Le projet de loi sanitaire, en débat cette semaine à l'Assemblée nationale, prévoit la vaccination obligatoire des soignants d'ici le 15 septembre. Les syndicats du domaine de la santé n'imaginent pas leurs effectifs, déjà sous tension, privés des personnels non vaccinés à la date butoir.
Jusqu'alors ils avaient le choix. Ils ne l'ont plus.
Le projet de loi sanitaire, en discussion jusqu'à la fin de la semaine à l'Assemblée nationale, va rendre obligatoire la vaccination des personnels exerçant dans les "établissements de santé", c'est-à-dire les hôpitaux, les cliniques, les Ehpad et maisons de retraite notamment.
Un motif spécifique justifiant la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail
Les personnels soignants et non soignants de ces établissements ont jusqu'au 15 septembre pour présenter leur "justificatif de statut vaccinal".
Dans le cas contraire, leurs employeurs doivent leur notifier, "le jour-même", "la suspension de [leurs] fonctions ou de [leur] contrat de travail". Cette suspension s'accompagne, précise le projet de loi, "de l’interruption du versement de la rémunération". "Le fait de ne plus pouvoir exercer son activité pendant une durée supérieure à deux mois en raison du non‑respect de l’obligation de présentation des documents mentionnés au précédent alinéa peut être un motif spécifique justifiant la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail", complète le texte.
"La couverture vaccinale des soignants est plus faible que celle de la population générale, notamment en Ehpad, alors que la possibilité d'être vacciné leur est offerte depuis le mois de janvier", déplorait en début de semaine Olivier Véran, le ministre de la Santé, devant les députés.
Vaccination obligatoire pour les soignants : "Le gouvernement ne peut se résoudre à ce que 40 % des personnels de santé ne soient pas encore vaccinés", relève @olivierveran. Cette obligation sera effective à compter du 15 septembre.#DirectAN #PJLSanitaire #Covid19 pic.twitter.com/EZE6P7Hs83
— LCP (@LCP) July 20, 2021
Le gouvernement a lancé cette obligation sans prendre la mesure des conséquences sur la continuité des soins et du service public.
"On vient de solliciter la direction de l''hôpital, en intersyndicale, pour savoir comment ils comptaient contrôler, parce que cela relève du secret médical, et surtout quelles seront les conséquences pour les personnels non vaccinés au 15 septembre", nous indique Laurence Mathioly, secrétaire départementale Sud Santé Sociaux du Doubs et assistante maternelle au CHRU Jean Minjoz de Besançon.
"Très sincèrement, au vu de la pénurie, je vois pas bien comment ils pourraient dire aux gens 'restez chez vous et ne venez pas travailler', poursuit la syndicaliste. Comment l’hopital va-t-il tourner s’ils ne viennent pas bosser ?"
Laurence Mathioly fustige la méthode: "A Sud, on n’est pas antivax, on est pour le libre arbitre. Quand les personnes ont peur, les obliger rajoute )de la suspicion. Au début de la crise, les soignants étaient glorifiés. Maintenant, ce sont des méchants s’ils veulent pas se faire vacciner."
A Vesoul, pas de polémique nous assure la CFDT. A l'hôpital, 65% des personnels sont déjà vaccinés: "On n'a pas eu d'appel d'agent à ce sujet".
Au centre hospitalier spécialisé de Novillars, Jan Szoblik a reçu beaucoup d'appels au local CGT, notamment pour demander des informations sur le licenciement au bout de deux mois. "On risque d'avoir des personnes qui font le choix de ne pas répondre à l'obligation légale pour avoir l'opportunité de quitter la fonction publique hospitalière en se faisant licencier, avec des indemnités, alerte le syndicaliste. Cela permet d'être éligible à l'ouverture de droits au chômage. Au moins une vingtaine de personnes m’a appelé pour poser des questions sur ce sujet.".
A l'hôpital psychiatrique de Novillars, il resterait près de 300 agents à vacciner, sur 700 au total. "Je ne vois pas comment on va pouvoir tenir les délais, affirme Jan Szoblik. Si la direction respecte la réglementation, on va se retrouver avec un déficit important d’agents, suspendus faute de pouvoir s’être fait vacciner comme il se doit. Je m'interroge vraiment sur la manière dont on va assurer notre mission de service public à la rentrée".
Auditionné par les sénateurs ce jeudi, Jean-Françios Delfraissy, président du conseil scientifique, a expliqué avoir "changé d'avis" sur la vaccination des soignants, et n'avoir désormais "pas d'état d'âme" à l'imposer dans les hôpitaux.
Sur la #vaccinationobligatoire des soignants, Jean-François #Delfraissy déclare "ne pas avoir d'états d'âme". "A un moment donné, on fait ce métier pour les autres, pas pour soi". #DirectSénat #Covid19 pic.twitter.com/coHNsUfWUi
— Public Sénat (@publicsenat) July 22, 2021