A quelques jours du départ d'un Tour de France reporté de deux mois en raison de l'épidémie de Covid-19, le coureur de Haute-Saône se confie sur son moral, et ses jambes. Interview.
Thibaut Pinot retrouve le Tour de France, la course qu'il a enflammée voici un an, avec des ambitions renouvelées et une assurance nouvelle.
Le Tour 2019, son abandon à deux jours de l'arrivée alors que tout un pays le voyait déjà succéder à Bernard Hinault au palmarès des vainqueurs français, relève du passé. "Je l'ai digéré assez facilement", confie-t-il en petit comité. "Je me suis dit que ça ne servait à rien de pleurer là-dessus, c'était fini, trop tard, ça ne servait à rien. Je n'avais qu'une envie, repartir sur une nouvelle saison".
C'est un Pinot à l'appétit intact qui remord cette année au Tour de France. Loin de l'appréhension de ses premières années, quand il oscillait entre sommets (3e en 2014) et abîmes, ses abandons à répétition assorties d'une vraie détresse.
"Je n'ai pas peur du Tour comme j'ai pu l'avoir", dit-il aujourd'hui, la trentaine apaisée.
Je me mettais moi-même une pression de dingue, ce n'était pas la pression de l'équipe ou des médias. Je sais très bien que d'ici la fin de ma carrière je connaîtrai encore des échecs sur le Tour et je suis prêt à faire face.
Le Pinot de la maturité, dont Christian Prudhomme, le directeur du Tour, a apprécié le caractère de battant dans le Dauphiné choisit de positiver. Même sur sa désillusion de l'été dernier, provoquée par une blessure musculaire encore inexpliquée.
"J'ai pris conscience que j'avais sûrement la gagne dans les jambes, je pense l'avoir prouvé. Ma plus grande force a été de terminer l'étape du Galibier avec les meilleurs, en rattrapant même Geraint Thomas au sommet, alors que j'étais sur une jambe", estime-t-il en rappelant le final, quelques jours plus tôt, de l'étape de Foix au Prat d'Albis : "Les mecs qui ont lâché Bernal à la pédale sur un col qui n'était pas spécialement dur, il n'y en a pas eu beaucoup dans sa carrière, c'est quelque chose qui l'a marqué aussi et c'est cette image que je retiens."
Pendant la longue période de confinement, le Franc-Comtois, privé de ses entraînements préférés dans les Vosges, a eu le temps de mettre au clair ses pensées: "C'était une période un peu compliquée, avec le souci pour mes parents (touchés par le Covid-19) mais, d'un autre côté, j'ai pu profiter de ma vie, ça m'a fait vraiment du bien de me reposer. Je sentais que la saison allait reprendre, que tout serait décalé, et j'étais prêt à m'adapter. C'est une de mes forces de pouvoir m'adapter à ce genre de situation."
L'année Pinot pour Thibaut sur le Tour de France ?
Et maintenant ? "Je pars dans l'optique d'aller chercher une étape et de continuer ma progression au classement général", répond prudemment le champion de l'équipe Groupama-FDJ, qui se sent désormais "leader à 100 %". Une étape ? "Oui, j'ai toujours dit qu'il faut gagner des étapes, ce sont des émotions que tu gardes et qu'on ne t'enlèvera jamais quoi qu'il arrive".
"Ce que je veux, poursuit-il, c'est une bataille. J'espère qu'il n'y aura pas de temporisation des deux armadas (Jumbo et Ineos). Si elles ont décidé de cadenasser la course et d'attendre le contre-la-montre de La Planche des Belles Filles, on ne pourra rien faire".
En revanche, le Français affiche sa confiance envers sa propre équipe. "Je ne suis pas inquiet du tout, je sais que j'aurai des coéquipiers solides". Il assure être prêt pour l'attente immense qu'il suscite.
A force d'entendre l'expression "Thibaut, c'est ton année", Pinot a appris à supporter la pression: "Mes coéquipiers en rigolent, c'est la seule phrase que les gens me disent. A 22 ou 23 ans, j'aurais déjà pété un plomb, à 30 ans ça ne me dérange plus. Cela a été long à venir, maintenant c'est une pression qui est vraiment positive."