Un actionnaire minoritaire annonce le montant de 66 millions d'euros concernant la rémunération de Carlos Tavares, patron de Stellantis. La communication du groupe parle elle de 19 millions d'euros. Qu'en pensent les salariés francs-comtois ? Réactions.
Carlos Tavares, patron de Peugeot-Citroën et plus largement du groupe Stellantis, pourrait être le dirigeant "le mieux payé de l'histoire" avec une rémunération estimée à 66 millions d'euros, selon la société de gestion PhiTrust.
Cet actionnaire minoritaire de Stellantis a annoncé mardi 13 avril avoir voté contre la rémunération de Carlos Tavares. Elle l’évalue à 66 millions d’euros pour l’année 2021. "Dans le détail, le dirigeant de 63 ans doit toucher 19 millions d’euros au titre de la seule année 2021 (1,9 million de fixe + 7,5 millions de variable + 5,5 millions au titre de la première année d’un plan de performance de trois ans + 1,7 million de prime de réalisation de la fusion + 2,3 millions de contribution à sa future retraite), à quoi s’ajoutent 47 millions d’attribution d’actions gratuites et de rémunération exceptionnelle fondée sur la capacité de M. Tavares à transformer Stellantis, une grande partie étant soumise à l’atteinte d’objectifs et n’étant pas touchée avant 2026-2028" comme l'explique en détails LeMonde.fr. Contactée par l'AFP, la direction de Stellantis a souligné que “le chiffre annoncé par PhiTrust est faux, et le salaire de Carlos Tavares pour 2021 est bien de 19,1 millions d’euros”.
L'information a évidemment fait réagir, à l'heure où les réductions d'effectifs et les coupes budgétaires se multiplient, notamment du côté du Pays de Montbéliard, fief de la marque Peugeot. Nous avons interrogé des syndicalistes et des ouvriers de PSA Stellantis, pour savoir ce qu'ils pensaient de cette information.
"Les cadences sont interminables"
Alex est salarié chez PSA à Sochaux depuis 14 ans. Il travaille sur les portes des véhicules 3008 et 5008. "Je trouve ça vraiment n'importe quoi. On prend les ouvriers pour des cons" nous dit-il d'emblée. "Les cadences sont interminables avec la pression à tous les niveaux. Ils essayent de tout robotiser pour avoir toujours plus et lui il touche des millions" ajoute-t-il, visiblement remonté.
Aurore Boussard, secrétaire CGT Stellantis Sochaux a évidemment eu écho de la nouvelle. Qu'a-t-elle pensé en découvrant ce chiffre de 66 millions d'euros ? "J'ai pensé que c'était scandaleux, d'autant plus au vu des dernières discussions sur les salaires avec la direction qui a été très radine, en se basant sur une inflation qui est à côté des réalités". Elle nous explique qu'il n'y a "quasiment pas eu d'augmentation de salaire".
Du côté du syndicat CFDT, on parle d'amertume. Benoît Vernier confirme les propos d'Aurore Boussard. "Quand on a vu la négociation salariale, on a essayé d'avoir 1% d'augmentation de salaire au-dessus de l'inflation et la direction nous a expliqué qu'on était dans un moment critique pour l'industrie automobile et qu'il fallait être responsables et raisonnables..." se rappelle-t-il.
"Qu'il renonce à une partie"
"Ca a été compliqué d'accepter ce regard dans le rétroviseur quand on a vu les chiffres annoncés. On est clairement choqués. Notre souhait serait que, de lui-même, il renonce à une partie et qu'elle soit réinjectée dans des investissements dans le groupe" nous précise le syndicaliste.
"Le PDG a plus d'argent qu'il ne lui en faudrait, alors que les salariés en ont besoin de cet argent. Ces chiffres de réussite ne peuvent pas justifier cette rémunération. Cet argent devrait être redistribué aux salariés de manière équitable avec une augmentation des salaires" ajoute Aurore Boussard, en référence aux bons résultats de la société Stellantis depuis l'arrivée de Carlos Tavares. Elle ne croit pas en les dires de Stellantis concernant les 19 millions d'euros. Et de conclure : "Je pense qu'ils ont même tenté de diminuer ce chiffre pour taire la colère de chacun et chacune".
Vincent, salarié chez PSA Sochaux, réagit également à cette nouvelle. "Nous voilà donc avec un PDG qui gagne 180 000€ par jour (sans parler des autres avantages non chiffrés) et qui rabâche à longueur de temps à ses salariés qu’il faut faire des efforts pour pérenniser l’entreprise. PSA réduit ses effectifs de jour en jour afin d’assurer la « compétitivité » de la société. Les salariés sont augmentés de 3% contre 17% pour lui... Il est normal qu’un PDG gagne plus qu’un salarié, mais pas dans ces proportions" dit-il.
On pousse les gens dehors pendant que nos dirigeants nagent dans l’argent. Un ouvrier met plus de 10 ans pour gagner ce que Mr Tavares touche en 1 mois. C’est complètement indécent. Tous ces gens sont déconnectés de la réalité.
Vincent, salarié PSA Sochaux
Hanane, également salariée à Sochaux, juge cette rémunération "honteuse" mise en parallèle à la prime de 4000 euros brut reçue par les salariés. Elle dénonce les conditions salariales qui se détériorent et les locaux dégradés. "Je travaille en mécanique. Le bâtiment est tellement vieux. Il n'y a que deux toilettes pour femmes dans tout l’atelier. Par contre, pour augmenter les cadences et faire des postes intenables ça ils l’ont fait… Je peux vous jurer que c’est l’enfer et que les conditions de travail se sont dégradées" témoigne-t-elle.
"C'est la loi du marché"
"Mr Tavares ayant de lourdes responsabilités, il est normal de percevoir un bon salaire. Mais là, c'est abusé. Il devrait penser que sans les "petites mains" l'entreprise ne serait rien" explique quant à elle Evelyne.
Fabrice travaille à Stellantis Vesoul et nuance un peu l'avis des personnes citées ci-dessus, même s'il trouve la rémunération excessive par rapport "à des ouvriers, des techniciens cadres qui se donnent tout autant évidemment". "Mais c'est la loi du marché. C'est maintenant le 4ème groupe mondial" nous dit-il. Il ajoute tout de même : "Il ne faut juste pas oublier ceux qui font vivre le groupe aussi au quotidien. La prime d'intéressement qu'on a reçu, ok, mais elle aurait dû être encore plus importante de mon point de vue."
Le groupe Stellantis exploite et commercialise quinze marques automobiles dont cinq issues du Groupe PSA (Citroën, DS Automobiles, Opel, Peugeot et Vauxhall) et dix issues de FCA (Abarth, Alfa Romeo, Chrysler, Dodge, Fiat Automobiles, Fiat Professional, Jeep, Lancia, Maserati et Ram).