Ludivine Wolff, orthophoniste dans le 15ᵉ arrondissement, "ce qu’il faut surtout comprendre dans les troubles d’apprentissage, c'est que les enfants concernés n’ont pas moins de compétences ; ils doivent juste fournir plus d’efforts et trouver des stratégies d’apprentissage adaptées. Des troubles "dys" en fait, on en trouve dans tous les métiers et beaucoup de personnes ignorent même qu’elles en ont."
Ludivine Wolff a aidé Nawel à trouver sa propre méthode de travail, une sorte de boîte à outils, dont elle pourra s’inspirer si elle enseigne à des enfants atteints comme elles de troubles "dys". "Je pense que son profil est même une plus-value, elle aura une ouverture d’esprit vraiment enrichissante pour ses futurs élèves."
"Quand on a un handicap, il faut connaître ses droits"
Le principal obstacle à son projet professionnel, Nawell l’a vite identifié : "le problème, c'est que les troubles "dys" sont encore trop mal connus. Des dispositifs existent pour nous aider à mener à terme nos études mais nos droits ne sont pas connus non plus."
Pour pouvoir suivre la formation de professeur des écoles, il faut un diplôme de licence. Mais là encore, Nawel a dû faire une année de plus par rapport aux autres avant de le décrocher, car c’est seulement après avoir redoublé sa deuxième année de licence qu’elle a enfin obtenu l’aide d’une tutrice, une étudiante accompagnatrice, grâce à la Mission handicap de la fac.
Sa tutrice lui a beaucoup apporté en plus des aménagements dont elle disposait déjà comme le "tiers temps" c’est-à-dire la possibilité d’avoir du temps en plus lors des devoirs surveillés, ou encore la possibilité de pouvoir écrire sur des feuilles plus grandes.
C’est aussi cette année-là qu’elle découvre une association qui l’aide à obtenir une bourse pour avoir une tablette numérique qui l'a considérablement aidée.
En 2023, elle obtient sa licence en SVT, Sciences de la vie et de la terre. Une licence d’ordinaire choisie par des bacheliers de bac S, mais Nawel, titulaire d’un bac technologique, on l’aura compris, aime les défis. Elle peut enfin se lancer dans sa formation de professeur des écoles et entre en master. Aujourd’hui, elle termine sa dernière année et s’apprête à passer le concours. Dans le cadre de sa formation, elle enseigne en alternance en maternelle un jour par semaine.
"Avec de l’ambition, de l'envie et de la motivation, on peut croire en ses projets"
C’est pour rassurer et informer les enfants et leurs parents concernés par le handicap qu’elle témoigne aujourd’hui. Elle veut montrer que tout est possible : "mon handicap m’a paradoxalement apporté beaucoup dans ma vie, il m’a donné envie de constamment me dépasser, de ne rien abandonner. Je n’ai aucun problème aujourd’hui pour en parler. Ce n’est pas une honte, bien au contraire, c’est ce qui fait ma force." Elle ajoute : "avec de la persévérance et le bon accompagnement, peu importe le temps que ça prend, on peut y arriver."
Elle souligne aussi l’importance de parler de son parcours et se réjouit du récent témoignage du célèbre acteur, réalisateur et producteur Franck Gastambide qui a révélé être atteint de troubles « dys », ou encore de la couverture médiatique des Jeux paralympiques. "Je ne suis pas une exception à la règle."
Nawel est très investie dans le milieu associatif, au sein notamment de « handinamique » ou à travers ses participations au "Printemps Des Dys", elle essaie d’améliorer la prise en compte du handicap dans les universités et les formations professionnelles.
Elle aimerait aussi écrire un livre. Mais à plus court terme, elle souhaite, quand elle deviendra professeur des écoles, se spécialiser dans l’enseignement pour les élèves sourds ou malentendants. Pour appliquer encore plus concrètement sa devise : "le droit au savoir appartient à tout le monde."