Lundi 8 juillet 2024, France 3 Franche-Comté apprenait qu'une enquête pour harcèlement moral était ouverte par le parquet de Montbéliard à l'encontre de la direction du SDIS (Service départemental d'incendie et de secours) du Territoire de Belfort. Une plainte et un signalement ont été déposés, notamment après une tentative de suicide, traduisant un mal-être général.
Que se passe-t-il chez les pompiers du Territoire de Belfort ? Depuis quelques mois, plusieurs témoignages et prises de parole internes témoignaient d'un mal-être profond et général vis-à-vis de la direction. Selon nos informations, une étape a été franchie avec l'ouverture d'une enquête pour harcèlement moral, par le parquet de Montbéliard.
"Effectivement, une enquête est actuellement en cours contre plusieurs personnes de la direction" a confirmé Paul-Edouard Lallois, procureur de la République de Montbéliard, chargé de l'enquête après le dessaisissement du parquet de Belfort. "Elle a été ouverte le 7 juin dernier, du chef de harcèlement moral, après une plainte d'une personne qui dénonce des agissements de sa hiérarchie et un signalement de l'Union départementale des sapeurs-pompiers du 90".
Une fracture avec la direction depuis une grève en 2022
Cela vient corroborer l'information de nos collègues de France Bleu Belfort-Montbéliard, qui annonçaient il y a un mois qu'une plainte avait bien été déposée, à l'époque devant le parquet de Belfort. Nos confrères évoquaient également deux signalements pour des mêmes faits de harcèlement moral.
Selon les informations de France 3 Franche-Comté, la situation serait en effet extrêmement tendue entre plusieurs membres de la direction et une grande partie de la caserne, notamment depuis l'épisode de grève qui avait touché le SDIS 90 fin 2022.
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"On sent que la direction veut faire payer la grève à ceux qui y ont participé" nous a confié un pompier du SDIS 90, sous couvert d'anonymat. "L'ambiance est délétère, rien n'avance depuis deux ans. On est informé sur rien, beaucoup mis sous pression et cela provoque beaucoup de stress chez tout le monde".
Plusieurs officiers ont été écartés. On ne leur confie plus de dossiers, ils ne prennent plus de décision et n'ont plus de responsabilité. Un climat de mal-être s'est vraiment installé et certains en souffrent terriblement.
Pompier du SDIS 90
En effet, toujours selon nos informations, un agent civil du SDIS aurait avoué avoir fait une tentative de suicide. "En mai dernier, ce collègue a craqué, a fondu en larmes et nous a dit qu'il s'était mis sous un train, avant de se raviser au dernier moment" nous a appris un autre sapeur-pompier, qui a lui aussi souhaité rester anonyme. "Vous voyez où on en est arrivé ?"
"Des cas de harcèlement systémique"
"On est censé assurer la sécurité des gens. Mais comment le faire convenablement si notre sécurité au travail à nous, pompiers, n'est pas garantie ?" s'interroge Sébastien Boillot, délégué du syndicat autonome au SDIS 90. "Dans les cas les plus graves, on est face à des cas de harcèlement systémique, de mise sous pression constante. On a déjà alerté sur cette situation de nombreuses fois, depuis plus d'un an. Mais rien n'est fait".
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Un courrier a été envoyé par les différents syndicats du SDIS 90 à Florian Bouquet, président du conseil départemental du Territoire de Belfort et président du Conseil d'Administration du SDIS, pour que des changements soient opérés. Dans le même temps, l'affaire judiciaire suit son cours, les investigations ayant été confiées à la section de recherche de la gendarmerie de Besançon (Doubs).
Nous avons déjà mené plusieurs auditions. Nous prenons très au sérieux cette affaire, où on a beaucoup d'éléments factuels graves qui concerneraient plusieurs victimes potentielles. Des comportements ou propos répétés, qui peuvent avoir de grandes répercussions sur la santé.
Paul-Edouard Lallois,procureur de la République de Montbéliard, chargé de l'enquête
Selon le procureur, cette affaire ne fait en effet que commencer et va "s'étaler dans le temps" avec "la possibilité qu'il y ait d'autres plaintes". Pour les faits évoqués ici, la peine est a minima d'un an de prison et 15 000 euros d'amende. Elle peut aller jusqu'à deux ans de prison en cas d'interruption temporaire de travail (ITT) supérieure à 8 jours. Contactée par France 3 Franche-Comté, la direction du SDIS 90 ne nous avait toujours pas répondu au moment de la publication de cet article.