Plusieurs espèces d'arbres présentes dans le nord de la Franche-Comté subissent les effets de la sécheresse. Dans les forêts privés comme publiques, on n'a jamais autant coupé d'arbres depuis cet été 2022. Certaines parcelles risquent peut-être de disparaitre.
Trois épisodes de canicule et plusieurs périodes de sécheresse ont marqué cet été 2022. Ces événements météo extrêmes ont eu un impact sur les forêts du nord Franche-Comté. Elles ont permis la propagation d'insectes et de parasites nocifs pour les arbres. À quelques jours de l'automne, les conséquences continuent de se faire sentir, notamment pour les propriétaires de parcelles comme par exemple à Vézelois (Territoire-de-Belfort).
La résilience après un été extrême
Sur son bout de forêt, Elisabeth Vieillard se désole. Elle a dû faire couper 12 hectares. C'est quasiment 10% de la forêt privée, dont elle est l’une des propriétaires. La faute à cette sécheresse, puis aux scolytes : des insectes dangereux pour les épicéas. « C’est un manque à gagner énorme. En général, la coupe c’est entre 18 et 22 euros le m3. Dans 20 ans, on les aurait vendus beaucoup plus cher. Certains arbres abattus sont vendus à perte, d’autres à zéro. D’autres valent 5, 10 ou 15 euros », explique la responsable de la parcelle. Le coût de l’opération est important : 12.000 euros pour évacuer ces arbres malades.
Elisabeth a essayé par tous les moyens de ne pas en arriver là, mais il n’y avait pas d’autre solution. « On essaie de couper le moins possible, pour qu’il y ait une régénération qui vienne se mettre en place. On préfère avoir de la régénération naturelle, car la valeur de la plantation à l’heure actuelle est beaucoup moins importante. Le grand risque, c’est que les arbres sèchent ou soient malades, attaqués par les scolytes », explique-t-elle.
Le pire est peut-être même à venir, selon la propriétaire : « La sécheresse de cet été peut avoir des répercussions sur les trois prochaines années. S’il ne pleut pas suffisamment, les arbres seront fragilisés et les insectes vont s’installer plus facilement dedans. Si les arbres sont malades et qu’ils sont secs, on les remplace par d’autres ».
De plus en plus d'arbres à terre
La sécheresse de l’été a aussi favorisé le développement d'un champignon dangereux pour les arbres, en particulier pour les pins. Il s'agit du sphèropsis, qui détruit tout sur son passage. « On parle de parasite de faiblesse. Habituellement, il n’est pas fatal pour le pin. Dans un contexte de changement climatique, en revanche, il fragilise les arbres. La moindre attaque de parasite, d’insectes peut leur être fatale, c'est ce qui est arrivé dans les dernières années sur le secteur », décrit Romain Baudet, chef du service travaux à l'Office national des forêts du Haut-Rhin.
La conséquence, c'est qu'il a fallu abattre près de 70 hectares de forêt, ces deux dernières années. C'est notamment le cas des pins. « Il y avait une pleine activité cet été pour couper des résineux. Enormément d’arbres sont malades et d’ici quelques années, les résineux de notre secteur ne seront plus là. Ca peut s’expliquer par le manque d’eau et le réchauffement climatique. Il y a déjà des parcelles à blanc », explique Jérémy Heitzmann, gérant d'une entreprise d'élagage-abattage.
Ce constat désole le bûcheron. « Depuis trois ans, il y a une grosse progression des arbres malades. Ca fait mal au cœur de devoir abattre tous ces arbres : pour l’avenir, qu’est-ce qu’il nous reste ? On est obligés de dégager le terrain, pour que la future plantation prenne le soleil et puisse pousser », s’indigne l’homme.
Les sécheresses à répétition, propices à la disparition de certaines espèces
Des périodes sèches qui reviennent souvent vont représenter une grande menace pour les arbres, à l'avenir. « La forêt ne va pas disparaître : certaines espèces sont menacées. Elles vont disparaître dans un milieu donné, mais elles vont aussi migrer. Il n'empêche que le risque est déjà présent : sur un de nos secteurs, il nous reste très de peu de pins sylvestres. La plupart n’ont pas d’avenir », rappelle Romain Baudet de l'Office national des forêts du Haut-Rhin.
Le phénomène devrait s'amplifier, complète le spécialiste : « En montagne, ces espèces vont monter plus haut. Pareil dans les plaines, où elles vont monter plus haut en latitude. Il y a des zones où effectivement les essences sont plus menacées. Ca fait déjà depuis les sécheresses de 2018 qu’on coupe beaucoup ».
Face à ce risque, les propriétaires de forêt s'adaptent du mieux qu'ils peuvent. « On ne replante plus jamais d’épicéas à 100%, on fait des mélanges de quatre ou cinq essences. L’idée est d’avoir des arbres, qui on l’espère, tiendront le coup », indique Elisabeth. Une solution qu'elle espère être durable face aux nombreux dangers à venir.