Stellantis a annoncé dimanche 1er décembre 2024 la démission "avec effet immédiat" de Carlos Tavares, patron du groupe automobile, dont le successeur sera nommé au premier semestre 2025. Des désaccords ont accéléré son départ. Réactions à Sochaux et Vesoul, deux des usines françaises du groupe.
Sa retraite avait été annoncée à l'horizon 2026. Finalement, le conseil d’administration du groupe automobile Stellantis (qui regroupe les marques Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler, Opel, Lancia, Jeep...) aura pris les devants, mettant fin à la carrière de son dirigeant. Carlos Tavares, 66 ans, patron intraitable, a été poussé à la démission, en raison notamment de désaccords et des ventes en chute libre. Sa démission a été actée dimanche soir et communiquée dans la foulée par la maison mère.
Ce n’est pas un gros événement, nous, on va continuer à se lever à 5 heures chaque matin pour produire des voitures
Jérôme Boussard, secrétaire CGT à Stellantis Sochaux
Pourquoi un départ anticipé ? Selon Henri de Castries, administrateur de Stellantis, les planètes n'étaient plus alignées, avec des "points de vue différents" entre le conseil d'administration et le dirigeant.
Baisse de production et chute libre des ventes de voitures
Fin septembre, Carlos Tavares avait dû abandonner son objectif sacré de marge opérationnelle à deux chiffres pour l'année, qui le plaçait loin devant ses concurrents, et justifiait son salaire prévu à 36,5 millions d'euros pour l'année 2023.
Dans notre groupe, il est passé du Messie à banni. Il le dit lui-même : il est un psychopathe de la performance
Jean-Paul Guy, délégué CFTC - Stellantis Vesoul
Parallèlement, il avait bousculé l'organisation du groupe début octobre, en choisissant des profils plus commerciaux pour relancer les ventes. En effet, au premier semestre 2024, le groupe Stellantis a connu une baisse de rentabilité importante, avec un bénéfice net divisé par deux. En Amérique du Nord, les marges du groupe automobile se sont effondrées face à des difficultés plus graves que prévu.
À titre personnel, c’était le patron le plus détesté de tous, on a connu fermeture d’usine, suppression de postes, sanctions, licenciements, 150 000 suppressions de postes dans le monde, et lui a été grassement payé pour faire ça. La question aussi : c’est combien il va toucher de prime de départ. Personne ne va le regretter
Cédric Fisher , délégué CGT - Stellantis VesoulL'année 2024 a également été marquée par des retards dans les lancements de plusieurs modèles, causés notamment par des problèmes électroniques. Des circonstances qui avaient inquiété en Italie, patrie de Fiat, où des milliers de manifestants lui avaient demandé des comptes mi-octobre. Dans le même temps, le salaire vertigineux de Carlos Tavares fait réagir. Au titre de l'année 2023, le PDG de Stellantis a perçu une rémunération de 36,5 millions d'euros. Soit 3,04 millions par mois et 100 000 euros par jour.
L'ère Tavares : un bilan mitigé
Venu de Renault, Carlos Tavares s'était fait un nom en redressant le groupe PSA (Peugeot-Citroën) à partir de 2014, en coupant dans les coûts. Il avait ensuite réussi, apparemment, le pari de la mégafusion entre PSA et FCA (Fiat-Chrysler) : depuis la création de ce groupe aux quatorze marques en 2021, Stellantis a enchaîné les records de bénéfices nets.
Mais les dernières années ont été plus moroses, enchaînant des baisses de production et de vente. Le scandale des moteurs Pure Tech a particulièrement freiné les acheteurs. La semaine dernière, la direction du groupe avait assuré qu'aucune fermeture d'usine n'était prévue à court terme. Mais au Royaume-Uni, l’usine Vauxhall à Luton (nord de Londres), employant plus de 1.100 personnes, va faire l’objet d’une fermeture. En France, à Sochaux, le nombre de salariés a été divisé par deux en dix ans, passant de 10 000 à 5 000 salariés et selon la CGT, dans un communiqué, Carlos Tavares "a programmé la fermeture de Douvrin, Luton et Poissy en faisant planer le doute sur d'autres comme celle d'Hordain et Valenciennes".
On retiendra de lui la fermeture d'Hérimoncourt dans le Doubs, la suppression de 5.000 emplois en 10 ans, l’abandon du musée Peugeot et du FCSM. Il a un bilan social très négatif alors que lui perçoit 100 000 euros/ jour.
Jérôme Boussard, secrétaire général CGT - Stellantis Sochaux
Outre-Atlantique, Carlos Tavares assurait que la situation était en cours de redressement et qu'en Europe, il n'était pas le seul groupe à rencontrer des difficultés en cette période "darwinienne" mais il n'avait pas complètement convaincu, ni les marchés, ni les salariés.
Les dirigeants de Stellantis assuraient de leur côté que les ralentissements de 2024 étaient dus à la "transition" entre deux générations de véhicules et promettaient une relance vigoureuse début 2025 avec la montée en puissance de ses nouveaux modèles. Qu’en sera-t-il avec la démission de Carlos Tavares ?
Nous, en France, on demande de maintenir la production de véhicules. On espère qu’il n’y aura pas de fermeture chez nous d'ici à trois ans
Jean-Paul Guy, délégué CFTC - Stellantis VesoulJohn Elkann, héritier du principal actionnaire du groupe qui est la famille italienne Agnelli, prend la tête d'un nouveau comité exécutif temporaire, mais sans grande ambition selon les syndicats de Sochaux contactés par téléphone “la famille Agnelli, on n’attend rien de bon d’eux” avance Cédric Fisher, le la CGT à Vesoul.
Le processus de nomination du nouveau directeur général du groupe est déjà "en bonne voie" et "aboutira au cours du premier semestre de 2025", a souligné le groupe.
On espère qu'ils maintiendront les engagements pris en matière d’emplois et pour les usines. Il fallait du changement et on espère que ce changement améliorera l’ambiance
Bilal Benchaa, délégué CFDT - Stellantis SochauxDans un communiqué, CGT de Sochaux explique que "cet homme n'est pas à plaindre et aucun travailleur ne va regretter Tavares qui a massacré l'emploi et détruit des milliers de familles".
Après l'annonce de la démission de Carlos Tavares, l'action de Stellantis a dévissé de plus de 7%, lundi 2 décembre 2024, à la Bourse de Paris.