La carte des Zones Défavorisées délimite les territoires agricoles moins fertiles ou plus compliqués à cultiver que d'autres. Les exploitations situées dans ces zones ont droit à des primes versées par l'UE. Mais cette carte qui n'a pas été révisée depuis 1976 doit changer.
Sur la nouvelle carte qui entrera en vigueur le 1er Janvier 2019, les limites des Zones Défavorisées ont bougé. Certaines exploitations sont nouvellement prises en compte, d'autres n'en font plus partie. Pourtant les terres et les exploitations qui y sont ancrées, sont toujours les mêmes. Un changement incompréhensible, pour le monde agricole.
Ce changement crée une situation dramatique pour les nombreux agriculteurs qui pouvaient compter sur une prime à laquelle ils n'auront plus droit : l'Indemnité Compensatrice de Handicap Naturel (ICHN). Cette indemnité est essentielle pour maintenir leur exploitation. Ce pécule annuel de 6000 à 8000 euros leur permet tout juste de se dégager un salaire.
C'est le cas de Séverine Carron-Fermier à La Ferté-Loupière. Cette jeune femme a depuis toujours, souhaité devenir agricultrice. Elle a 165 vaches laitières. Le lait vendu à la coopérative ne lui rapporte presque rien. Ses journées commencent très tôt et se finissent tard toute l'année. C'est vraiment parce qu'elle aime son métier qu'elle continue à travailler. Elle a fait les calculs : sans la prime, elle n'arrivera plus à se dégager un salaire, pourtant minime. Séverine a déjà fait le maximum pour rationaliser et diminuer les coûts de son élevage tout en assurant le bien-être de ses animaux.
Inversement, pour d'autres agriculteurs, la nouvelle carte, telle qu'elle se dessine actuellement, est une véritable bouffée d'espoir. Leur exploitation fait désormais partie des zones défavorisées et ce qui leur donne droit à cette indemnité qu'ils n'ont jamais touché.
Laurent Tavouillot dont l'exploitation se situe à Massangis espère que cette nouvelle carte va se concrétiser. Il a repris l'exploitation familiale en 2007 avec le projet d'embaucher un salarié et d'arriver à se dégager un salaire dans les années suivantes. Ce qu'il n'a jamais pu réaliser. Aujourd'hui, c'est son père, retraité, qui l'aide à la ferme. Et il a des prêts à rembourser.
Il a pourtant fait un prévisionnel, mais c'est peine perdue car les règles du jeu, dit-il, changent tout le temps. Impossible de tabler sur des aides qui risquent de ne plus exister alors que des engagements auront été pris. Laurent Tavouillot subit de plein fouet la crise agricole. La pire depuis 30 ans, ajoute-t-il. Dans ces conditions, la perspective de pouvoir toucher l'ICHN lui donne un peu d'espoir même si cela ne résoudra pas tout ses problèmes.
Le reportage de Caroline Jouret, Yoann Etienne, Chantal Gavignet et Patrick Jouannin avec :
-Laurent Tavouillot, éleveur-céréalier à Massangis (89)
-Francis Letellier, éleveur à Saint-Privé et représentant syndical de la FDSEA de l'Yonne
-Séverine Carron-Fermier, éleveuse à La Ferté-Loupière