Souvent décriés, les accords de libre-échange signés par l'Union européenne avec le Canada, la Corée du Sud et maintenant le Japon, offrent la promesse de nouveaux débouchés à la viticulture bourguignonne face aux menaces qui pèsent sur ses marchés historiques.
Les vignerons bourguignons, qui vendent une bouteille sur deux à l'étranger pour des revenus flirtant avec le milliard d'euros, voient avec inquiétude les menaces protectionnistes du président américain Donald Trump et le spectre, même différé, de la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE.
"Le Brexit nous inquiète un peu. Même s'ils disent qu'ils ne vont pas arrêter de boire, les complications vont surgir", anticipe François Labet, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Les marchés britanniques et américains sont cruciaux alors qu'entre 2014 et 2018, les ventes de vins de Bourgogne dans l'Union européenne ont baissé de 41 à 38 millions de bouteilles.
Elles restent conséquentes, avec près de la moitié des volumes exportés. Mais en valeur elles ne représentent plus qu'un tiers du total, les producteurs se tournant de plus en plus vers d'autres acheteurs étrangers notamment à la faveur d'accords de libéralisation commerciale signés par Bruxelles.
"Les accords de libre échange facilitent grandement la (réduction de la) paperasse, qui est chronophage. Et pour les consommateurs (de ces nouveaux pays), le prix des vins baisse chez eux", explique François Labet. Ils "rendent la pénétration du marché plus facile, c'est gagnant-gagnant", ajoute-t-il.
"Plus on travaille avec des pays différents, moins on prend de risques. Nous essayons donc de toucher d'autres pays qui ont un fort potentiel de croissance", explique de son côté Christophe Cordier, de la maison homonyme installée à Fuissé (Saône-et-Loire), qui exporte 80% de sa production.
Édouard Cassanet, directeur général de la Cave de Lugny, coopérative qui exporte 50% de sa production de vins de moyenne gamme, comme le Mâcon Village, est toutefois plus dubitatif sur les possibilités de diversification en cas de difficulté avec les partenaires américains et britanniques.
"Dans les belles appellations, il n'y a pas d'inquiétudes mais, pour nous, il n'existe pas à l'heure actuelle de marché alternatif à la Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Si un malheur devait arriver avec ces deux pays, ce serait une catastrophe".
Le Québec 5e importateur
Parmi les marchés concernés par les accords de libéralisation commerciale signés par l'UE, certains présentent toutefois un fort potentiel. Le Canada est ainsi "devenu un marché de référence. La province de Québec est la plus intéressante car elle constitue le cinquième marché d'exportation pour la Bourgogne", détaille François Labet.L'UE a aussi signé cette année un accord avec le Japon, mais sa mise en place est encore laborieuse, regrette le responsable. "Nos craintes concernent surtout le fait que l'administration japonaise doit intégrer qu'il n'y ait plus de droits de douane. C'est un gros choc culturel pour les Japonais".
"À chaque expédition, ils nous demandent toujours plus de documents", abonde Christophe Cordier, toutefois déterminé à poursuivre ses efforts puisque "sans droits de douane, on se dit qu'ils achèteront plus".
Pour cela il faudra tout de même compter avec la concurrence européenne (Italie, Espagne) et d'autres producteurs ayant déjà signé ce type de convention avec le Japon, comme le Chili ou l'Australie.
Parmi les marché moins mûrs mais pleins de promesses pour la Bourgogne, François Labet cite la Corée du Sud "un petit pays riche qui pourrait ressembler au Japon dans quelques années". À plus long terme, l'Inde et son milliard d'habitants où "le libre échange nous irait assez bien", ou la Chine, marché "plus compliqué au niveau administratif et où les droits de douane sont plus élevés".
"Les Chinois importent soit de très grands vins très chers, soit des vins pas très chers. Il y a un marché à prendre au milieu", expose Christophe Cordier, qui produit les vins blancs Pouilly-Fuissé, Saint-Véran, et Viré-Clessé.
Si elle regarde au-delà, la viticulture de Bourgogne pourra toujours compter sur certains pays européens où sa présence pourrait être renforcée, notamment à l'Est.
"Ce sont nos marchés traditionnels, dans lesquels nous exportions déjà au XIXe siècle et qu'on a jamais laissé tomber", assure François Labet.