Les défaillances d'entreprises sont en recrudescence et pourraient atteindre 65.000 cette année. Depuis 2018, une association accompagne les patrons en difficulté. Elle est née près de Belfort.
Jamais sans doute, il n’avait imaginé échouer. Eric Hebal tenait une petite épicerie au pied des Vosges dans un village de 3.000 habitants. “Au moment du covid, j’étais le sauveur” se souvient-il.
Puis la petite affaire a périclité. “J’étais obligé, de fermer, ça ne tournait plus” confie-t-il à notre journaliste Emmanuel Rivallain. Avant un geste qui aurait pu être fatal, ce chef d’entreprise a le sursaut d’appeler à l’aide l'association casques bleus.
Les casques bleus sont bénévoles, leur accompagnement est gratuit
Yannick Gérome, lui-même chef d’entreprise va guider Eric Hebal jusqu’à la liquidation judiciaire. “Notre action de casques bleus, elle est certes sur l’entreprise, elle est aussi sur l’humain. Toute notre raison d’être, c'est d’écouter, orienter et rendre lucide le dirigeant sur les bonnes décisions à prendre, et l’orienter ensuite vers les bonnes personnes" explique-t-il.
Les casques bleus se déplacent toujours sur le lieu de l’entreprise. Pour mieux écouter la parole de ceux qui ne s'ouvrent pas facilement.
Le chef d’entreprise doit se donner l’image en France d’un homme puissant, indépendant et responsable, sauf que c’est d’abord un homme avec les mêmes faiblesses de tout à chacun. S’il admet en public ses difficultés, il y aura des conséquences sur sa boite, sur lui-même, sur la façon dont ses salariés vont le regarder, et nous en tant qu’entreprise, on le sait tout ça.
Yannick Gérome, bénévole au sein des casques bleus dans le Territoire de Belfort.
Empêcher les chefs d’entreprise de se suicider
L'association "Casques Bleus", a vu le jour près de Belfort après le suicide d'un patron de PME spécialisée dans les espaces verts et qui s’est retrouvé en difficulté en 2016. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) lui vient en aide et l’accompagne dans son projet de cession de l'entreprise... Autant de démarches qui semblent couronnées de succès.
"C'est bon, tout est réglé", souffle le petit patron... Qu'on retrouve pendu deux jours après !
On s'est demandé ce qu'on avait raté. Tout allait bien, alors pourquoi ce geste ? La réponse, c'est qu'on avait loupé l'aspect psychologique pour le dirigeant.
Caroline Debouvry, présidente des associations Casques Bleus Nord Franche-Comté et Casques Bleus France.AFP
"Un chef d'entreprise ne va pas dire spontanément qu'il ne va pas bien”
"Nous sommes en quelque sorte de super-sentinelles", explique Caroline Debouvry. "Un chef d'entreprise ne va pas dire spontanément qu'il ne va pas bien. L'approche psy ne suffit pas : il va d'abord nous parler des difficultés de l'entreprise, de sa préoccupation de payer ses salariés, de ses problèmes administratifs et financiers, mais pas de lui. Aujourd'hui, après avoir abordé ces sujets-là, nous sommes ceux qui posons la question: +Et vous, comment allez-vous ?+". Une aide psychologique peut alors être déclenchée.
L'association Casques Bleus France existe au niveau national depuis 2020.
En 2023, l'association a soutenu 52 chefs d'entreprises et le nombre de dossiers traités augmente chaque année d'environ 30%.